14 juillet 2022, 9:57

MEGADETH

"Countdown To Extinction" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : Countdown To Extinction

Nous sommes (déjà) en 2022 et cet album fête ses... 30 ans !

Rendu en ce 14 juillet 1992, MEGADETH a derrière lui moins d’une dizaine d’années d’existence mais se gargarise déjà d’avoir sorti quatre albums ayant substantiellement changé la donne et le visage du thrash metal tout en enfantant par le même temps l’un des albums-phares de ce genre toutes périodes confondues, j’ai bien sûr nommé « Rust In Peace », paru en 1990. Lorsque vient le moment de se pencher sur la conception d’un cinquième album qui assiéra encore un peu plus l’hégémonie toute puissante de la formation californienne emmenée par Mega-Dave Mustaine, celui-ci s’appuie une nouvelle fois sur le line-up dit classique que l’on connait composé, outre son leader-chanteur-guitariste, de Marty Friedman à la guitare également, de David Ellefson à la basse et du regretté batteur Nick Menza, parti bien trop tôt en mai 2016. Après avoir recouru à quatre producteurs différents pour chacun des disques précédents, il est cette fois fait appel à Max Norman, au CV long comme le bras (avec des metal horns au bout), une figure de la production bien connue des hardos de l’époque, lui qui a collaboré longuement avec Ozzy Osbourne lors des débuts de la carrière solo du Madman. Et c’est enfermé dans les studios The Enterprise situés à Burbank en Californie que le quatuor va tenter de faire mieux que le platiné « Rust In Peace » (plus d’un million d’exemplaires écoulés, rien qu’aux Etats-Unis). Manque de pot, ça ne commence pas très bien car l’enregistrement se déroule alors que débutent les émeutes survenues à la suite du tabassage de Rodney King par des agents de police, une affaire ayant embrasée Los Angeles sans commune mesure (SUICIDAL TENDENCIES en attestera aussi, étant également en studio à cette période pour enregistrer « The Art Of Rebellion »). A ce sujet, Mustaine déclarera à propos du couvre-feu qui fut instauré : « Il n’y a rien de pire que devoir s’arrêter en plein élan créatif. C’est comme lorsque sonne la cloche de la fin des cours. Mais au moins, on avait la conviction que ça allait être un de ces albums qui carbure comme un V12. » Motorbreath ?

Intelligemment, et à l’image de SLAYER qui n’avait pas cherché à réitérer ou copier l’exploit accompli avec son « Reign In Blood » en 1986, MEGADETH ne va pas se laisser prendre au piège de la surenchère dans la violence musicale, le curseur ayant été poussé assez loin sur l’album précédent. Ils avaient alors tout de même réussi à conserver un certain sens de la mélodie, une des caractéristiques prégnantes de leur signature sonore et qui s’accentuera durablement sur l’ensemble de ses futurs albums. Conscients également du potentiel qu’ils ont à ce moment et prenant en compte le fait que MTV est encore aux Etats-Unis le baromètre pour le heavy metal notamment, Dave Mustaine et consorts vont tranquillement préparer un album qui tient à conserver leurs caractéristiques identitaires principales et qui allaient aussi contribuer au succès de « Countdown To Extinction ». Ainsi, exit le thrash pur et dur et place à un metal lourd au tempo ralenti par rapport au travail précédent, comme l’avait d’ailleurs fait SLAYER et son diabolique « South Of Heaven » en 1988. Plus mélodique et, soyons grossier, plus accessible commercialement parlant (pas fou le Dave...), côté texte, on continue d’évoluer à un niveau un tantinet plus élevé que la moyenne. Du social, du politique, du sociétal quand ce n’est pas ses expériences personnelles qui contribuent à fournir le terreau nécessaire à l’écriture des paroles, Dave Mustaine affirme un peu plus le fait qu’il soit un sérieux parolier. Il a alors 31 ans, est un adulte concerné par la vie de son pays ainsi que par l’évolution mondiale économique et politique et ses textes s’en ressentent, que ce soit au travers de cette prise de conscience ou de ses prises de position. Par chance, en 1992, on évite encore le casse-gueule, les musiciens (et chanteurs particulièrement) ne jouissant plus aujourd’hui d’un certain recul dans la réception de leurs propos et se veulent désormais plus souvent en retrait, ou du moins évasifs, sur leurs convictions personnelles afin de rester politiquement correct ou pour ne pas s’attirer les foudres des bien-pensants de tous bords.


Comme il est de coutume pour ces rétro-chroniques, le but n’est pas tant de refaire le match à la Saccomano car les titres de « Countdown To Extinction » sont connus et archi-connus de vous tous qui lisez ceci. On remarquera juste que, comme pour « Rust In Peace », tout est bon dans le cochon et qu’il n’y a pas de gras. Onze titres ? Onze réussites ! Pas une n’est à jeter même si certaines allaient plus particulièrement sortir du lot ("Skin O’ My Teeth" qui évoquerait le suicide malgré des paroles pas vraiment évidentes pour l’affirmer pleinement ou bien "Symphony Of Destruction"). MEGADETH rappellera qu’il sait y faire côté accélération sur la bien-nommée "High Speed Dirt" (qui nous refait le coup du petit passage acoustique comme sur "Holy Wars... The Punishment Due") ou se la jouer schizo/psycho avec "Sweating Bullets". En fait, ce disque est la réelle première prise de risque artistique dans la carrière discographique du groupe même si elle était relativement calculée. Par la suite, Dave Mustaine ne cherchera pas à s’encombrer de questions existentielles et proposera des albums aux atmosphères drastiquement différentes les unes des autres. Côté charts, « Countdown To Extinction » défonce tout et vient se placer sur la deuxième plus haute marche du classement US (il en vendra plus de deux millions d’exemplaires), tout comme en Grèce. Il se classera par ailleurs dans les dix premières places de nombreux classements de plusieurs pays, cochant ainsi toutes les cases d’un succès amplement mérité. Le Japon l’accueillera à la sixième position et bénéficiera, comme il est de coutume pour ce pays, de plusieurs chansons en bonus, "Breakpoint" et "Go To Hell" le cas présent, ce dernier titre figurant initialement sur la bande-originale du film Bill & Ted’s Bogus Journey sorti sur les écrans en 1991 et second volet d’une série de films ayant pour acteurs principaux, Keanu Reeves et Alex Winter.

Réédité pour son vingtième anniversaire, « Countdown To Extinction » se voit adjoindre un disque-compagnon proposant l’intégralité du concert donné le 4 décembre 1992 au Cow Palace de Daly City en banlieue de San Francisco, soit seize titres dont six de ce nouvel album, le tout inséré dans un beau coffret dans lequel se trouvaient également un poster et quatre cartes postales de chacun des musiciens.
MEGADETH étant alors au zénith de sa forme scénique, cette réédition se veut absolument indispensable pour les fans. Enfin en 2013, ces mêmes fans ont pu se procurer en CD et DVD/Blu-ray « Countdown To Extinction: Live », captation d’un concert donné le 7 décembre 2012 à Pomona en Californie dans le cadre de la tournée-anniversaire de l’album et sur lequel on retrouve bien évidemment le disque interprété dans son intégralité et dans l’ordre, plus quelques classiques pour faire bonne mesure. Enfin, la réédition remixée et remasterisée de 2004 permettait d’inclure quatre morceaux bonus (trois démos de "Countdown To Extinction", "Symphony Of Destruction" et "Psychotron" ainsi qu’un presqu’inédit car sorti partout sauf aux Etats-Unis, "Crown Of Worms"). Pour terminer ce coup d’œil dans le rétroviseur, nous vous proposons de retrouver deux interviews données à Paris lors de la promotion du disque, la première (imcomplète) pour l’émission culte Metal Express diffusée alors sur M6 ainsi que celle donnée pour l’émission de MTV, Headbanger’s Ball, avec Vanessa Warwick à la présentation (ex-Me Ricky Warwick de THE ALMIGHTY, BLACK STAR RIDERS), également captée lors du passage en France de MEGADETH.


Pour aller plus loin :
Tous les albums de MEGADETH sont différents les uns des autres et, qu’on les apprécie ou non en fonction de nos goûts personnels, on ne peut nier leur qualité globale constante et un renouvellement permanent, tant dans le genre que pour l’époque concernée. Je parle là en priorité des clivant « Cryptic Writings », « Risk » ou « The World Needs A Hero », si on ne prend en compte que ces trois exemples sortis coup sur coup entre 1997 et 2001. Chaque disque de sa discographie a donc ses points forts et points faibles (bien que j’en convienne, « Rust In Peace » n’en compterait que fort peu si l’on se révélait tatillon à son encontre). Aussi, nous n’allons ici vous en conseiller, si l’on puit dire, qu’un seul par décennie d’activité jusqu’à ce jour.

« Peace Sells... But Who’s Buying » (1986) : passons les évidences et arrêtons-nous sur la reprise d’un classique du blues signé Willie Dixon et interprété par Howlin’ Wolf en 1961, "I Ain’t Superstitious". A noter qu’il y eu un précédent avec le "These Boots Are Made for Walkin'" datant de 1966 et chanté par Nancy Sinatra, que l’on retrouve en 1985 sur le premier album « Killing Is My Business... And Business Is Good! ».
« Rust In Peace » (1990) : comme pour le café Maxwell™, ce n’est pas la peine d’en rajouter.
« Endgame » (2009) : Mustaine délivre sur ce disque quelques-uns de ses morceaux les plus violents de toute la carrière du groupe à l’image de l’ébouriffante intro instrumentale "Dialectic Chaos" qui donne le ton.
« Dystopia » (2016) : un album très mature, complexe et le premier du solide line-up actuel où le guitariste Kiko Loureiro fait des étincelles (pas étonnant me direz-vous lorsque l’on joue de la guitare électrique).

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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