28 avril 2022, 19:00

MOTHER'S FINEST

"Black Radio Won't Play This Record" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : Black Radio Won't Play This Record

Nous sommes en 2022 et cet album fête ses... 30 ans !

« Too funk for rock, too rock for funk. » Voilà qui résume bien, selon l’accroche de sa biographie que l’on trouve sur son site officiel, le contenu musical de MOTHER'S FINEST et, plus particulièrement, de « Black Radio Won’t Play This Record », huitième album studio paru le 28 avril 1992 alors que la formation afro-américaine célébrait déjà 20 années d’existence discographique. Mais ce n’est pas tant cet adage qui caractérise le groupe mais plutôt dans la nuance qu’ils aient été trop rock dans les années 70 pour le milieu funk et trop funk pour le milieu rock au cours des années 80 et, surtout, 90. Pourtant on parle pour ces dernières des années dites « fusion », où pléthore de groupes ont creusé leurs sillons pour y laisser des empreintes musicales encore bien vivaces dans nos esprits (FISHBONE, EXTREME, URBAN DANCE SQUAD, INFECTIOUS GROOVES et, un autre groupe 100 % afro-américain impossible à éluder le cas présent, LIVING COLOUR). MOTHER'S FINEST voit le jour en 1970 à Atlanta mais il faut remonter bien avant, du côté de Chicago, afin de retrouver trace du chanteur historique du groupe, Glenn "Doc" Murdock. « Ma mère, Carolyn Edwina Winters, était une danseuse. Elle était très jolie et a formé un club social, THE OPERALETTES, où elle enseignait aux femmes à chanter et à danser. C’est elle qui m’a inculqué l’appréciation de divers styles : du jazz big band à celui du "Rhapsody In Blue" de Gershwin. Mes influences allaient de Joe Williams à tous les gars de la Motown mais aussi James Brown, Chuck Berry, Little Richard, Elvis Presley et THE BEATLES. » A l’occasion d’une soirée dansante en 1964, il fait la connaissance d’une toute jeune femme qui a eu un hit à la radio l’année précédente, "Darling I Still Love You", et qui se prénomme Joyce.


​Née Washington en 1948, elle prendra ensuite le nom de Kennedy qui est celui de son beau-père. Elle n’a alors que seize ans lors de sa rencontre avec Glenn mais lorsqu’elle se met à chanter, « elle n’a pas du tout la voix d’une gamine, c’est celle d’une vraie femme » précise-t-il. « Et cette nuit-là, on a discuté ensemble jusqu’aux premières lueurs du jour puis j’ai dit à ma grand-mère en rentrant que ma vie avait été en noir et blanc jusqu’à ma rencontre avec Joyce et que c’est à ce moment qu’elle s’est emplie de couleur. » Une très belle déclaration d’amour qui dure encore plus de cinquante ans plus tard. Ayant grandie entourée de musique et de chanteurs, Joyce démarre sa carrière en formant un trio d’harmonies vocales en compagnie de jumelles avant de rencontrer l’un des membres du célèbre quatuor THE FOUR STEP BROTHERS, Al Williams, qui sera celui qui lui mettra vraiment le pied à l’étrier en la faisant enregistrer en studio grâce à ses relations dans l’industrie du disque. Ce qui lui vaudra alors les premières reconnaissances de son talent d’artiste. « Mes influences vont de Tina Turner à Nancy Wilson et d’Etta James à Aretha Franklin – des forces de la nature. Leurs cordes vocales ont été bénies des dieux. Ces chanteuses m’ont appris à rester juste lorsque je chantais et d’être guidée spirituellement. » raconte l’intéressée. Celle que l’on surnomme Baby Jean ne se séparera ensuite plus de "Doc" Murdock, son partenaire à la scène et à la ville et père de Dion, qui assurera bien des années plus tard le rôle de batteur dans le groupe de ses parents.

Dion Murdock justement, que l’on retrouve derrière les fûts et qui signe la musique du premier morceau de l’album, "Like A Negro". Les parties de guitares, assurées par John "Red Devil" Hayes et Tracey "Spacey T" Singleton, sont lourdes comme le plomb (ou le metal plutôt) et le riff n’est pas sans rappelé quelque part celui de la chanson "Demagogue" que l’on retrouvera par hasard deux ans plus tard sur l’album « Persona Non Grata » d’URBAN DANCE SQUAD. Coïncidence ? Véritable état des lieux du rock dur et "black" d’alors, la chanteuse y déplore le manque de fans noirs pour soutenir des rockers, noirs eux aussi et formant une minorité dans la minorité (« Like a rebel without a cause, I play my music to no applause » / « Comme une rebelle sans cause, je joue ma musique sans être applaudie »). Joyce Kennedy cite volontiers Tina Turner comme l’une de ses influences et il est impossible en effet de ne pas faire le parallèle entre elles à l’écoute de "Power", deuxième chanson où l’on a vraiment l’impression d’entendre rugir la lionne originaire de Nutbush, Tennessee. Se partageant le chant suivant leurs crédits d’écriture, Doc et Baby Jean alternent donc  le chant principal, séparément ou conjointement selon les morceaux. La sociétale "The Wall", après avoir pris le temps d’installer le groove, basse slappée à l’appui, finit dans une débauche de vitesse et apparaît là encore comme une – flagrante – influence du titre "Wall" que l’on retrouve en 1993 sur l’album « Stain » de LIVING COLOUR. Alors, coïncidence encore ? Mouais… Le reste des compositions de « Black Radio Won’t Play This Record » est à l’avenant, une vraie groove machine (hello KING’S X !) qui ne s’arrête qu’au terme des cinquante-deux minutes que durent ce disque survitaminé et boosté par la présence du jeune Dion Murdock et des guitares metal de Red Devil et Spacey T. Entre manifestes pro-black ("Like A Negro", "Power" et "Generator", triptyque d’ouverture qui met tout le monde d’accord et à genoux en même temps), une ballade gospel empreinte d’émotion maternelle ("Cry Baby") ou un dur témoignage des ravages d’une drogue qui infiltre alors tous les milieux underground à cette époque et, plus particulièrement, celui des des jeunes mamans donnant ensuite naissance à des enfants accros ("Crack Babies"), on a des "Shirt" et "Head Bangin’ And Booty Shakin’" qui, comme le nom de ce dernier titre l’indique, n’invite à nulle autre chose que danser et s’éclater. Polis comme on l’est, vous pensez bien que l’on s’exécute alors sans plus de cérémonie.


​Alors que MOTHER'S FINEST avait été jusque-là plutôt régulier en termes de livraison discographique, il faudra attendre ensuite onze ans pour que soit donné un successeur à cet album avec « Meta-Funk'n Physical » qui sera leur avant-dernière réalisation studio à ce jour, « Goody 2 Shoes & The Filthy Beasts » datant – déjà – de 2015. Côté scène, s’il n’y avait eu la pandémie, on aurait encore droit à des concerts qui continuent d’impressionner, ne serait-ce qu’au regard des plus de 70 ans atteints par le couple Kennedy-Murdock et qui, si l’on se réfère à de récents enregistrements datant de 2019, sont toujours plein de fougue et n’ont rien perdu de leurs voix. Le concert intégral donné en 2018 à Atlanta, la ville natale du groupe, que vous retrouverez ci-dessous en est la preuve éclatante. A l’instar de KING’S X, nous tenons là l’un des groupes les plus sous-estimés de la planète et qui a, de tous temps, atomiser les groupes pour lesquels ils ouvraient. Les voies de la musique sont impénétrables, c’est à n’y rien comprendre…

Pour aller plus loin :
« Mother’s Finest » (1972) : le début d’une épopée qui dure depuis un demi-siècle, à compléter par « l’autre » « Mother’s Finest » paru en 1976 sur un deuxième label (RCA puis Epic Records)
« Live » (1979) : comme pour les Finger de Cadbury, c’est tellement bon que c’est trop court. Attention, plusieurs versions existent avec un track-list agencé différemment et un morceau, "Can’t Fight The Feeling" que l’on trouve sur la réédition de 1989 mais pas sur l’édition originale de 1979. Compliqué tout ça...
« Subluxation » (1990) : enregistré en conditions live en Allemagne par le célèbre producteur de SCORPIONS, Dieter Dierks
« Live At Rockpalast 1978 & 2003 » (2004 – réédité en 2012) : la salle allemande du Rockpalast a accueilli les plus grands, MOTHER'S FINEST aussi donc. In-dis-pen-sable !




Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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