14 mai 2022, 15:43

GONEZILLA

Interview Clément Fau

Lenteur et lourdeur est une douce alchimie bien connue des adorateurs de doom, et ce depuis que le metal et metal, et la noirceur un plaisir coupable. Et même si les riffs du passé conçus par les figures iconoclastes continuent de nous hanter, ceux bien présents de GONEZILLA pourraient eux aussi vous ensorceler par leurs enivrantes subtilités. Vous ne le croyez pas ? Tendez ne serait-ce qu’une oreille « Aurore », et vous nous en direz des nouvelles... C'est au bassiste Clément Fau que nous avons demandé plus de détails sur ce nouvel album.
 

Karen votre nouvelle chanteuse a rejoint le groupe en 2020, est-ce qu'elle a eu le temps et pu participer au processus d'écriture de votre nouvel album « Aurore »​ ?
Non seulement elle a eu le temps, mais elle a été très impliquée dans ce processus. Quand elle nous a rejoints, on venait de maquetter avec Céline (l’ancienne chanteuse, NDLR) deux titres, dont un qui était au stade d’ébauche. Ils ont été jetés à la poubelle une fois que Karen est arrivée, je crois que c’est le titre "Cendres" qu’elle a complétement réécrit. Elle a donc été partie prenante dans l’album, puisqu’elle a écrit la moitié des textes et des lignes de chant. Je dirais même qu’elle a été un des moteurs dans la création ! Car en 2020 on avait sorti l’EP « Sang Noir » qui était en chantier depuis un petit moment, et nous étions arrivés dans une phase de panne sèche. Nous n’arrivions plus du tout à avancer depuis plusieurs mois, et elle a vraiment apporté un nouvel élan au groupe.

Il y a eu donc un moment de doute avant son arrivée ?
Oui complètement, à un moment donné on s’est légitimement posé la question d’arrêter et de remonter autre chose. Nous avions donc une maquette et nous voulions proposer à une chanteuse de faire des tests, et mettre de ce fait ces morceaux à l’épreuve d’un regard extérieur. Et c’est ainsi que cela s’est fait, Julien a contacté Karen, ils se connaissaient depuis des années mais sans plus d’interaction. On lui a proposé d’essayer, et 24h plus tard elle nous a renvoyé le morceau complet maquetté, et il s’est avéré que le résultat était ce qu’on voulait depuis des mois. Ce qui a levé le doute sur nos compositions, et sur le fait qu’on avance avec un line-up différent. Comme elle était hyper emballée, elle a rejoint le projet.
 


© Gonezilla - DR


En tant que membre fondateur, est-ce que cette transition t’a fait voir GONEZILLA différemment ?
Au départ et comme beaucoup de groupes qui débutent, quand on est une bande de potes jouant de la musique, on commence toujours à composer des morceaux qui sont en fait l’amalgame des influences de tout le monde, il faut bien faire plaisir à chacun. Le premier album c’est une sorte de patchwork des envies de chaque membre, et sans qu’il n’y ait un objectif en particulier. Maintenant, ce que je vois avec l’arrivée de Karen c’est qu’on savait où l’on voulait aller, mais nous n’en avions pas les moyens. Elle nous a ouvert des portes, rien qu’au niveau technique elle possède toute une palette, ce qui fait qu’on ne se limite plus sur l’écriture, les barrières à la composition sont tombées et c’est génial !
 

"Quand on consulte les statistiques de notre chaîne YouTube, le pays où l’on est le plus écouté est l’Indonésie, qui pourtant ne parle pas un mot de français !"

 

Éric Tabourier est votre nouveau batteur depuis peu, il n’a donc pas participé à l'élaboration du nouvel album. Comment s'est passée son intégration ?
Oui Éric n’a pas du tout participé à la composition de l’album, les parties de batterie étaient déjà enregistrées. En revanche, comme c’est quelqu’un qui a un gros bagage et une grande polyvalence, pour les dates lives on lui laisse carte blanche, il peut modifier ce qu’il veut selon sa sensibilité. Evidemment, on compte sur sa participation dans les prochains morceaux, il y a une volonté de l’impliquer dans la composition. Et son intégration s’est fait facilement, autant le changement au niveau du chant était perçu comme une nécessité, mais quand notre batteur est parti on ne s’y attendait pas. Comme nous étions très proches, l’un des critères fondamentaux était qu’humainement ça passe. Karen connaissait Éric depuis des années, donc le fait qu’elle nous le suggère et présente, on partait avec un capital confiance et cela s’est confirmé. Il n’avait jamais fait de doom auparavant alors c’était un challenge pour lui, passer du black et progressif au doom ce n’est pas pareil ! En tout cas, nous sommes très contents du line-up actuel, et nous avons très hâte de faire de la scène.

Justement, est-ce que vous avez réussi à caler quelques dates récemment et dans futur proche ?
Nous avons eu la chance de faire deux très belles dates. Nous avons été invités à la release-party de LUX INCERTA au Ferrailleur de Nantes, avec CONVICTION et MAUDITS, soit quatre formations de doom mais très différentes dans le genre. C’était aussi notre premier concert tous ensemble, donc un certain challenge à relever, et au final une super expérience dans des conditions excellentes. Nous avons aussi fait notre release-party le 13 avril dernier à Lyon au Rock n' Eat, nous avons invité le groupe suisse E-L-R, ils sont signés chez Prophecy Production et ils font du doom avec un côté très gaze, et là même constat, super concert et très contents de cette date. Sinon nous allons jouer à Lille le 10 juin avec ALWAID, ils sont eux-mêmes Lillois et ils ont fait la première partie de MISANTHROPE il y a quelques semaines, et ETHEREAL DARKNESS qui est un groupe de doom/death belge qui a remporté le tremplin pour jouer à l’Alcatraz Festival, une soirée qui s’annonce au top !

Vous avez une vision sur de prochaines dates ?
Nous sommes en recherche de dates, c’est une période compliquée... On sort de deux ans de concerts reportés donc les salles sont très sollicitées. On recherche par exemple une date en Belgique, et la plupart des clubs sont bookés sur deux ans ! Mais on va essayer d’en proposer un maximum, car nous sommes un groupe de scène. Il y en a qui adore le studio mais nous ce n’est pas le cas. Même si on adore composer et enregistrer bien sûr, mais la scène fait vraiment partie de notre ADN.

Et avec cette nouvelle formation est-ce vous continuez à jouer d'anciennes chansons ?
Pour les deux dernières dates nous avons souhaité proposer des morceaux uniquement du nouvel album. Mais effectivement, si on arrive à avoir des dates supplémentaires avec un temps de jeu un peu plus long, on ne s’interdit pas cela... alors pas du premier album qui est plutôt metal alternatif et très différent de ce que nous proposons aujourd’hui, on ne se reconnait plus vraiment dans ce style. Je pense plutôt à l’album précédent « Sang Noir », surtout que Karen est totalement capable de les interpréter.

Est-ce qu’un membre en particulier s'occupe de la direction musicale des compositions ?
Sur le premier album la composition et l’écriture étaient réparties entre nous tous. Lorsqu’on a décidé de prendre notre virage doom, la composition a été remise entre les mains de Julien, le guitariste de GONEZILLA. Il écrit entre 80 et 90% des morceaux, c’est-à-dire un squelette très abouti avec les arrangements. J'interviens ensuite pour lever les doutes et valider, on échange donc sur les morceaux et j'écris les lignes de basse une fois que tout est arrangé. Julien et Karine se répartissent de leur côté les textes.

Quel est le thème principal de l'album « Aurore »​ ? Cette pochette très élégante doit sûrement y faire référence ?
Il y a un thème principal, mais nous n’avons pas voulu faire un concept-album à proprement parler. Pour autant, après avoir maquetté plusieurs titres on s’est rendu compte que certains d’entre eux faisaient référence à la mythologie grecque ou romaine. Alors on s’est dit que cela serait intéressant que l’on propose une toile de fond autour de ces mythes, et de les utiliser pour écrire des textes introspectifs. Comme c’est souvent le cas dans le doom, à savoir la condition humaine ou des choses plus contemporaines dans notre cas. Et c’est d’ailleurs pour cela que la plupart des textes ont deux niveaux de lecture. Concernant la pochette, c’est un tableau du peintre anglais John William Waterhouse qui s’appelle "Echo et Narcisse", faisant référence au titre "Echo" et aux mythes gréco-romains. On est hyper content du visuel, c’est justement Karen en écrivant le texte, qui déjà avait cette peinture en tête. Et c’est lorsqu’on a évoqué notre volonté d’avoir une peinture classique en guise de pochette qu’elle nous en a justement parlé, c’était vraiment ce qu’on voulait.

J’imagine que le doom est un genre qui fait l’unanimité chez GONEZILLA, partagez-vous quelques différences ?
En termes de doom traditionnel, comme CANDLEMASS et TROUBLE, je dois être le seul à en écouter. Ce qui fait l’unanimité chez nous ce sont les groupes en provenance de la scène scandinave actuelle, comme DRACONIAN ou SWALLOW THE SUN, et ceux de la vague anglaises des années 90 : PARADISE LOST, MY DYING BRIDE et ANATHEMA. C’est pour le tronc commun, après cela va être plus éclectique. Karen va par exemple écouter du metal symphonique, Julien du neo-folk comme WARDRUNA, et moi de la musique extrême. Je pense que le fil conducteur chez tous les groupes que l’on apprécie est la noirceur et la mélancolie, Julien et moi sommes aussi très fans de cold-wave et de gothic-rock.

Il y a effectivement beaucoup de noms très intéressants, et si vous deviez choisir de faire une reprise ?
Déjà je pense qu’on ne reprendrait pas un groupe de metal, car selon moi l’intérêt d’une reprise est de proposer un nouvel éclairage. On irait chercher cela dans la cold-wave avec un JOY DIVISION par exemple, une version doom avec un chant growl et un chant féminin, cela pourrait donner quelque chose.

Vos textes sont très élaborés, quels sont vos principales sources d'inspiration ? Avez-vous des auteurs ou poètes de référence, voire même dans le domaine du septième art ?
Il y a une grande sensibilité littéraire chez la plupart des membres du groupe. Les influences sont à aller chercher chez les poètes romantiques ou symbolistes français : Rimbaud, Victor Hugo, Baudelaire, Verlaine, ce sont nos modèles dans notre façon d’écrire et d’aborder l’écriture des textes. Il y a aussi la littérature mais plutôt dans les thèmes abordés, comme le fantastique et la science-fiction. Nous sommes aussi tous des amateurs de cinéma, l’esthétique de certains films comme le Nosferatu de Werner Herzog qui va bien sûr nous parler.


Le chant interprété en français est-il important pour vous ?
Je dirais même que c’est capital. Aujourd’hui nous considérons le texte en français comme faisant partie de l’identité de GONEZILLA. On aurait sûrement une visibilité plus importante si les textes étaient en anglais, mais à aucun moment nous pourrions envisager de changer. Dans notre démo de 2013, il y avait deux chansons sur quatre en anglais, et on s’est très vite aperçu qu’on arrivait à mieux transmettre l’émotion souhaitée sur ceux en français. A partir de ce moment-là on a fait ce choix. Aussi parce qu’on aime la langue française et on veut la favoriser, même si c’est assez difficile d’écrire en français, parce qu’on a tendance à se comparer à l’existant et aux auteurs talentueux comme ceux cités juste avant, donc forcément on va se sentir parfois illégitime. Il y a aussi une volonté chez nous de proposer une vraie identité au groupe : des formations qui chantent en anglais, il y en a déjà énormément, et si c’est pour proposer quelque chose qui a été déjà entendu plusieurs fois sans rien apporter de nouveau, à quoi bon s’investir autant ? Les premiers retours que nous avons depuis la sortie de l’album nous laissent penser que nous avons eu raison d’assumer ce choix. Et pourtant, quand on consulte les statistiques de notre chaîne YouTube, le pays où l’on est le plus écouté est l’Indonésie, qui pourtant ne parle pas un mot de français ! C’est certes un pays très metal, plutôt branché musique extrême d'ailleurs, mais je n’arrive pas expliquer pourquoi. Je suis moins surpris pour l’Amérique du Sud où l’esthétique gothique et français fonctionne plutôt pas mal, tout comme les pays russophones où le doom cartonne.

Avez-vous prévu une nouvelle vidéo ?
Nous avons déjà sortie un clip, ainsi que deux lyric-videos, et sur le deuxième semestre on va en sortir un second pour relancer la communication autour de l’album. On a déjà une idée du morceau, mais nous attendons de voir si un titre sera plus plébiscité que les autres, et pourquoi pas, le mettre en avant. Donc si les lecteurs ont des suggestions, qu’ils n’hésitent pas à nous en faire part, et peut-être que leur choix sera retenu pour le prochain clip.

Le message est passé, bonne continuation à GONEZILLA !
Un grand plaisir d’avoir un entretien avec HARD FORFCE. Merci à tous ceux qui prendront la peine d’aller écouter notre album, je pense que nous proposons quelque chose qui peut plaire au-delà des amateurs de doom. Nous avons même des retours de gens qui n’écoutent pas du tout de metal, mais qui aiment ce que l’on fait. Ce que j’ai tendance à dire aussi, c’est qu’en France nous avons une scène avec des groupes très talentueux et ils ont besoin de votre soutien. Alors déplacez-vous en concert et prenez du merchandising, c’est le seul moyen qui nous permet de sortir de la musique •

Gonezilla.net
 

Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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