4 juillet 2021, 20:00

PRIMAL AGE

• Interview Didier & Benoît

Toujours aussi rageux et inspiré, PRIMAL AGE la référence du metal-hardcore français a sorti en juin son tout nouvel album « Masked Enemy », dont l’écoute devrait largement satisfaire les adeptes du genre. Le groupe traite de la défense de la cause animal, du végétarisme, de l'écologie, dénonce, entre autres, la sur-consommation de masse... Autant de thèmes récurrents que PRIMAL AGE explique et affirme depuis 1993. PRIMAL AGE a marqué les années 90 en étant parmi les premiers à fusionner metal et hardcore en Europe. En ces temps encore obscures, il nous reste plus qu’à attendre patiemment pour admirer le travail du groupe sur scène...
 

Votre nouvel album « Masked Enemy » est sorti en juin dernier, est-ce que tu peux revenir sur sa genèse ?
Benoît : Sa composition été déjà établie depuis 3 ou 4 ans. Dimitri notre bassiste avait élaboré une bonne partie de l’album. Suite à notre arrivée, il nous a balancé tous les morceaux. C’est ensuite Flo qui a eu le talent de s'imprégner de l’esprit de PRIMAL AGE pour pouvoir composer l’autre moitié dans la veine du groupe. Ce qui est toujours quelque chose de compliqué quand tu es un nouvel arrivant.
Didier : La problématique que nous avons eu concerne les batteurs, au moins trois différents se sont succédé. Certains morceaux avaient 4 ans, et la batterie ne collait pas avec ce que Dimitri notre bassiste voulait. Et quand nous avons eu Rudy (EXPLICIT SILENCE) qui nous a demandé de lui envoyer les morceaux, en 48h il nous en a fait deux, et Dimitri en était satisfait. Par la suite Rudy a proposé de nous donner un coup de main pour l’enregistrement, nous sommes donc partis avec lui sur cette étape, tout s’est très bien passé. Quand on lui a proposé d’intégrer le groupe il a décliné. Et ce pour des raisons uniquement logistiques, c’était trop compliqué pour lui d’avoir deux groupes. S’il avait habité dans la même ville que nous, il aurait dit oui tout de suite. Cela nous a donc permis de lancer le processus de sortie de l'album : mixage, mastering et artwork, et aussi chercher un nouveau batteur. Que nous avons trouvé ! à savoir Miguel qui est officiellement membre depuis plusieurs semaines, son jeu est assez similaire avec celui de Rudy. Et il a fait le job, nous avons commencé à travailler la nouvelle set-list avec lui, je pense que nous avons trouvé la bonne personne.

Par rapport à votre EP qui était sorti en 2017, pensez-vous que cet album en est la suite, ou sont-ils tous les deux décorrélés ?
Didier : Je dirais que c’est une suite. Mais cet EP est un peu particulier, car c’est un ami qui nous a fait don de ses morceaux. Il avait fait deux tournées avec nous au Japon et au Brésil en tant que guitariste, et pour nous remercier il nous les a donnés. Il avait déjà joué avec Dimitri dans un autre side-project qui s’appelait ABSONE, lorsque PRIMAL AGE s’est arrêté entre 2000 et 2005, du coup il nous connaissait très bien. Nous avons trouvé que cela collait, alors nous avons ajouté notre pâte et nous l’avons sortie.

Vos paroles reflètent vos engagements, y a-t-il eu des événements dans l’actualité qui vous ont marqués pour l’écriture ?
Didier : Nous avons un peu plus politisé le message, et essayé de plus tirer la sonnette s’alarme. Sur le fait que nous avons des têtes pensantes qui dirigent le pays et qui tirent les ficelles, ils nous mettent la rage et dans le doute. Ces gens, "l’élite", ne sont pas souvent visibles, deux ou trois sont en avant et ce sont eux sur qui on visera plus facilement. Je trouve que les gens sont au final perdus, c’est une forme de manipulation, et c’est notre thématique générale.


Malgré une actualité très chargée, vous avez choisi un discours de Severn Suzuki au sommet de la Terre de Rio datant de 1992 pour démarrer l’album, y a-t-il un symbolisme particulier à travers ce "décalage" ?
Didier : Pas du tout, c’est notre ami qui nous avait donné les morceaux pour l’EP qui avait maquetté un peu par hasard le premier morceau avec cette intro. En lui posant la question d’où cela venait, il m’a envoyé le lien YouTube et j’ai trouvé que cela collait, donc nous l'avons gardé. Les mots sont très forts, elle explique qu’elle ne voudrait pas que la génération future subisse ce qu’elle voyait, en 1992 déjà ! C’est une piqûre de rappel, mais ce qui est évoqué n’a depuis pas beaucoup avancé, c’est même pire.

L’album a été enregistré par Guillaume Doussaud au Swan Sound Studio et mixé par Alan Douches au West West Side Studio, avez-vous changé vos habitudes pour ce disque ?
Benoît : En passant par Guillaume et donc un autre ingénieur du son, forcement la façon de travailler n’était pas la même. L’avantage avec lui c’est qu’il le fait directement avec Alan, au niveau de la communication nous savions qu’on allait gagner du temps et de l’énergie. Concernent Guillaume il m’a personnellement était bénéfique ; au petit soin et très exigeant avec moi, mais exigeant dans le bon sens. La phrase qu’il me sortait en permanence c’est « t’es toujours devant », par rapport au clic, il nous glissait régulièrement des petits tips comme celui-là.
Didier : Il a toujours su tirer profit de chaque membre avec des phrases positives. Dès le début des discutions, c’est quelqu’un qui voulait travailler avec nous. Rudy qui le connaissait déjà, car il a fait au moins treize albums avec lui, nous avait dit que c’est une crème et qu’il allait tirer le meilleur de nous-même. C’est important que l’ingénieur du son ne soit pas là que pour appuyer sur des boutons, mais qu’il prenne aussi une petite part de producteur pour amener la touche finale. Et comme il a travaillé sur des précédents groupes avec Alan à New-York, le dialogue était plus facile. Il savait jusqu’où il pouvait pousser le mixage, et ainsi potentialiser le mastering. Il faut savoir que c’est aussi une étape hyper importante dans l’enregistrement d’un album, encore plus que le mixage.

Vous êtes connus pour vos performances live, nombreuses et énergiques, j’imagine que vous devez avoir hâte de tourner, avez-vous quelques idées en préparations à ce sujet ?
Didier : Oui nous l’espérons comme tout le monde. Dès le début de la pandémie les tourneurs se sont emballés à rebooker 2 mois après, puis 6 mois après... pour enfin prendre conscience du truc et qu’il fallait booker au moins 1 an après. Nous restons prudents, en espérant que les gens ne vont pas faire trop de bêtises pendant le mois d’août pour que nous puisons rester dans cette étape de sortie. Pour enfin défendre cet album principalement sur 2022, notre tour-manager travaille dessus. Nous en avons discuté avec Benoît, au niveau de la promotion, de la sortie de l’album et des concerts ; dans notre plan de bataille on va laisser passer tout le monde sur 2021, car ils vont tous vouloir y aller et il n’y aura plus beaucoup de place... j’espère que derrière il y en aura un peu pour nous (rires)

Et dans ce fameux plan de bataille, avez-vous d’autres projets ?
Didier : On aimerait bien faire un clip, mais cela coûte. Il faut savoir que nous ne sommes pas des pros, nous sommes en total auto-financement. Nous y arrivons bien depuis un moment... pas au début ! Il faut savoir que la musique c’est un trou que tu creuses sans jamais réussir à le reboucher. L’actualité de l’album c’est maintenant donc il faudrait arriver à caser ce second clip dans un délai bref, et pas dans 6 mois.
Benoît : Nous avions pensé à un clip au format lyric-vidéo, plutôt que professionnel avec scénario qui couterait forcément plus cher. Si c’est bien fait, cela peut être vraiment sympa.
 


Depuis vos débuts la scène hardcore a beaucoup évolué, quels sont les derniers groupes qui vous ont marqués ?
Didier : Je ne sais pas si COMEBACK KID c’est suffisamment récent car je ne connais pas toute leur carrière, c’est un groupe qui a amené un coté mélodique avec du punk-hardcore métallique qui est assez actuel je pense. Il y a aussi GET THE SHOT, pour leur coté thrashy, c’est un groupe de la jeune génération sur lequel je me suis penché, et aussi le chanteur est straight edge.

D’ailleurs, on parle de hardcore mais je vous repose la même question concernant le metal ?
Didier : Je me suis un peu plus intéressé à GOJIRA, et à leur message aussi, Benoît m’a filé un album il y a un petit moment maintenant. J’ai aussi écouté le dernier KILLSWITCH ENGAGE, cela fait partie des groupes dans cette veine que j’ai beaucoup écouté, comme CALIBAN. Après j’ai décroché, je reviens à ma génération des année 80.

Cela fait une bonne transition, PRIMAL AGE est actif depuis maintenant trois décennies, quel est le regard que tu portes sur l’ensemble de ta carrière ?
Didier : Parfois quand on se pose avec Dimitri et qu’on discute concerts, on se dit « Whao, on a fait tout ça ! ». Ou lorsque je réouvre mon carton contenant ma collection de magazine avec des articles sur le groupe, je suis un collectionneur invétéré, je me dis encore « tu as fait tout cela quand même ». Je me dis juste que j’ai bien fait les choses... j’ai aussi fait des erreurs. Mais l'auto-critique n’est pas facile, je suis quelqu’un d’assez humble. Je me dis que le temps passe vite, Benoît peut en témoigner car depuis 2015 il en ait à plus de 50 concerts avec nous ?
Benoît : Pour ma part ce n’est que le début, donc je ne peux pas vraiment faire de rétrospective, mais c’est déjà un très bon début. Je suis bien entouré, j’ai été amené bien comme il fallait dans la musique ; on m’a toujours dit qu’il ne faut jamais se faire passer pour quelqu’un qu’on n’est pas, qu’il faut toujours rester humble, et lors des concerts quand on voit du monde, qu’il ne faut pas dire n’importe quoi. Même si tout cela parait normal, beaucoup de personnes pourraient tomber dans l’illusion du musicien type. Quand on regarde ma "carrière" je suis en fait en train de me construire un CV pour l’avenir, car je sais que PRIMAL AGE ne durera pas 20 ans, même si j’aimerais bien.


​De vos débuts à aujourd’hui le mouvement vegan s’est beaucoup développé, pour désormais prendre une certaine place dans la société, que penses-tu de cette évolution ?
Didier : C’est positif, nous avons nous-même constaté cette évolution en direct. Les gens venaient nous poser des questions après les concerts, je ne sais pas si nous sommes une sorte de garantie à ce niveau, car je suis vegan depuis plus de 20 ans, mais ces personnes se disaient que j’allais leur apporter de vraies réponses, plutôt que se renseigner ailleurs. Lorsqu’on on a démarré, on mangeait un bol de riz avant les concerts, et on criait au miracle si on avait du pâté végétal. Aujourd’hui tu as de la mayonnaise, du faux poulet et de la charcuterie vegan. A travers ces discutions après les concerts, je pense que les gens prennent plus conscience et ça c’est hyper important. C’est certes valorisant pour nous, même si on ne l’a pas fait pour cela. C’est un choix personnel, si je suis vegan straight edge c’est moi qui l’ai choisi. Après si cela peut faire bouger les choses, pourquoi pas, je reste convaincu que ce mode de vie pour que notre chère planète redevienne bien verte est le plus adapté.

Et est-ce qu’il y a 20 ans tu aurais cru à une telle évolution ?
Didier : Non. Il y a une anecdote sur une date en 1999, pendant qu’on joué il y a un mec qui nous a balancé de la viande sur scène. Cela m’a beaucoup marqué, en plus à l’époque nous étions bien jeunes et énervés ! Mais maintenant j’aimerais bien qu’on me jette des carrés de tofu (rires).
 

Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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