Il y a des groupes qui ont tellement développé leur propre univers qu'ils ne possèdent plus rien de commun avec ce qui existe, à la fois pas suffisamment proche d'un genre pour y appartenir totalement et pas assez ressemblant avec untel ou untel pour s'en faire ne serait-ce qu'une vague idée.
Peut-être est-ce la distance séparant géographiquement les musiciens qui engendre cette discordance avec l'existant, les uns étant basés à Bristol et les autres à Washington DC. Peut-être même que ce n'est pas voulu. Mais peut-être est-ce tout simplement la marque d'un génie en devenir.
Après un premier album très prometteur sorti en 2020 mais passé sous les radars (« Lurid Orange »), MISCELLEN enclenche la vitesse supérieure et vise les étoiles. Dès le démarrage, la puissance monumentale des guitares saturées sur l'instrumental "Your Lucky Day" annonce d'emblée la couleur. Celle bleu-nuit des constellations les plus proches qui scintillent comme autant de promesses de richesses au bout d'un voyage qui s'annonce d'ores et déjà fabuleux musicalement parlant.
Et c'est exactement ce qui se passe tout au long de ce magnifique « Blue Ruin » : on flotte littéralement dans un espace cotonneux de nappes de clavier ou d'ambiances étranges, pesantes, et puis d'un coup les moteurs des guitares s'embrasent sans prévenir, collant le corps au siège (le génial "Chemical Bonds"). Les voix parfois narratives masculines et féminines gonflées à la reverb et au delay ("Scream All You Want") semblent s'enfuir vers l'arrière du vaisseau sous l'effet de la vitesse de croisière, ce dans un son de moteur assourdissant mêlant rock psychédélique, metal quasi industriel, passages ambiants ("Sneer") et variations alambiquées sous des rythmes de basse bien groovy ("Happy Ending"). Aux propres dires de MISCELLEN, ils se situeraient à la croisée des chemins de la déraison entre les films de David Lynch et la musique de JANE'S ADDICTION ou TOOL, preuve que cet exceptionnel OVNI qu'est « Blue Ruin » évolue bel et bien hors des sentiers battus !
De quoi planer haut et fort sans rien prendre d'autre qu'une bonne dose de décibels dans les oreilles. Un trip spatial autant que spécial qui ne se refuse pas !
