5 décembre 2021, 17:27

DIABLATION

Interview Vicomte Vampyr Arkames

« L'enfer est dans l'homme, l'enfer est l'homme ». Ainsi pourrait se résumer le concept du premier album de DIABLATION, disponible ce 6 décembre. Formé de V.Orias A. (ex-AD INFERNA) et Vicomte Vampyr Arkames (ex-SETH et AD INFERNA) et Hyde qui a rejoint le groupe en tant que bassiste quelques mois après sa création, courant 2020, c'est en avril 2021 que le groupe termine l'enregistrement de « Allégeance », avec Rose Hreidmarr (ex-ANOREXIA NERVOSA), mais, le Vicomte est le mieux placé pour vous en donner les détails...
 

Le groupe DIABLATION préfigure comme une renaissance damnée de premier choix artistiquement parlant. Peux-tu nous conter la genèse primordiale de ta nouvelle formation et le dessein crucial que tu lui as réservé en marge de ton autre groupe AD INFERNA ?
Renaissance est un terme qui me parle. Ou, autrement dit, comment illuminer le monde du metal noir après deux décennies de silence ? C’est ainsi que j’ai pensé, travaillé et façonné les mots, chants et cris distillés dans l’album « Allégeance » afin qu’ils dépeignent, avec le plus de précision possible, le Vampire en MMXXI.
Au commencement, le 21 mai 2020, J’ai composé un texte fondateur nommé « Éternel Vampire » en débutant ainsi :
« Sinistre est l’homme
Meurtri en l’âme
Décennies de silence
A songer au drame »

Je l’ ai soumis à VOA, camarade de mes errances musicales depuis longtemps. Il a commencé à composer et a livré tous les titres que constituent, aujourd’hui « Allégeance », à l’exception du morceau évoqué ci-dessus que nous avons conservé, pour le moment, secret. DIABLATION est né ainsi, d’une inspiration insatiable et d’une résurgence de la flamme éternelle qui anime toute Âme Noire.

Peux-tu nous expliquer le choix judicieux d'avoir travaillé avec l'artiste belge émérite Christophe Szpajdel alias Lord Of The Logos qui est aussi insidieusement responsable du logo sophistiqué de SETH ?
Du temps s’est écoulé mais les compagnons fidèles et émérites des années 90 sont restés gravés dans nos mémoires. Il fut ainsi logique de faire appel à nos frères d’armes que sont Christophe pour le logo, Tancrede Szekely pour l’artwork et Stefan Traunmüller pour le mastering au SoundTempel studio / Golden Dawn. J’ai une tendance naturelle à porter ma confiance en ceux dont je peux admirer le talent perdurer au fil du temps.

L'esthétisme du culte de la personnalité est une des valeurs cardinales et hédonistes du décorum impérial de DIABLATION et du reflet (non) narcissique de Vicomte Vampyr Arkames je présume. Peux-tu caractériser tes principales influences tant littéraires, musicales que visuelles et spirituelles et nous dépeindre ton hybride personnage mi-vampirique, mi-canonique pour les nombreux épris de la culture black metal épique de jadis ?
Je te remercie pour cette analyse fort juste. Si j’ai créé ce double, personnage résultant d’une projection de la partie la plus sombre et désespérée de mon être, virevoltant entre réalité et imagination ténébreuse, c’est pour arriver à mieux affronter le mal qui vit en moi. Baudelaire, Victor Hugo furent des sources importantes d’inspiration pour trouver les mots justes en 1995 mais rapidement, j’ai fait en sorte de me libérer de mes auteurs et livres favoris pour laisser libre cours à mes envies, sentiments, rêves ou cauchemars et surtout aux visions.
Une certaine forme de schizophrénie doublée d’un soupçon de mégalomanie peuvent, en effet, être parfois palpables : en fait, il est préférable de concevoir mes écrits comme des échanges entre des entités imaginaires, elles-mêmes étant des projections de mon fort intérieur. DIABLATION est, dans un sens, un exutoire permettant de canaliser les tourments assassins qui s’animent, sans fin et sans répit, dans nos esprits respectifs.

Tu as été le chanteur originel des albums cultes de SETH à savoir « Les Blessures De L'Âme » en 1998 et « The Excellence » en 2000. Peux-tu revenir sous forme d'anecdotes singulières sur cette période charnière et tant créatrice pour le groupe que tu as quitté en 2001 après seulement cinq années d'intense dévotion consentie ?
Je pourrais partager une pléthore d’anecdotes. Par exemple le fait que, quelques temps avant la composition des « Blessures De L'Âme », avec Faucon Noir notamment la question s’était sérieusement posée de rester définitivement dans l’underground, en ne partageant que des réalisations en format cassette, et ce dans un cercle très fermé de membres. Je pourrais te dire aussi que lors d’une soirée à Oslo, Necrobutcher m’a glissé qu’il cherchait un nouveau label. Je suis alors sorti d’Elmstreet et ai appelé Mika de Season Of Mist. Quelques mois après, il signait MAYHEM.
Dernière pour aujourd’hui : j’ai conçu, seul, toutes les paroles des « Blessures De L'Âme », à l’exception de la "Quintessence du Mal" dont la plume fut celle de ma compagne de l’époque. Un poème qu’elle écrivit à mon attention, si fort, si intense que je l’ai intégré à l’album en lui demandant, bien évidemment, son assentiment au préalable.

DIABLATION est un jeune puceau prometteur de la scène black metal française mais comprenant des membres expérimentés d'AD INFERNA au talent fort remarqué. Comment perçois-tu la cohabitation artistique des deux entités et quel soin particulier as-tu prévu d'ordonner afin de départager vos inspirations créatives lors de vos compositions mutuelles à l'avenir ?
Passionnant paradoxe intrinsèque à la genèse de DIABLATION, mêlant la nouveauté d’un groupe naissant pouvant offrir ainsi de multiples opportunités, à l’expérience de musiciens rompus à l’exercice de la réalisation d’un album et portant les marques du Metal Noir à même leur peau. En fait, c’est très excitant car je retrouve la ferveur et l’intensité de mes débuts dans cet univers sombre tout en jouissant maintenant d’une maîtrise certaine. Pour être parfaitement honnête, la priorité est dorénavant donnée à DIABLATION : pour t’illustrer la rage qui nous anime, nous travaillons déjà sur la composition du deuxième album. Un titre est en cours d’écriture et je peux te dire une chose, c’est qu’il est d’une puissance et d’une violence rare et singulière.
Concernant AD INFERNA, pour le moment, le groupe est en suspend. Définitivement, peut-être même...

Malgré une identité forte et propre à l'univers glacial et grandiloquent de DIABLATION, on peut noter des réminiscences philosophiques proches de trois groupes reconnus en leur époque certes différente mais probante : FORBIDDEN SITE, ELEND et KHAOS-DEI. Quelle est la part de romantisme littéraire, de musique virtuose, dite classique, et de vision martiale dans ton approche globale d'écriture intime et introspective ?
Un seul mot pourrait y répondre : la solitude. Seul, infiniment seul. Ainsi est ma vie et mon monde. Je me suis retiré de tout ce qui m’entoure depuis bien longtemps. Cet isolement volontaire décuple l’univers glacial auquel tu fais référence. Le fait de vivre et de regarder dans les yeux la noirceur qui t’emplît pour ne faire plus qu’un, donne aux mots que j’emploie une véracité à la fois touchante et perturbante. Décrire de manière aussi précise ce dont on souffre, la décomposition lente et inéluctable des derniers îlots de vie qui restent, parler de sa propre mort à venir et de celles passées, sont autant d’exploits qui ne peuvent se faire sans en payer le prix. Le prix de l’authenticité est le fait de dédier son existence à l’obscurité qui nous appelle. C’est le choix que je fis, il y a de cela, 30 ans.

As-tu déjà commencé l'écriture ornementale du dixième album d'AD INFERNA à venir et prévois-tu sincèrement une réédition authentique pour le vingtième anniversaire de ton premier né « L'Empire des Sens » en 2002 ?
Si l’avenir d’AD INFERNA peut paraître partiellement compromis, l’idée d’une réédition de « L'Empire Des Sens » notamment en vinyle serait une excellente chose. Il serait intéressant que nous en parlions avec les membres d’origine et trouvions le label qui saura faire de cet objet de collection, une réalisation inégalée. 2022 pourrait être l’année parfaite pour cela !
 


​Avec celle de RMS Hreidmarr de GLACIATION, BAA', BMH, THE CNK, ex-ANOREXIA NERVOSA, tu possèdes une des voix les plus identifiables et remarquables de la scène black metal française. Comment s'est déroulé votre collaboration vocale sur le titre « Ego Daemonium » et avez-vous eu l'idée de réaliser un prochain projet encore plus abouti et personnel, dépassant par ce fait le simple featuring occasionnel ?
Merci pour ces mots touchants ! Mon souhait a été de mélanger les voix de deux vocalistes ayant marqué l’histoire du metal noir français. J’ai tout de suite su que ce serait Hreidmarr, que j’avais rencontré en 2001, lors du concert de soutien à Lille à Chuck Schuldiner : lui jouait avec ANOREXIA NERVOSA et moi avec SETH. Le titre "Ego Daemonium" s’y prêtait à merveille : cet échange vocal, entre nous deux fonctionne, je trouve, à la perfection notamment lorsque Hreidmarr dit « je suis le Fils » et je lui réponds « je suis l’Après » et concluons de concert par un "Ego Daemonium" endiablé ! Au-delà du symbole fort de cette union vocale le temps d’un morceau, ce que j’ai apprécié c’est la rapidité et la simplicité avec laquelle Hreidmarr a répondu favorablement : nous nous sommes appelés et quelques semaines après, il me transmettait ses pistes de voix. C’est une vraie fierté d’avoir pu ainsi collaborer ensemble et je lui transmets ma Reconnaissance. Ta question est tout à fait pertinente : si les planètes venaient à s’aligner, c’est-à-dire rassembler les musiciens talentueux indispensables autour de nous, pour ma part ce serait un "oui" pour réaliser un album ensemble et pouvoir approfondir la voie ouverte dans "Ego Daemonium". A bon entendeur !

La dimension spirituelle du black metal prend tout son sens conceptuel sur le devant de la scène. Comment envisages-tu de restituer l'atmosphère si majestueuse et orchestrale perçue sur ce premier et précieux méfait lors de vos premiers concerts à venir ?
Le fait de jouer en concert, pour un groupe de black metal, a toujours été, pour moi, je l’avoue, antinomique. Je partageai fréquemment cet avis avec Fenriz lors de nos échanges. Comment conserver l’authenticité du Mal-Être délivré dans cet art noir lors d’un spectacle, quel qu’il soit ? Cette horreur qui doit s’en dégager ne se vit-elle pas que dans la solitude et l’intimité ? Actuellement, je partirai plutôt sur une sorte de prestation filmée, conservant l’univers d’Allégeance et la noirceur intrinsèque qui la compose : sombre, glauque, irrespirable, intouchable... Mais cela est un sujet à aborder en groupe avec VOA, HYDE, VNA et dont l’issue pourrait être bien différente à l’avenir. A méditer donc.

Votre nu-blasphème sonore se termine sur un énigmatique ballet sardonique avec "La Nuit Obscure de L'Âme" (Partie I et II) en deux compléments suaves et successifs. Peux-tu nous décrire ce concept méticuleux qui vous a conduit à le privilégier en fin d'album plutôt ?
Oh oui ! Dans le traité spirituel "Nuit Obscure de l'Âme" rédigé en 1585, Jean de la Croix évoque la quête de Dieu par l’homme et l’élévation de l’âme vers ce dernier. Dans ce chemin initiatique, un passage par les ténèbres peut être vécu, là où se perd tout sens, tout repère, là où l’être peut d’ailleurs s’y noyer, momentanément ou perpétuellement. Certains croyants disent avoir, à l’aube de leur mort, passer des décennies dans cette nuit noire, sans qu’aucun signe de leur Dieu ne transparaisse, les laissant seuls, même dans le trépas. "Des Ruines de la Solitude Éternelle" à "La Nuit Obscure de l’Âme", il n’y a qu’un pas. Nous avons décidé de le franchir en posant stratégiquement les notes puis les mots afin que l’auditeur plonge dans cette nuit noire, qui s’est couchée sur mon âme pour ne jamais plus s’évaporer.
« Obscure est la nuit
Immense le tourment
Que l’appel de l’abîme
Soit pour vous délivrant ».

La partie II est une vision apocalyptique qui m’a envahie un soir de février 2021. Cette nuit noire de l’âme ne serait plus qu’un fardeau solitaire que je porterai mais contaminerait le monde et l’univers tout entier. L’Har-Maguédon salvateur mis en musique par DIABLATION, devient ainsi la prédication ultime du vampire rongé par des décennies de calvaire.



​À la regrettée et fouettée époque du true black metal norvégien, le fait de chanter dans sa langue natale était devenu une puissante forme de respect nationaliste, voir régionaliste qui renforçait le mysticisme diabolique du style incarné. Quelle est selon toi l'absolue nécessité sémantique et idéologique de chanter dans sa langue d'origine, autrement dit dans celle du Marquis de Sade, Charles Camille Saint-Saëns et Napoléon de surcroît ?
Il est vrai que j’ai découvert, récemment, l’appropriation par de nombreux groupes de metal noir de la langue française et plus précisément de certaines particularités linguistiques liées à leurs territoires respectifs : je trouve cela intéressant et cela aiguise ma curiosité. À vrai dire, je ne ressens, que peu de plaisir, à chanter en anglais et finalement aucun à écrire dans cette langue. La langue française est si riche, variée et complexe à la fois, que c’est un crime de ne pas lui faire honneur en tentant de la dompter. DARKTHRONE (parfois) en norvégien, DIABLATION (toujours) en Français : ainsi les choses ont un sens !

DIABLATION a signé sur le label français Antiq Records spécialisé principalement dans le black metal et le dungeon-synth. Pourquoi as-tu insisté pour qu'il sorte davantage sur une entité underground au lieu d'avoir négocié avec des structures internationales plus caractérisées dans le style en pensant indirectement à Season Of Mist, Napalm Records, Osmose productions, Avantgarde Music ou Prophecy Productions entre autres ?
En fait, nous souhaitions nous orienter vers un label français, qui connaisse nos passés respectifs en tant que musiciens et qui puisse apprécier le fait d’écrire un album totalement dans notre langue natale. Hyver Mor d’Antiq m’avait contacté en amont de la génèse de DIABLATION et a suivi la conception de l’album de A à Z. C’est donc tout naturellement que nous avons décidé de sortir l’album chez Antiq Records. VOA a, pour sa part, des contacts directs avec Season Of Mist.

L'album « Allégeance » se termine sur une note musicale ascensionnelle et enivrante au piano ainsi que par une parabole métaphorique des plus symboliques envers l'auditeur. Peux-tu nous délivrer la quintessence du message psalmodié en tes termes narrés, à savoir « que le soleil que je suis, à tout jamais, émerveille... », ainsi que l'utilisation prolongée de ton souffle expiré dans un râle libérateur ?
Absolument, et cela me permet de faire le lien avec la substance de mes propos initiaux dans cette conversation. La Renaissance de l’Ame Noire initiée avec DIABLATION permet au Vampire de sortir de l’ombre et, tel un soleil dont la symbolique de pouvoir est marquée, de guider à nouveau les fidèles qui auront su comprendre ses nombreuses métaphores et litotes dans l’album « Allégeance ».
La phrase qui précède ta citation dans le texte "La Nuit Obscure De L'Âme" (Partie II) revêt un caractère d’importance qui donne le ton :
« Ma suprématie restaurée
Le nouveau monde peut enfin commencer. »

Redonner ses Lettres de Noblesse au Metal Noir Français, tel est bien l’objectif fixé !

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