17 août 2022, 18:23

HEILUNG

Interview Kai Uwe Faust

HEILUNG n'entre pas dans la catégorie metal mais sa musique chamanique est tellement universelle qu'elle touche tous les êtres humains, quels qu'ils soient. Avec son troisième album, « Drif », le trio ouvre ses horizons vers l'universel et nous plonge dans un monde de traditions et de modernité à la fois. Kai Uwe Faust, chanteur, percussionniste et tête pensante du groupe nous parle de ce nouveau rituel à paraître.
 

Vous avez un nouvel album qui est sur le point de sortir. C'est le troisième pour HEILUNG et il s'intitule « Drif ». Ce qui le caractérise est son ouverture sur le monde et les civilisations qui le peuplent...
En effet, ce qui nous caractérise, ce sont bien sûr les pays du Nord. Mais quand on les regarde, on se rend compte qu'ils ne vivaient pas une vie isolée du tout. Déjà à l'Âge de Bronze, on peut constater que les Nordiques voyageaient et on retrouve des vestiges d'objets probablement fabriqués en Chine à cette époque, en Allemagne. On retrouve aussi beaucoup de tissus venant de l'Est dans les tombes de l'Age viking. On retrouve des morceaux de verre venant de ce qui est la Syrie aujourd'hui en Suède dans le Gotland. On retrouve aussi des tonnes de pièces arabes dans les tombes vikings. Ces peuples étaient donc très curieux et faisaient du commerce avec l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Angleterre, l'Irlande et même l'Amérique et le Canada. HEILUNG ne peut donc pas se limiter au Grand Nord.

En même temps, votre musique est très fédératrice. Elle peut être le lien entre tous ces peuples...
Exactement. Je viens d'une discipline qui s'appelle "le chamanisme de base" qui s'intéresse justement aux similarités qui existent entre les différentes civilisations et les cultures anciennes autour du monde et qui nous apprend qu'en fait on est tous connectés !

Comment composez-vous vos chansons ? Est-ce un gros travail de recherche pour les rendre authentiques et modernes à la fois ?
Nous vivons dans le 21e siècle, même si notre sang vient de nos ancêtres et que du viking coule dans nos veines. La recherche est assez naturelle pour moi. Je suis ce qu'on peut appeler un rat de bibliothèque et je passe le plus clair de mon temps libre à lire les milliers de livres que je possède. J'achète beaucoup de livres dès que je suis près d'une librairie. Je passe aussi du temps sur Internet car beaucoup d'ouvrages y sont scannés, même si les plus vieux n'y sont pas. Il y a donc toujours ce pont entre l'ancien et le moderne et ce point entre les membres d'HEILUNG eux-mêmes. Par exemple, j'aime tout ce qui est vieux et Christopher (Juul, au chant et percussions) est un as dans tout ce qui est nouvelles applications et il s'intéresse à l'espace, par exemple. On se complète en fait, nous sommes dans une belle émulation.


Comment expliques-tu que les gens soient si passionnés par les anciennes traditions, les Vikings par exemple. C'est devenu presque une mode. Est-ce un besoin de revenir à l'essentiel ?
Oui, c'est sûr. Chaque personne a ce besoin de savoir d'où elle vient. Ceux qui ont été adoptés ont ce sens très développé de recherche de leurs origines mais tout le monde aime ce sentiment gratifiant de connaître ses origines. Pour moi c'est très simple, je viens d'une vieille famille allemande qui n'a jamais vraiment bougé mais pour beaucoup c'est plus complexe. Par exemple, quand tu viens d'Amérique, il y a un immense pas à faire pour retrouver tes ancêtres, à moins que tu ne sois un natif. Pour ces personnes, il est très important de revenir à l'endroit de leurs racines, au moins en visite. J'aime cette recherche, j'aime ces cultures et leur art. C'est très joli.

Qui s'occupe de l'aspect visuel d'HEILUNG qui prend une grande place dans votre identité. On vous reconnaît au premier regard, vous devez donc soigner votre apparence. Chaque détail doit être réfléchi, non ?
Oui, c'est essentiel. En ce qui concerne les pochettes de nos albums, je commence par faire un dessin traditionnel sur papier, puis on le scanne et Christopher s'occupe de le mettre en forme avec Maria (Franz, chanteuse et percussionniste). On s'occupe vraiment tous les trois de l'aspect visuel et mon dessin de base passe par le monde digital pour en faire quelque chose d'unique et de symbolique. Même en termes d'apparence, nous nous complétons. Dans le monde artistique, tu peux soit coopérer, soit entrer en compétition. Nous avons choisi la coopération. Pour rester le plus riche possible, on a besoin de coopérer. Chacun doit s'éloigner un peu de son ego, on fusionne nos idées et nos pensées pour en faire quelque chose de beau. Nous sommes une réelle unité.

Les chansons de l'album sont assez différentes les unes des autres : "Urbani" par exemple est très ritualiste, "Nesso" est très atmosphérique, "Nikkal" est peut-être plus accessible et fédératrice. Toutes ces atmosphères rendent l'album vivant...
Oui, tu as bien résumé de qu'est l'album. « Drif » signifie "rassemblement" et c'est vraiment ce qui est reflété par les morceaux. Chaque chanson vient avec son propre message, avec sa propre atmosphère et son portail vers un autre monde et elle vit par elle-même. Mais toutes ensemble forment un tout et une union qui finalement est le message d'HEILUNG.

Il y a d'ailleurs un titre qui sort du lot, "Keltentrauer", qui est plus une histoire racontée qu'une chanson. Peux-tu nous en dire plus sur cette particularité ?
Chaque album d'HEILUNG a un apport poétique conséquent et c'est le cas avec "Keltentrauer" qui est une allégorie pour les Celtes. Cela vient du fait qu'on se base sur nos racines et certains poèmes que tu peux entendre aujourd'hui ont été écrits il y a vingt ans. Je les ai écrit autour d'un feu de camp et quand je les récitais, les gens autour de moi adoraient. Quand j'ai déménagé d'Allemagne, mes poèmes leur ont manqué et ils m'ont demandé si je ne pouvais pas enregistrer ma voix et leur envoyer. C'est ce qu'on a fait avec Christopher et on les ressort aujourd'hui.

Qu'est-ce qui t'inspirait à l'époque où tu écrivais ces poèmes ?
Eh bien je vivais en Allemagne au pied d'un ancien fort gallo-romain, donc l'histoire y était très présente. J'étais donc très inspiré pour écrire des poèmes à propos des Celtes et des Romains. Etre sur ces terres me parlait.

Est-ce que c'était un moyen pour toi de t'échapper de la réalité ou de la modernité ?
Non, pas vraiment. Je me sens très confortable dans mon époque et dans la réalité. C'était plus un moyen de rendre la réalité plus concrète ou de me déconnecter afin de gagner de l'énergie pour les batailles quotidiennes. Je n'ai jamais voulu m'évader de la réalité car de toute façon, ce n'est pas une solution. C'est même pire. Mais je n'ai pas envie d'être en action tout le temps, d'être en ligne tout le temps, d'être efficace tout le temps. C'est important de se ressourcer et pouvoir ensuite être pleinement conscient des chose à faire et des enjeux.

« Drif » est un album assez long, d'une heure avec neuf titres. Comment l'avez-vous enregistrés ? En une seule fois ? En studio ? Dans la nature ?
Notre chance est que nous avons accès au studio d'enregistrement quand on veut. Notre local de répétition est en même temps notre studio. On a donc passé 200 jours en studio, sans parler des enregistrements en extérieur ! Mais on avait le temps puisque c'était pendant la pandémie et on a décidé d'utiliser cette contrainte comme un bienfait. On était donc très détendus, sans contraintes. Et on a pu vraiment utiliser toutes les facettes de nos instruments.

Est-ce que vous les fabriquez vous-mêmes ?
En partie oui. J'adore construire des tambours mais tous les trois, nous nous complétons aussi et d'ailleurs les peintures de nos tambours sont réalisées avec nos trois sangs. Il y a des instruments qui sont extrêmement difficiles à construire, il faut de l'expérience. Mais nous avons du temps et du courage. Et je dois dire que Maria est admirable en ce sens. Elle passe des heures à construire ses instruments jusqu'à ce qu'ils sonnent parfaitement et apprend à en jouer pendant des heures pour en tirer le meilleur. Le succès arrive avec le travail et la patience et c'est très gratifiant mais Maria est très humble, donc elle ne se vante pas de ses réussites.

La plus grande victoire doit être celle des visages de vos fans lorsque vous jouez live, non ?
Oui, c'est magique. Même si je suis très concentré sur scène, je ressens toute la puissance de ces moments de partage. Quand j'ai commencé, j'ai enregistré mes poèmes et pressé peut-être 20 ou 30 CD, alors voir aujourd'hui tous ces gens intéressés par ce que nous faisons, c'est génial. C'est très spécial et au-delà de tout ce que je pouvais rêvé. Et si rapidement. C'est incroyable ! "Heilung" veut dire "guérison" donc nous portons une sorte de message, comme si nous étions en mission. Et je suis toujours impressionné de voir que les gens nous suivent et se sentent impliqués, comme si ce message était demandé ou attendu. C'est rassurant. On utilise des sons qui sont censés apaiser les consciences et il semble que cela fonctionne. D'ailleurs, si tu regardes le caractère chinois pour "musique" et celui pour "guérison", ils sont presque identiques, c'est très symbolique je trouve et montre bien notre intention.

Merci pour ce moment que vos fans apprécieront...
Ce que je veux juste dire à nos fans et aux lecteurs de HARD FORCE, c'est un grand MERCI ! Merci de nous soutenir, de venir à nos rituels, nous envoyer tout votre amour. Restez en bonne santé et surtout, restez joyeux. A très bientôt.
 

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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