Presque cinq années séparent « Anticult » de « Cancer Culture », le dernier album des Polonais DECAPITATED. Et le moins que l’on puisse dire c’est que ce délai a été mis à profit pour revoir les fondamentaux du groupe : Aimé Jacquet a dû sortir de sa paisible retraite pour faire un saut du côté de Krosno afin de transmettre ses consignes au clan local. Après tout, ce qui s’applique au football doit bien s’appliquer au death metal. Attendez, laissez-moi jeter un œil dans mes archives : « Le travail individuel permet de gagner un match mais c'est l'esprit d'équipe et l'intelligence collective qui permet de gagner la coupe du monde ». A défaut de coupe du monde, DECAPITATED a en tout cas révisé ses fondamentaux et dispose désormais de toutes les cartes pour postuler au prétendant d’album de l’année dans la catégorie qui lui est si chère. Oui, « Cancel Culture » est juste monstrueux. Est-ce l’arrivée de l’anglais James Stewart (BLOODSHOT DAWN, BERZERKER LEGION, DENY THE URGE) derrière les fûts en 2019 ou la participation-éclair de Pawel Pasek à la basse (MORTUS, VIRGIN SNATCH) qui redonne un coup de fouet à l’ensemble ? Ou ce patchwork musical, proche de la perfection, qui vient piocher dans toutes les époques du groupe... régurgité ici en dix morceaux de première classe ?
Parce que, franchement, un retour de ce calibre sur le devant de la scène se doit d’être salué. Je le disais il y a cinq ans donc en démarrage de ma chronique du fameux « Anticult » : « S'il est une chose actée au sujet des quatre Polonais DECAPITATED, c'est bien leur aptitude à évoluer. Les albums se suivent et ne se ressemblent pas, du brutal death technique et virulent qui faisait tout le charme de leur première réalisation sortie en 2000, « Winds Of Creation », qui reste encore aujourd'hui un mètre-étalon en la matière à ce septième album, « Anticult » et son metal moderne et dissonant, il y a un monde. ». Un monde que les Polonais balaient désormais d’un revers de perfecto avec des missiles comme "No Cure" ou "Just a Cigarette", gorgés de rythmiques à l’ancienne qui vont réveiller les esgourdes des fans historiques du groupe. Ces deux morceaux donnent d'ailleurs un bon aperçu de ce que « Cancer Culture » est capable de faire en termes de dégâts.
Car c'est bel et bien un death metal direct, puissant, moderne, qui ne rechigne pas cependant à respecter la tradition avec des solos ciselés de main de maître qui est à l'ordre du jour. Je passe sur la section rythmique qui avoine comme jamais et les parties de batterie qui feraient tourner de l’œil le bûcheron le plus endurci. La dérouillée est administrée sans détours par un enregistrement aux petits oignons forgée dans les flammes du ZED Studios et d’un mixage signé David Castillo (à la manœuvre chez AMORPHIS, CARCASS, KATATONIA, WHITECHAPEL j’en passe et des meilleurs) et Ted Jensen pour le mastering ! Mais attention, les bougres savent aussi faire preuve de raffinement, d’une certaine aptitude à trousser des atmosphères sombres et intrigantes, comme en témoignent les superbes "Hours As Battlegrounds » ou « Suicidal Space Program ». Quant aux deux morceaux du disque qui annonçaient des featuring, circulez y’a rien à voir : "Hello Death" avec Tatiana Shmayluk (JINJER) refait la peinture du sol au plafond et "Iconoclast" qui invite Robb Flynn (MACHINE HEAD) à la chansonnette s’en sort avec les honneurs. Le reste est lui aussi de très bonne facture (avec une mention spéciale pour le furibard "Locked" aux allures de déclaration de guerre !) si bien que ces trente-sept minutes passent comme une lettre à la poste... et que le tout atteste d’une maîtrise qui va en laisser plus d’un sur le popotin.
« Cancer Culture » est une claque inattendue. Complètement inattendue. Une fessée dans les règles de l’art qui va martyriser nombre de platines pendant les prochains mois. C’est moi qui vous le dit !