16 mai 2022, 13:38

EVERGREY

"A Heartless Portrait (The Orphean Testament)"

Album : A Heartless Portrait (The Orphean Testament)

Ecouter un album d’EVERGREY, c’est partir pour un voyage intérieur au sein de la psychologie humaine, révélant les multiples visages contenus dans un seul être, ce qui forge ses forces et ses faiblesses. La créativité dont fait preuve le groupe suédois est sans limite, la richesse des compositions et la profondeur des textes amène l’auditeur à une réflexion personnelle, une introspection qui l’oblige à se retourner sur ses propres expériences, et il est impossible de ne pas se sentir relié à cette musique, pour peu que l’on soit sensible et ouvert aux émotions délivrées par les musiciens.

Après l’excellent « Escape Of The Phoenix » sorti en février 2021 (chronique à retrouver ici), EVERGREY revient à peine 15 mois plus tard avec « A Heartless Portrait (The Orphean Testament) », que le frontman, Tom S. Englund (chant, guitare), considère comme sa suite, ce nouvel album ayant été composé dans la foulée du précédent, même si le groupe a, entre temps, changé de maison de disques, passant de AFM à Napalm Records. Et les thèmes abordés sont récurrents : à savoir, comment trouver sa place dans une société dans laquelle on se sent étranger, ainsi que le rôle prédominant (et souvent dévastateur) des réseaux sociaux sur l’individu. Comment rester soi, ne pas se laisser envahir et dominer par la masse, trouver et affirmer son individualité au milieu de la multitude. L’album s’ouvre avec les deux premiers singles, "Save Us" et "Midwinter Calls", sur lesquels on retrouve la patte de la formation de Göteborg. Mélodie irrésistible, refrain épique et mémorisable, rythmique puissante, guitares en duo (Henrik Danhage et Tom S. Englund ont l’art de se compléter à merveille). Des structures de chansons, certes classiques, mais d’une redoutable efficacité. Il est à noter que sur ces deux morceaux, EVERGREY a souhaité intégrer les voix de leurs fans, qui interviennent sur les chœurs. Le troisième titre, "Ominous", est un mid-tempo très émouvant qui aborde une facette plus intime du chanteur, sur lequel sa voix chaude et inimitable fait des merveilles, accompagnée par des guitares mélancoliques et un texte prenant : « The fire’s gone but I’m still burning. Life is long, I’ll travel on. When I’m alone the heat is ominous »  (« Le feu est parti mais je brûle toujours. La vie est longue, je vais continuer à voyager. Quand je suis seul, la chaleur est inquiétante. »).

"Call Out The Dark" s’ouvre avec une belle petite mélodie aux claviers, reprise tout au long de la chanson, et qui s’insinue dans la cervelle pour ne plus nous lâcher. Le genre de chanson directe qui risque fort d’être très appréciée en concert, avec, encore une fois, des paroles très introspectives, entre mélancolie et combativité. Un tube en puissance, efficace, qui démontre une fois de plus les talents de compositeurs des cinq musiciens. "The Orphean Testament" présente une structure plus complexe, avec un développement  progressif ainsi qu’une ambiance lourde, sombre et inquiétante. "Reawakening", sur un rythme vif de cavalcade, donnant une impression d’urgence, évoque la solitude, les souffrances, mais aussi la possibilité de se réveiller, de se réinventer, de reconstruire un monde qui nous ressemble. Il n’est jamais trop tard pour évoluer. Il suffit juste d’en prendre conscience. "The Great Unwashed" est probablement le morceau le plus heavy de l’album, à l’atmosphère oppressante, presque suffocante, comme si l’on s’enfonçait inexorablement dans des sables mouvants qui nous entraînent vers le fond, tout en essayant de percevoir encore la lumière, loin, au-dessus.

"Heartless" est, de loin, l’énorme coup de cœur de cet album. Un titre vif, énergique et mélodique, où le dialogue entre les guitares de Tom et Henrik et les claviers de Rikard Zander est d'une grande beauté, où la section rythmique de Johan Niemann (basse) et Jonas Ekdahl (batterie) défonce tout, accompagné d’un refrain qui prend aux tripes, abordant le thème de la rupture et du renoncement (quel que soit le domaine : psychologique, sociétal, familial...), le désir profond de clore un chapitre qui a laissé trop de cicatrices. La vie est faite de milliers de petites morts, qui, loin d’être tristes, peuvent s’avérer salvatrices, et le refrain de cette chanson s’en fait le messager: « Untie my beliefs end. I’m tired of breathing you. Tired of dreaming of times that won’t come true. So tired of feeling. I’m tired of feeling you. And all this time that I’ve lost, I’ve lost to you » (« Dénoue mes croyances. Je suis fatigué de te respirer. Fatigué de rêver de moments qui ne se réaliseront pas. Tellement fatigué de ressentir. Je suis fatigué de te sentir. Et tout ce temps que j'ai perdu, je l'ai perdu pour toi. ») "Blindfolded" prend le contrepied de cet état d’esprit, et l’on sent poindre la rage de se battre pour se libérer des chaînes, l’envie furieuse de rester maître de sa vie et de ses choix. Ce morceau est aussi le troisième single de l’album et fait partie de la trilogie de vidéos que le groupe a tourné, avec "Save Us" et "Midwinter Calls", qui sont toutes reliées les unes aux autres.

Le voyage émotionnel s’achève en point d’orgue sur la splendide ballade acoustique, "Wildfires" (qui contient un magnifique solo de basse fretless de Johan Niemann), laissant l’auditeur dans un état contemplatif, fortement teinté de mélancolie. A l’image de sa pochette, dont l’artwork a une nouvelle fois été confié à Giannis Nakos de Remedy Art Design, « A Heartless Portrait (The Orphean Testament) » montre un visage plus sombre et torturé d’EVERGREY, par rapport au précédent qui semblait plus solaire. La lumière est toujours présente, mais c’est une lumière de soleil couchant au cœur de l’hiver. Une vision juste du monde actuel, miné par toutes sortes de conflits, un regard posé et clairvoyant qui nous incite à une introspection nécessaire devant aboutir à un véritable renouveau. Encore faudrait-il que les êtres humains aient l’intelligence et le courage de prendre suffisamment de recul pour observer ce qu’ils sont devenus, cesser de se regarder le nombril, et modifier leur comportement pour trouver, retrouver, l’empathie qui nous fait tant défaut.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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