17 juillet 2022, 23:59

PEARL JAM

@ Paris (Lollapalooza - Hippodrome de Longchamp)


Dire que PEARL JAM se fait rare en France est un doux euphémisme. En effet, son dernier passage avait eu lieu dans notre capitale en septembre 2006 au Palais Omnisports de Paris Bercy. Depuis, plus rien et on pouvait légitimement lui en vouloir, surtout lorsque l’on prenait le temps de regarder son parcours européen sur les tournées qui ont eu lieu ensuite. L’ensemble de nos pays limitrophes était à chaque fois visité, au grand dam des fans, exception faite avec le Main Square d'Arras en 2010 et 2012... Mais en ce dimanche 17 juillet 2022, cette "faute" allait être absoute par un public venu en masse applaudir ce groupe ô combien prépondérant de la scène grunge des années 90 et qui a, depuis, fait largement son chemin pour s’affirmer comme l’un des plus éminents du rock et une formation scénique absolument imparable (cf. le live « Let’s Play Two » disponible en audio et vidéo, paru en 2017, où le groupe joue à Chicago, sa ville de cœur).

Prévus initialement à l’affiche en 2020, il aura donc fallu patienter deux ans de plus pour se regrouper autour de la Main-West de l’édition française de Lollapalooza, un festival créé pour mémoire par Perry Farrell, chanteur de JANE’S ADDICTION devant l’Eternel, et qui s’était produit sur scène lors de l’édition 2019 avec l’un de ses autres groupes, le Perry Farrell’s KIND HEAVEN ORCHESTRA, devant une audience indigne de son rang et talent (en fin de soirée, devant 30 personnes grand maximum, honteux). Mais il est à noter que la cause a pu en être attribuée à une programmation et un public qui ne sont pas ceux que l’on connaît d’habitude si on les compare à des Hellfest, Download et autre Motocultor qui ont plus naturellement droit de cité d’ordinaire dans nos reportages de concerts. Une affiche éclectique donc, fortement centrée sur la culture urbaine, pop, hip-hop et rock, respectivement dans cet ordre. On se rend donc à Lollapalooza avec entrain si l’on est un tant soit peu ouvert d’esprit musicalement, sachant que l’on trouvera de quoi nous plaire dans différents styles. J’ai de la chance, c’est mon cas !

Arrivant assez tard sur le site, et sans m’en plaindre vu la chaleur qui régnait sur cette étendue aride (on n’était pas non plus au bien-nommé Hellfest de cette année), direction les Main-East et West, ce qui me permet d’entrer dans le vif du sujet pour le début de la performance de la rappeuse américaine Megan Thee Stallion. Dans une tenue minimaliste et ultra sexy, elle va une heure durant contenter le public avec ses hits lors d’un show ultra carré. Je ne la connaissais pas mais j’ai parfois pensé à Mary J. Blige, une icône du rap américain, pour son charisme et son côté aguicheur sans rien sacrifier à la musique grâce à un flow assassin. Efficace. Ce fut ensuite au tour de MÅNESKIN, groupe rock italien vainqueur de l'Eurovision 2021, de s’emparer de l’autre scène principale. A l’image de la rappeuse citée précédemment, la bassiste et co-fondatrice du groupe, Victoria De Angelis, ne s’est pas encombrée d’une tenue de scène chargée et évolue dans une mini-robe très ajourée et sous-vêtements. Tout le contraire du son qu’elle sort de sa basse, massif, et qui fait s’éclipser le côté sexy pour que l’on s’attarde plutôt sur son talent. Elle et ses partenaires sont pour le moins remuants et donnent le ton, faisant adhérer les personnes venues les entendre malgré la chaleur écrasante. Entraînante, fédératrice, leur prestation va remporter cette fois l’adhésion des fans de rock qui sont sur le site.


Retour ensuite en terres hip-hop pour la venue de la star du jour dans ce style, A$AP ROCKY, autre rapper américain qui a explosé ces dernières années et qui arrive sur scène avec une production digne des plus grands groupes de heavy que nous connaissons (IRON MAIDEN pour n’en citer qu’un). Pour parfaire sa tenue de scène, celui-ci est affublé de seyantes lunettes. En moumoute. Verte. Après tout, pourquoi pas ? Immense structure gonflable sur scène, écrans géants projetant des images qui agrémentent les morceaux en plus du fait qu’A$AP ROCKY soit filmé avec des effets vidéo collant aux thèmes des chansons, flammes "à la RAMMSTEIN", pluie de confettis sur le final, le tout sur des beats solides et gorgés de basse, du genre qui enfoncent bien le plexus. Votre serviteur étant d’une autre époque, plus old-school, et ayant été biberonné au son des N.W.A., PUBLIC ENEMY, CYPRESS HILL et WU-TANG CLAN, je n’en apprécie pas moins la relève, bien que l’on évolue ici sur un large terrain (je ne parle pas de l’Hippodrome bien sûr) que n’ont jamais conquis les groupes précités. C’est donc tout à son honneur de lui reconnaître un talent affirmé, doté d’une voix qui n’a pas fait défaut pour un show à l’américaine et qui a bénéficié, qui plus est, d’un son parfait.

Au vu du nombre de T-shirts à leur effigie sur le site, on se doute bien que les héros du jour ne sont autres que les membres de PEARL JAM et le public était donc pour cette édition largement contrasté de par la foule venue les voir. Au niveau de l’âge moyen, là encore nous n’évoluons plus dans la même sphère et on appréciera, au gré des déambulations sur le site, le nombre conséquent de quadras et de quinquas arborant T-shirts d’ALICE IN CHAINS, METALLICA, IRON MAIDEN et autres souvenirs vestimentaires délavés issus d’une autre époque, des groupes typiquement metal parfois donc, un décalage vestimentaire drastique mais aussi démographique avec le reste des festivaliers, qui se situe globalement autour de la vingtaine avec une très large frange féminine, version fashion-victim. Nombreux sont ceux venus se masser devant la Main-West lorsqu’à 21h35, après une introduction au son de "The Greatest", chanson de Cat Power, les musiciens montent sur scène sous une ovation légitime tandis que la chaleur redevient supportable afin d’en faire monter une toute autre sur les planches. Bien qu’au nombre de sept dans la formation actuelle, le récent embauché Josh Klinghoffer, ex-guitariste de RED HOT CHILI PEPPERS, et Kenneth "Boom" Gaspar ne seront pas présents sur scène en permanence, disparaissant au gré des titres sur lesquels leur présence n’est pas requise, et on se concentrera sur le noyau dur du groupe originaire de Seattle, le club des cinq en quelque sorte.

Inespéré d’entrée de jeu, "Why Go", premier extrait sur les six qui seront tirés de l’album « Ten », envoie le public directement sur orbite 90’s et j’ai une pensée pour ma consœur et amie avant tout, Sly Escapist, qui aurait dû être initialement présente, pour qui PEARL JAM signifie énormément. L’explosion est immédiate et la joie libératrice après tant d’années de disette. Les morceaux de ce disque feront d’ailleurs l’unanimité à l’applaudimètre ainsi qu’au niveau participation vocale du public et on n’oubliera pas de remercier le groupe de nous avoir régalés avec tous ces classiques. L’album « Yield » est le second de leur discographie ayant été mis à l’honneur alors que le dernier en date, « Gigaton », avec deux chansons seulement ("Dance Of The Clairvoyants" et "Who Ever Said", enchaînées) fera figure de laissé-pour-compte, toujours curieux lors d’une tournée de promotion mais logique lors de passages en festivals, les groupes en général privilégiant souvent le survol d’une carrière à l’interprétation de nombreuses nouvelles chansons. Au rayon nouveautés de la tournée, "Satan’s Bed" et "Go" font leurs débuts et, classiques toujours, sont reprises en chœurs et avec cœur par les fans. Le chanteur Eddie Vedder, après avoir pris soin de déboucher en début de set sa sempiternelle bouteille de vin, impressionnera deux heures durant par ses prouesses vocales, sa voix étant restée quasiment intacte malgré les années passées (tout juste ne force-t-il pas sur certaines notes aiguës). Entre susurrements rageurs et éclats lumineux, il module à l’envi et continue de forcer le respect. Côté interventions parlées, il se fendra d’une vive diatribe anti-Poutine et aura su également se montrer attentif aux mouvements dans la foule, n’hésitant pas à stopper "Given To Fly" pour résoudre un incident dans le public et s’assurer que la personne aille bien, avant que le groupe n’embraye à nouveau pour la terminer. Humanisme et professionnalisme.

L’autre héros de la soirée n’est autre que le guitariste Mike McCready, impérial et dans une forme éblouissante. Il aura gratifié l’audience de soli déments, notamment sur les versions à rallonge de "Even Flow", "Black" et "Alive" lors du rappel. Mais ce serait sous-estimer le plus discret Stone Gossard qui n’est pas sans rappeler Brad Whitford, "l’autre" guitariste d’AEROSMITH qui, lorsqu’il est mis en avant, remet les pendules à l’heure quant à sa présence (écoutez son solo sur des versions live de "Draw The Line" pour vous figurer). Enfin, les moments musicaux les plus émouvants viendront nous toucher au cœur pendant "Jeremy" et "Daughter", deux chansons aux paroles très dures (la première parle du suicide d’un adolescent au sein de son lycée et la seconde, d'une fillette rejetée par ses parents en raison de ses difficultés d'apprentissage), ce qui rendra toujours étonnant le fait de voir les gens danser dessus. Barrière du langage sans nul doute. La seconde moitié du concert aura également permis d’apprécier les jeux de lumière grâce à la tombée de la nuit, la scène s’étant notamment parée d’une magnifique couleur pourpre lors de l’interprétation de "Black", encore une fois une chanson où l’émotion noue la gorge.


Très porté sur le côté humain, Eddie Vedder expliquera entre deux titres que, bien que tous très heureux d’avoir pu repartir en tournée, l’absence de leurs familles et enfants leur pèse, et plus particulièrement en ce jour où le chanteur demandera d’applaudir le batteur Matt Cameron dont la fille fêtait ses 20 ans, loin de son musicien de père. Protégés drastiquement par leur équipe de tournée, PEARL JAM fait en effet le maximum pour que chacun n’attrape pas la COVID, et est donc cette fois parti avec les personnes de son équipe technique uniquement. Et puis enfin, on saluera la présentation des musiciens, toute en sobriété et effectuée un par un au long du set, qui au détour d’un titre, qui lors d’un passage bien senti. Pour conclure ces lignes et en revenir à la musique, fidèles à leurs habitudes, on aura eu droit à quelques reprises (avec un choix surprenant pour "Interstellar Drive" de PINK FLOYD intervenant presque en début de set et la plus courante "Baba O’Riley" de THE WHO pour clôturer ces deux heures intenses), mais aussi un extrait placé en catimini, "Waiting On A Friend" des ROLLING STONES accolée à "Wishlist", une constante chez PEARL JAM.

Selon la photo de la set-list publiée par le groupe sur sa page Facebook, ont été écartés les titres de l’éponyme « Pearl Jam » de 2006, "Wasted Reprise", "Life Wasted" et "Yellow Ledbetter" (bonus des sessions de « Ten »), tandis que l’on pouvait noter que la survoltée "State Of Love And Trust", "Superblood Wolfmoon" tirée de « Gigaton » et la délicate "Elderly Woman Behind The Counter In A Small Town" (« Vs. » en 1993) étaient prévues en tant qu’alternatives au cours du show. Dommage pour "State Of Love And Trust" qui aurait assurément embrasé le site et pour lequel les fans auraient livré leurs dernières forces dans la bataille. Alors que dire de plus d’une telle soirée de retrouvailles après presque seize années révolues de séparation ? Rien, à part un grand merci au groupe d’avoir enfin renoué des liens qui n’en sortent que renforcés à l’issue de ce concert et on lui saura gré de bien vouloir ne pas nous faire attendre autant de temps avant sa prochaine venue. Une chose est sûre, et PEARL JAM l’a démontré de la plus brillante manière : « Oh, I, oh, I'm still alive... »

Set-list

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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