12 mars 2022, 18:43

LAWNMOWER DETH

"Blunt Cutters"

Album : Blunt Cutters

Je me souviens de ce doux jour de septembre 1991 : je m’empressai dare dare de rentrer du lycée pour regarder mon enregistrement VHS de la sélection clips metal de Metal Express au cours de la nuit précédente, bien plus que pour pouvoir avaler mon quatre heures, ou mieux, faire mes devoirs. Ce jour-là, non seulement avaient-ils (« mais qui ça ils ? QUI étaient-ils donc ces gens chez M6 ??? ») diffusé le nouvel Ozzy Osbourne, « No More Tears » qui sortait dans la semaine, mais ils avaient clos leur sélection avec la vidéo la plus débile et jubilatoire de TOUT l’univers. Des mecs vilains comme tout, avec des ratiches pas possibles, en train de faire les cons dans le foin, sur un tracteur, et aux quatre coins d’une ferme. Des anglais. Cinq couillons anglais qui reprenaient alors le tube "Kids In America" de Kim Wilde en mode death-grind-thrash pastoral. Du très très grand n’importe quoi – mais que j’allais revisionner et revisionner encore plusieurs fois par semaine tout au long de l’année : j’étais devenu obsédé par LAWNMOWER DETH, groupe de grind de Mansfield donc, dans la campagne du Nottinghamshire, UK, qui parallèlement à la parution de cette reprise hilarante du standard pop, sortait, je n’allais pas tarder à l’apprendre, son premier album « Ooh Crickey It’s... » chez Earache Records. Impossible hélas de me trouver ça dans ma petite province ; heureusement un pote parisien se l’était rapidement procuré et m’en avait fissa envoyé une copie sur K7 – tu parles d’une époque !!!

Reste que ce « Ooh Crickey It’s... » complètement dingue je l’ai usé et usé, jusqu’à ce que je puisse enfin me l’offrir en CD quelques années plus tard, enfin (ainsi que le maxi 45-tours de "Kids In America"). Soit toute une face de cassette TDK remplie de morceaux débiles de thrash, de crossover et de grind, parfois parsemé de reggae, de ska, d’expérimentations jazz ou electro, et de surtout de paroles complètement absurdes : idéal pour le fan de M.O.D., D.R.I. ou S.O.D. que j’étais déjà, allié à ma boulimie de lecture des Gotlib et de visionnage des Nuls. Et puis ce nom, outrage au plus sérieux des groupes de death : MORT PAR TONDEUSE A GAZON. Voilà. D’ailleurs, ça fait mal.

Quelle déception que leur troisième album « Billy » ait été si conventionnel, dénaturé, punk et "sérieux" façon sous-NOFX en 1994 – et je ne découvrirai que bien tardivement, qu’un second disque, « Return Of The Fabulous Metal Bozo Clowns », compagnon du premier tant aimé, avait vite vu le jour en 1992. Mais depuis, plus rien. Oh, des groupes crossover, j’en ai trouvé un bon paquet en trente ans, old-school ou nouvelle vague (INSANITY ALERT ou IRON REAGAN entre autres) – mais rien d’aussi drôle et décalé que ces types bas du front qui tout en connaissant par coeur leur manuel du parfait trasher, savent en jouer la parodie, parfois même evooooool. 

Et là, fin 2021, je reçois un email promo : LAWNMOWER DETH revient, avec un nouvel album chez Dissonance Productions, un label anglais distribué par les camarades de chez Cherry Red Records. Et je ronge mon frein en attendant qu’il soit mien. 

Verdict : « Blunt Cutters », derrière sa pochette façon publicités pour électroménager des années 50, s’il ne surprend guère et s’avère d’entrée de jeu moins impressionnant et foufou que dans mes fantasmes, reste néanmoins émaillé d’un humour constant et plus subtil, dissimulé à travers dix-huit morceaux de pur thrash crossover produit selon les standards requis aujourd’hui – et ça reste du méchamment bon, tel "Now He’s A Priest", "Raise Your Snails" (idéal pour un mosh-pit qui pourra d’ailleurs remplacer l’usage de la tondeuse), "Deth! Maim! Kill!", le monstrueeeeux "Power Bagging" à faire blêmir un EXODUS, ou encore ce qui pourrait devenir un hymne de geek, "Bobblehead". Certains sont ultra courts et vifs (beaucoup de trucs expédiés en moins d’une minute ou 1 minute ’30, à l’ancienne ("Swarfega", 24 secondes à peine, "Christ Option", 21.), lorsque d’autres cultivent des riffs de tueurs pour mieux désherber derrière.  Ainsi avec une énergie intacte et toute aussi folle, l’album démarre avec le très classique et consensuel "Into The Pit", qui enjoint en toute logique à suivre la farandole dans la gadoue avec ses mauvaises effluves d’odeurs de dessous de bras. Et qu’il s’agisse ainsi de pur thrash metal ou de punk ou de ce tout ce qu’il pourrait y avoir entre les deux, LAWNMOWER DETH défourraille vraiment. Et reste définitivement culte trente ans après : fans de ULTRA VOMIT, je m’adresse aussi à vous – avec "Space Herpes" à vous glisser dans le cérumen. 

Ouf, à période de merde, non seulement LAWNMOWER DETH est aussi pertinent musicalement malgré ses private jokes prétextes à machines à riffer ("Good Night, Bob" !), mais l’humour corrosif des Anglais reste intact, et CA c’est super rassurant : on peut toujours, et heureusement, rester aussi couillons à l’approche de la cinquantaine.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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