21 mai 2022, 17:42

EVERGREY

Interview Jonas Ekdahl


A l’occasion de la sortie de l’album « A Heartless Portrait (The Orphean Testament) », nous avons pu nous entretenir avec le batteur Jonas Ekdahl, également multi-instrumentiste, compositeur et coproducteur du groupe EVERGREY. Un peu stressé car il a dû se dépêcher de quitter la répétition en cours pour honorer cet entretien. Le discret musicien aux multiples talents s’est néanmoins prêté au jeu des questions-réponses avec toute la sincérité et gentillesse qui le caractérisent.
 

Tout d’abord, comment vas-tu Jonas ?
Je vais bien. Un peu stressé car j’ai conduit vraiment très vite pour revenir à la maison à temps (rires). Mais nous sommes vraiment très heureux de sortir ce nouvel album. Et les retours de la part des critiques ont été, jusqu’à présent, incroyablement fantastiques. 

Lors d’une récente interview, Tom disait que « A Heartless Portrait » avait été écrit à la suite de « Escape Of The Phoenix ». Peux-tu nous en dire plus sur le processus de création ?
Oui, on venait à peine de signer notre nouveau contrat avec Napalm Records, et peu de temps avant, nous nous étions mis d’accord sur le fait que nous devrions continuer à composer car, s’ils nous voulaient sur leur label, nous devions être en mesure de leur proposer un nouvel album à promouvoir, bien sûr. Sinon, cela n’aurait eu aucun sens. Nous venions à peine de sortir « Escape Of The Phoenix », et nous nous sommes demandés si nous aurions encore de quoi puiser en nous-même de nouvelles chansons à composer, ou serait-ce trop tôt. C’était comme un jeu. Nous nous sommes dits : « OK, commençons à écrire, et on verra bien ! On se donne rendez-vous dans deux semaines au local de répétitions et on présentera chacun nos idées aux autres.» Et nous avons commencé à travailler sur l’album à partir de ce moment. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, nous avions chacun énormément d’idées, et de bonnes idées, de surcroit. Nous avons même pensé que nous avions trop d’idées et nous sommes demandés par où commencer ! Nous avons sélectionné celles que nous préférions, de manière à avoir quelque chose qui se rapprochait d’un album. Puis nous avons travaillé sur chaque idée pour les construire et les peaufiner, et obtenir de véritables compositions. Cela a été le point de départ. Puis Tom (Englund - chant & guitare) et moi avons continué à travailler chacun de notre côté, et nous sommes échangés les fichiers via Zoom. C’était très confortable, et aussi très avantageux de pouvoir bosser de la sorte, car nous n’avions pas besoin de conduire 45 minutes pour se retrouver et échanger notre travail. Et aussi, ce qui était très cool, c’était de pouvoir travailler sur différentes parties de la même chanson. S’il me présentait une super ligne de chant ou un bon riff de guitare, il faisait sa partie de son côté, pendant que je peaufinais une autre portion de la chanson. Et nous pouvions nous reconnecter pour nous présenter nos avancées. C’était tout aussi inspirant et bien moins chronophage que de se retrouver physiquement. On a tous eu une belle énergie créative sur cet album, et chacun a pu ajouter sa pierre à l’édifice. Rikard (Zander - claviers) a pu composer ses parties de synthé chez lui et nous les transmettre, et ainsi de suite. Nous sommes toujours en mouvement concernant la composition, avec des idées qui fusent de toutes parts.     

Cet album contient de nombreux types de chansons différentes, de la douce et triste "Wildfires" à la punchy "Heartless", en passant par la proggy "The Orphean Testament". Et tout cela crée le style unique d'EVERGREY. Quelles ont été vos sources d'inspiration ?
Oui, je pense que c’est parce que nous écoutons beaucoup de musiques différentes, et pas seulement du metal ou du rock. Et tous les cinq. On écoute tous tellement de styles de musique différents... De la pop, ou de la musique calme, en passant par le black metal, le hip-hop, le rap... il y a toujours beaucoup d’inspiration à collecter de partout. Si tu écoutes un truc qui te semble cool, et bien ça l’est ! Peu importe que ce soit du rap ou autre. Par exemple, tu peux adorer un rythme et t’en inspirer pour créer ton propre rythme. Et cela atterrira sur une chanson d’EVERGREY. Mais tu ne te rendras jamais compte que cela vient à la base d’une chanson rap ! Et c’est quelque chose que tu ne pourras jamais créer si tu n’écoutes qu’un seul style de musique, si tes goûts en matière de musique sont étroits. Je respecte ceux qui n’aiment qu’un seul genre de musique, mais nous ne sommes pas de ceux-là. C’est peut-être pour cela que ça transpire dans notre musique. Nous amenons chacun nos propres horizons, et nous nous servons de cette richesse et cette diversité pour composer notre propre musique, et le son d’EVERGREY.

Dès notre première écoute, nous avons ressenti que cet album était bien plus sombre que le précédent. As-tu le sentiment que la société avance de plus en plus dans le noir, avec les yeux bandés ?
Oui, absolument. Et une grande partie des textes de cet album sont inspirés par cet état de fait. Même si ce n’est pas un concept-album et que chaque chanson peut s’écouter indépendamment des autres, elles sont néanmoins toutes reliées par ce thème : « Où cela nous mène-t-il ? ». Nous nous renfermons de plus en plus sur nous-même, et nous n’avons que les réseaux sociaux comme référence. Et ce n’est pas sain ! Le monde devient de plus en plus froid, d’année en année. Et nous n’aimons pas où cela nous pousse.

Penses-tu que les réseaux sociaux soient un mal qui ronge ou bien une nécessité ?
Hum... Je pense qu’ils peuvent devenir très addictifs. Et beaucoup de gens ne se rendent pas compte à quel point ils sont accros. Tu vois les gens en train de surfer sur les réseaux d’un air absent, puis reposer le téléphone, et le reprendre 5 minutes plus tard pour recommencer les mêmes gestes. Et je le fais aussi parfois ! Je ne suis pas meilleur que les autres, mais j’ai conscience que je le fais, et j’essaie de m’en détacher. Car c’est juste une perte de temps.

Peut-être que le plus important avec les réseaux sociaux, c’est d’avoir les bons outils pour s’en servir, de manière à les utiliser intelligemment ? Et les laisser de côté lorsque l’information se transforme en pollution mentale...
Ah oui, absolument ! Ils ont quand même de bons aspects, particulièrement dans le contexte musical, pour promouvoir ton groupe, partager tes goûts et tes influences artistiques, trouver de l’inspiration auprès des gens, et toutes les bonnes informations que tu peux apprendre sur internet. C’est aussi une importante source de savoir de nos jours. Tout n’est pas négatif, comme tu le disais, mais il faut apprendre à s’en servir à bon escient.


​Toi qui es batteur, dans quelle mesure participes-tu à l’écriture des cha ? Et comment composes-tu ?
Tout d’abord, j’imagine les chansons sans la batterie, je ne la rajoute qu’après. Elle n’est qu’une partie de la chanson quand j’en viens à composer. Maintenant, je me considère bien plus comme un compositeur que comme un batteur. C’est comme cela que je me sens le mieux d’ailleurs. La batterie n’est qu’un élément dans l’écriture d’un morceau. Et lorsque nous travaillons, je peux très bien présenter mes parties de batterie, mais celles que Tom aura écrites seront peut-être bien meilleures. Donc, je garde les siennes. Cela ne me pose aucun problème. Si Henrik (Danhage - guitare) ou Johan (Niemann - basse) présentent des plans intéressants, ce sera également OK pour moi. Parfois, pour que je puisse me sentir plus à l’aise, j’aurai besoin de rajouter ma touche personnelle. De même, lorsque je leur amène un riff, ils auront peut-être besoin de modifier de légers détails pour se les approprier. De manière à ce que cela sonne comme du EVERGREY. C’est toujours pour le bien des chansons. Ce sont les chansons qui priment dans la finalité de l’écriture.

En tant que batteur donc, quel regard portes-tu sur le contenu émotionnel des paroles, et sur le fait que beaucoup de fans considèrent la musique d’EVERGREY comme une psychothérapie?
Je pense que Tom écrit de façon à ce que les auditeurs puissent vraiment s’identifier. Il offre un point de vue, une émotion à laquelle se rattacher, en particulier si tu traverses des moments difficiles. Si tu es dans une mauvaise passe et que tu as besoin d’entendre quelqu’un qui parle à ton âme, Tom est vraiment le bon compositeur pour ça. C’est l’un des points les plus forts d’EVERGREY, à mon sens, cette écriture intimiste et personnelle, cette façon de présenter les sujets qui le touchent. Alors, je ne suis pas surpris que les gens puissent se projeter dans ses paroles. Il donne du sens avec ses écrits, et il est facile de se sentir concerné et relié à son chant.

Lorsqu'on écoute la musique d’EVERGREY, on a vraiment cette sensation que tu n’es pas seulement un socle rythmique, mais aussi une vraie locomotive, et Tom serait le conducteur. Est-ce une métaphore qui te parle ? Comment vois-tu ta manière de jouer ?
Oui, c’est vraiment ça. Je me vois comme les fondations sur lesquelles bâtir la chanson. Et je pense qu’il est important de comprendre la chanson, d’être à son service, et pas seulement de jouer des plans qui te semblent cool pour te faire plaisir. Ça pourrait ruiner la chanson. Nous devons être attentifs à ce que nous devons jouer, mais aussi, aux moments où il ne faut pas jouer. Il est aussi important de respecter les silences et ne pas en mettre de partout. C’est mon approche de l’instrument. Tâcher de jouer dans le respect de la chanson. Et ensuite, si le moment s’y prête, tu peux toujours rajouter quelques idées, si nécessaire. Mais il ne faut pas que cela desserve le morceau. On peut décider de rajouter une partie plus difficile, ou quelque chose qui capte l’attention, si cela apporte un plus au morceau. Je me dis toujours : « Ecoute la chanson, ressens-la, de quoi a-t-elle besoin ? », et je m’applique à la servir au mieux.

As-tu une chanson préférée sur cet album, et si oui, laquelle et pourquoi ?
J’aime beaucoup "Midwinter Calls", parce que nous l’avons commencée avec tout un tas d’idées différentes, et lorsque nous l’avons construite, toutes ces idées avaient du sens. On les a tricotées ensembles pour créer une chanson vraiment géniale. Elle est assez complexe car elle possède trois changements de tonalités différents, mais on n’y pense pas en l’écoutant car cela arrive naturellement, c’est fluide. Et il y a aussi ces couplets très heavy, ce pont très cinématique avant le refrain, qui est très suggestif, et puis cela mène à ce super refrain avec cette belle mélodie. Oui, je suis un grand fan de ce morceau ! Probablement mon préféré. Mais il y en a tant d’autres qui sont bons. J’aime aussi beaucoup "Reawakening" parce qu’il a cette vibration plus positive, et je pense que c’était nécessaire et sain sur cet album. C’est un titre qui te tire vers le haut, d’une certaine manière. C’est rafraichissant, je trouve.


Pourrais-tu nous citer cinq batteurs que tu aimes, et nous dire en quelques mots pourquoi ?
Oui, bien sûr ! Je commencerais par un batteur allemand du nom de Benny Greb. Il est, selon moi, le meilleur batteur du monde, un batteur de jazz. Il donne beaucoup de stages et d’ateliers dans le monde entier, et je pense qu’il est incroyable, par son approche de l’instrument et la psychologie qui, selon lui, se cache derrière. Et il présente cela aux élèves très intelligemment, de manière très attentionnée. Et son jeu est fantastique. Il m’emmène toujours très loin lorsque je l’écoute ou le vois jouer. Ensuite, ce serait Vinnie Paul de PANTERA, car il était hyper puissant, mais aussi de très bon goût. PANTERA est mon groupe de metal préféré. Pour le troisième, je choisirais un batteur suédois qui s’appelle Johan Reivén, il joue avec beaucoup de groupes suédois, et notamment un groupe qui s’appelle LOK. C’est juste un monstre !! Il joue très musicalement, toujours en support de la chanson. Et son style a vraiment été une grosse influence pour moi, lorsque j’étais adolescent. Je pouvais entendre sa façon de jouer sur ses albums et j’ai vraiment essayé de m’approprier son approche. Jouer uniquement au service de la chanson. Et ajouter sa touche personnelle par-dessus. Je vous invite à aller voir son jeu, ça vaut vraiment le coup ! Deux de plus... Je me dois de citer Mike Mangini de DREAM THEATER, car lorsque j’étais jeune, il jouait à l’époque avec Steve Vai et EXTREME. Et quand je l’ai entendu jouer pour la première fois, je n’en n’ai pas cru mes oreilles ! Il était tellement extraordinaire, car non seulement, il était très technique, mais aussi super groovy. Tellement génial avec des fills d’un super haut niveau, mais qui sonnaient musicalement et qui avaient toujours un sens, même si je ne pouvais pas les jouer...  Il est tellement impressionnant ! Qui vais-je choisir pour le cinquième ? Hum... Ah oui, Eric Moore, qui est un gospel-drummer.

Ah mais oui, évidemment !!
Tu le connais ?

Oui, on a vu plusieurs vidéos de lui, et c’est un Dieu !  Il est aussi l’un des anciens batteurs de SUICIDAL TENDENCIES.
Absolument, c’est un Dieu du groove, des fills... Il a des plans monstrueux qui sont complètement dingues. Si vous n’avez jamais entendu parler de lui, allez voir ce qu’il fait, parce qu’il est exceptionnel ! Voilà pour mes cinq choix.

Vous allez tourner l’automne prochain, qu'est-ce que les fans peuvent attendre de ces prochains concert. Allez-vous jouer des chansons du nouvel album, « A Heartless Portrait », mais aussi du précédent, « Escape Of The Phoenix », qui n’a pas eu la chance d’être soutenu sur scène à cause de la pandémie ?
C’est exactement ce que nous pensons. Nous aurons deux albums à promouvoir au sein d’une seule tournée. Ce qui va rendre le choix de la set-list assez compliqué, parce que nous nous devons de jouer aussi des vieux titres. On y travaille dès à présent, pour tout avouer. Mais, oui, je pense quand même que la majorité des morceaux seront issus de nos deux derniers albums, et nous sommes assez excités à cette idée, car, comme tu l’as dit, « Escape Of The Phoenix » n’a pas eu la chance d’être défendu à sa juste valeur.

Effectivement, c’est bien malheureux, car c’est un grand album...
Je suis bien d’accord ! Et nous souhaitons vraiment réparer cette injustice en proposant une set-list qui combinerait des morceaux de ces deux albums, avec quelques titres plus classiques.  C’est un vrai challenge, mais on va y arriver. Ce sera un bon mélange.

Merci de nous avoir accordé un peu de ton temps Jonas, les fans français vous attendent !...
Oui, merci infiniment pour votre soutien. Les fans français ont toujours été d’une grande importance dans l’histoire d’EVERGREY. Nous n’en serions pas là où nous sommes aujourd’hui sans le soutien des fans. Ils nous motivent, nous offrent beaucoup d’amour et des retours incroyables. Cela nous rend très humbles de les savoir à nos côtés, quelles que soient les circonstances, surtout pour un vieux groupe comme nous. Je me sens reconnaissant d’avoir de tels fans auprès de nous. Et puis, allez écouter le nouvel album. J’espère qu’il vous plaira. •
 

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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