27 novembre 2021, 20:00

SWALLOW THE SUN

"Moonflowers"

Album : Moonflowers

Aux côtés de MY DYING BRIDE, SWALLOW THE SUN est probablement le groupe (du moins dans la scène doom-death) qui met le mieux en musique des notions comme la perte et le deuil dans ce qu'ils ont de  plus viscéral et de plus proche de ce que l'on ressent comme sensation physique dans ces moments de douleur. Il faut dire que Juha Raivio, guitariste fondateur compositeur et parolier du groupe, a vécu ces épreuves par deux fois de manière rapprochée : celle de son père juste après la sortie de « Songs From The North I, II & III », puis de sa compagne Aleah Stanbridge qui lui a inspiré l'album « When a Shadow Is Forced Into The Light », et la création du groupe HALLATAR. « Moonflowers » continue sur ces mêmes thématiques. Inspiré par ses différentes épreuves peronnelles et le contexte anxiogène imposé par la situation sanitaire actuelle et les confinements répétitifs au cours desquels on se retrouve face à soi-même et ses propres tourments, « Moonflowers » trouve son nom dans ces fleurs qui ne poussent que la nuit, telle une démonstration ultime de la beauté pure qui est invisible car n'éclosant que dans l'obscurité totale. L'artwork semble épuré mais se révèle torturé quand on sait que Raivio l'a réalisé avec son propre sang et des fleurs cueillies à l'époque du décès d'Aleah. Un sentiment qu'on retrouve à l'écoute de l'album.

« Moonflowers » est emmené par des touches d'un violon des plus délicats et mélancoliques qui sert de fil rouge à l'album. Les chansons semblent simples de prime abord mais dévoilent plusieurs niveaux de lecture. Rien n'est linéaire dans « Moonflowers ». Les morceaux les plus agressifs ("Enemy", "Keep Your Heart Safe From Me") multiplient les moments de calme et le titre final "This House Has No Home" commence calmement et part explorer des sonorités black metal plus rugueuses. Des variations qui permettent encore une fois au chanteur Mikko Kotamäki de montrer l'étendue de sa palette vocale entre un chant clair avec sa superbe voix d'une lancinante tristesse et un growl des plus puissants. L'introductif "Moonflowers Bloom In Misery" donne le ton d'un album où la production, encore une fois hyper soignée, offre un son ample, profond mais aussi aérien. Un album comme « Moonflowers » ne s'écoute pas en fond sonore comme du jazz, le son doit occuper l'espace d'où on l'écoute pour plonger l'auditeur dans une bulle, une bulle opaque, sombre, une plongée dans la torpeur totale, une exploration d'une brutale plongée dans le vide (la présence d'un morceau intitulé "The Void" et son refrain douloureux « Save me from myself » est tout sauf innocente et anodine). La présence aussi de la douce voix de Cammie Gilbert pour un magnifique featuring sur "All Hallow's Grieve" ne fait que renforcer ce constat : la douceur n'est qu'apparente, la tendresse se fait l'écho de la douleur de l'absence de ceux qui ne sont plus là.

Avec des thémes lourds de sens, illustrés par des chansons non linéaires et qui prennent le temps de se développer, « Moonflowers » est l'expression la plus organique de la perte. Avec cet album, n'importe qui, qui a vécu cela, reconnaitra les différents états physiques et psychiques de Raivio, entre tristesse insondable, dépression, sensation de léthargie que vient bousculer une colère noire. Juha Raivio qui, en interview déclare qu'il déteste cet album pour ce qui lui fait ressentir. On le comprend car « Moonflowers » n'est pas une balade de santé mais une marche difficile dans les sentiers les plus tortueux et escarpés de la psyché de son auteur. Rares sont les albums à faire ressentir des sensations d'un tel niveau d'intensité.

Blogger : Nikkö Larsson
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