13 août 2022, 13:57

THE GATHERING

Interview Silje Wergeland, Hans Rutten, Hugo Prinsen Geerligs & René Rutten


​Après son retour perturbé par la pandémie, THE GATHERING a réussi à enregistrer et finaliser son nouvel album « Beautiful Distortion ». Accompagné de l’EP « Interference » qui propose deux nouvelles chansons qui n’ont rien à envier à celles de l’album, le groupe a su de fort belle manière retourner la situation à son avantage. Associé au producteur Attie Bauw, THE GATHERING signe un onzième album remarquable. Nous nous sommes donc entretenu avec le groupe afin de mieux comprendre ce retour en force.


Tout d’abord, comment allez-vous après toutes ces années ?
Silje : C’est tellement bon d’être de retour et de se retrouver après deux ans et demi sans avoir mis ensemble les pieds sur scène.

Ce nouvel album marque non seulement le retour du groupe, mais aussi ton retour Hugo au poste de bassiste depuis 2018. Quel est ton impression sur ce chapitre après ton départ en 2004 ?
Hugo : Eh bien, si nous parcourons ces années, tu remarqueras qu’avec les membres du groupe nous sommes restés en contact. Concernant le groupe lui-même, nous avons réalisé ensemble le  live « TG25: Live at Doornroosje » en 2015. Mais il y a aussi des performances live comme quelques concerts aux Pays-Bas en 2012 avec le line-up de « Always... » qui marquaient les 20 ans de l’album. Sans oublier une tournée européenne sur laquelle j’ai remplacé Marjolein pendant deux semaines. Lorsque son départ a été confirmé en 2014, nous avions convenu que s’ils décidaient de redémarrer le groupe, ils me contacteraient afin de savoir si je serais disponible. Dans ce laps de temps, en marge du groupe, avec Bart et Bas de WISH, nous avons composé quelques chansons. (NDLR : WISH est le groupe que Bart Smits a formé avec le guitariste Bas van Der Kar). Avec Frank et Bart, nous avons aussi monté DEPECHE FAUX, un groupe de reprise de DEPECHE MODE dans lequel j’ai joué de la guitare, de la basse et du clavier, ce fût une expérience intéressante qui m’a aussi été très utile. Maintenant, il est vrai que contrairement aux autres, ces quinze années d’absence me laissent un sentiment ambivalent où je me sentais à la fois très familier et étranger. Par conséquent, si je ne suis pas tout à fait le nouveau bassiste, il m’a tout de même fallu retrouver ma place dans le processus de d’écriture. Néanmoins, lorsque nous commençons à jouer ensemble nous retrouvons facilement nos automatismes.
 

"La différence cette fois-ci sont les années que nous avons passées ensemble et le fait que nous nous connaissons musicalement mieux" - Silje Wergeland


Silje, à cause de la crise sanitaire, tu t’es retrouvée à devoir enregistrer seule « Beautiful Distorsion » chez toi à Bergen. Si on repense aux sessions de l'album « West Pole », la situation n’a peut-être pas été si différente pour toi non ?
Silje : En pratique, cela n’a en effet pas été si différent de d’habitude car je travaille mes lignes de chant, les mélodies et les paroles seules sur la base des versions instrumentales. J’enregistre aussi de moi-même au Royaume-Uni ou à Bergen. La différence cette fois-ci, ce sont les années que nous avons passées ensemble et le fait que nous nous connaissons musicalement mieux. Cela nous permet d’avoir des idées plus précises sur la manière dont nous pouvons travailler ensemble. Cette fois, j’ai pu travailler avec un technicien en studio et un producteur à distance. Le fait d’avoir travaillé avec d’autres producteurs ici à Bergen, notamment ceux de « Disclosure », m’a aussi beaucoup appris et j’ai pu réaliser de bien meilleures pré-productions des chansons que ce que j’ai pu faire auparavant.


Nous imaginons que vu le dynamisme de la scène musicale de Bergen, tu avais l'embarras du choix concernant le studio. Quelle est donc la raison qui t’a amenée à choisir le Lydstudio ?
Silje : Tout d’abord, parce que plusieurs bons enregistrements y ont été réalisés par le passé. Ensuite, il était nécessaire de travailler avec un ingénieur du son efficace et professionnel, qui pourrait le faire à distance avec Attie aux Pays-Bas.

Il semble que ton compagnon Mads Lilledvedt a participé au processus d’enregistrement. Quel a été son rôle ?
Silje : Mads est très impliqué dans la production de SAHG et dans la pré-production de ses autres groupes, mais il n’est pas officiellement producteur. Comme je te le disais précédemment, j’ai effectué un certain nombre de pré-productions et avec Mads, nous avons travaillé à la maison sur les titres "Stronger" et "On Delay".

Le processus de composition a-t-il commencé en 2018 lorsque vous avez fait votre retour sur scène ?
Silje : Bien avant cela en fait, si mes souvenirs sont bons, "When We Fall" date de 2010.

As-tu attendu d’avoir la musique pour écrire les chansons, comme pour « West Pole » ?
Silje : cela dépend, il n’y a pas de schéma prédéfini en réalité, c’est une question de ressenti. Pour certaines, j’ai en effet commencé l’écriture avant d’avoir la musique et pour d’autres ça a été plutôt un travail d’adaptation.

Quels sont tes sources d’inspirations pour les paroles ? As-tu écarté certains sujets ?
Silje : Mes sources d’inspirations sont multiples. Même s’il est plus facile pour moi d’écrire à propos d’expériences personnelles, qu’elles soient réelles ou romancées, elles peuvent évoquer le vécu d’autres personnes ou simplement concerner celui des membres du groupe. Les sujets que j’aborde sont en partie liés à l’atmosphère de la chanson. Comme j’écris ce qui me passe par la tête, j’ai par conséquent des textes qui n’ont pas été utilisés pour cet album.

Le titre "We Rise" semble bien illustrer ce processus, car tu nous avais dit avoir laissé la musique infuser dans ton esprit avant que la ligne de chant ne te vienne naturellement. Peut-on dire en définitive qu’il est important que les paroles soient en phase avec la mélodie vocale et la musique ?
Silje : Absolument ! Même si j’ai toujours des mélodies en tête que j’enregistre sur mon téléphone, c’est principalement quand j’entends les chansons plus ou moins finalisées avec le couplet, le refrain et le pont que je travaille pour que la musique, la mélodie du chant et les paroles forment un tout.

René nous a expliqué avoir composé "We Rise" pendant les moments les plus sombres de son existence et tu as précisé que les paroles étaient aussi très sombres évoquant une relation délétère. Cependant, la fin de la chanson débouche sur une lueur d’espoir. D’une certaine manière, les paroles font écho à "Heroes For Ghosts". Si on peut facilement imaginer à quels moments sombres René fait référence, est il important selon toi que cela débouche sur quelque chose de positif ?
Silje : Eh bien oui ! Comme nous pouvons l'entendre, la fin de la chanson propose un changement d’atmosphère et il était donc important que les paroles retranscrivent cela. L’histoire dit aussi que même dans nos moments les plus sombres, lorsque tout est absolument noir, si nous cherchons bien au fond de nous même, nous savons qu’il y aura une lumière qui transparaîtra à un moment donné, dont il en ressortira quelque chose de positif, même si cela peut être difficile à imaginer.

En tant que musicienne, as-tu simplement travaillé sur les chansons que le groupe t’a soumis ?
Silje : Concernant les chansons de l’album toutes mes contributions ont été intégrées, mais j’ai en effet quelques autres chansons et aussi introductions qui n’ont pas été utilisées.

Le côté tribal de "Weightless" n’est pas sans rappeler le groupe français SKALD et l’univers des groupes nordique dans la lignée de WARDRUNA. Cet univers t’a-t-il inspiré pour l’écriture de ce titre ?
Silje : Ce sont en effet des groupes que j’apprécie, mais pour être honnête, aucun d’entre eux ne m’a inspirée. C’est surtout, la chanson qui m’a inspirée en allant puiser dans une approche plus pop ou electro avec en arrière plan une touche de mon influence jazz.

Par opposition à "We Rise", "Pulse Of Life" commence sur un rythme entraînant. Pourtant cette chanson est sombre. Elle évoque le parcours difficile d’une personne qui s'épuise et donne l’impression, à la fin de la chanson, d’être dans une sorte de burn out. Y a-t-il une raison ?
Hugo : Non pas du tout ! "We Rise" a été écrite par René, tandis que "Pulse Of Life" l’a été par moi. Les contextes dans lesquels elles ont été écrites sont complètement différents. Elles n’ont donc aucun lien entre elles. Les paroles ici évoquent l’histoire d’une personne coincée dans une sorte de trou noir, une spirale où elle souhaite faire tout ce qu’il est possible pour soutenir les personnes aimées, ce qui l’amène à basculer personnellement dans la dépression et ne plus pouvoir prendre soin comme elle le souhaite de ces personnes. C’est ce type de situation qui vous étouffe qu’évoque "Pulse Of Life".

Abordons à présent l’aspect musical de l’album. Si l’utilisation des claviers est évidemment prédominante dans la musique de THE GATHERING, nous pouvons entendre à plusieurs reprises l’utilisation d’un piano. Etait-ce un choix initial pendant le processus de composition ou est-ce la présence de cet instrument en studio qui vous a incité à l’utiliser ?
Hugo : Le piano est un bel instrument dont la plupart des studios sont équipés. D’ailleurs, il me semble qu’il n’y ait pas un seul album de THE GATHERING où il n'y ait pas du piano. Pour « Beautiful Distortion », toutes les idées avec cet instrument étaient déjà présentes à l'issue du processus d’écriture et nous les avons refaites intégralement en studio. Mais, en effet, pour cet album il a été utilisé sur plusieurs chansons.

Lorsqu’on regarde les contributions, on constate que René et toi avez joué un rôle de multi-instrumentistes. Dans ton cas, Hugo, tu as bien évidemment tenu la basse, mais aussi joué de la guitare, du piano, des claviers et aussi réalisé des percussions. De son côté, René a lui aussi enregistré des percussions et joué des parties de claviers...
Hugo : Ce sont les circonstances qui nous ont amené à nous adapter. Comme je te le disais précédemment, mon rôle de multi-instrumentiste dans DEPECHE FAUX, m’a été utile. Dans ce contexte de pandémie, le processus de composition a été très fragmenté et lorsque nous avons commencé l’écriture, nous savions que la plupart du temps nous devrions travailler sans Frank. Nous avons aussi beaucoup travaillés seuls, isolés chez nous, en nous envoyant des fichiers audio. Lorsque vous êtes équipés des bons outils et que vous disposez de certaines compétences, vous pouvez passer d’un instrument à l’autre et aborder ainsi une chanson sous différents angles. Nous avons donc utilisé cette contrainte comme une option positive. Au final, une grande partie de ces enregistrements personnels se retrouvent dans les versions finales.

« Beautiful Distortion » se termine avec un titre apaisant. Après l’écoute d’un album qui l'aura bouleversé, il n’est pas rare que l’auditeur regrette que ce soit déjà terminé, et il est excité de vouloir recommencer. Ici, avec "On Delay", l'auditeur se sentirait plutôt comme apaisé, souhaitant préserver cet instant... Une sorte de moment suspendu comme à la fin d’une séance de yoga...
Hans : Nous n’avons pas pensé cet album comme une sorte de leçon de yoga. Par contre, nous avons beaucoup échangé pour trouver le bon enchaînement et nous nous sommes aperçu que "On Delay" fonctionnait parfaitement comme dernière chanson. Ce n’est en effet pas une fin épique ou énorme, comme nous l'avons fait dans le passé, mais je me souviens qu'avec "Shrink", nous avions également terminé « Nighttime Birds » d'une manière plus douce. C’est donc juste une séquence qui a bien fonctionné.
 

"Je pense que « Beautiful Distortion » est plus dense, cohérent et solide. Silje y brille d’ailleurs plus que jamais" - Hans Rutten


Concernant la durée de l’album, tu as dit vouloir te limiter à 50 minutes. Pourquoi cette durée ? Qui au final a nécessité l’exclusion de "Stronger" et "Disconnect" que l'on retrouve sur l’EP « Interferences » ? Est-ce Attie Bauw qui vous a suggéré de respecter cette durée ?
Hans : Non, Attie n’y est pour rien dans cette décision. La principale raison était que l’album puisse tenir sur un vinyle car c’était important pour nous. Comme "Stronger" a été terminée après les sessions d’enregistrement et qu’il sonnait aussi de façon différente, ajouté au fait qu’il nous restait du matériel non utilisé, il nous est apparu pertinent d’en faire un EP.

Penses-tu que « Beautiful Distortion » représente une belle synthèse de l’univers musical de THE GATHERING et votre meilleure réalisation à ce jour avec Silje ?
Hans : Même si j'aime bien aussi « The West Pole » et « Disclosure », je pense que « Beautiful Distortion » est plus dense, cohérent et solide. Silje y brille d’ailleurs plus que jamais. Quoi qu’il en soit, chaque album représente ce que nous sommes, ce que nous faisons, en quoi nous croyons et ce que nous sommes capables de faire au moment où nous le sortons.

Ce qui est remarquable avec « Beautiful Distortion », c’est qu’il est le troisième album qu’Attie Bauw produit pour en faire un incontournable du groupe. Peut-on dire qu’Attie est une sorte d’alchimiste ? Le producteur qui comprend le mieux l’esprit de THE GATHERING au point d’être capable de tirer le meilleur d’entre vous ? 
Hans : Oui, tout à fait ! En plus d’être notre ami, il est aussi notre alchimiste. J’aime bien cette comparaison car il ressemble un peu à un alchimiste (sourires). Il nous comprend totalement, sait ce qui fonctionne, ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Avec lui nous nous sentons totalement libres de laisser cours à notre créativité. Il trouve aussi toujours de bonnes idées et donne à l’ensemble un son incroyablement transparent dans lequel vous pouvez entendre chaque détail. Travailler avec lui est toujours un plaisir. Il est important pour le son de THE GATHERING et ses productions sont intemporelles. Il suffit d’écouter « How To Measure A Planet? » qui n’est pas un produit spécifique de cette période. Il sonne toujours de manière aussi parfaite et croustillante.

Pour cet album, tout le monde semble avoir été impliqué dans la composition. Est-ce que ça signifie que chacun a apporté des idées que vous avez développées ensuite ensemble ou que vous avez travaillé sur la base des compositions de Frank et René ?
Hans : Bien que René et Frank soient les principaux compositeurs du groupe, Hugo est venu avec quelques démos dont faisait partie "Pulse Of Life". Toutefois la plupart du temps, c’est un processus collectif. Nous travaillons ensemble sur la base de démos brutes en nous envoyant des idées de paroles et de lignes de chant, des rythmes de batterie, des arrangements... Nous travaillons ainsi sur la chanson jusqu’à ce que tout le monde soit satisfait du résultat. Cela signifie que parfois nous avons beaucoup de discussions avant d’arriver à un résultat parfait pour nous. Lorsqu’un titre arrive en phase de finalisation, mais qu’il faut trancher sur la version définitive, c’est en studio avec Attie que nous prenons la décision. C’est une façon de travailler qui a nécessité du temps et beaucoup de réflexion.

Pourquoi avoir utilisé plusieurs studios pour l’enregistrement ? Est-ce toi René qui a coordonné l’ensemble ? Comment s’est organisé le travail avec Attie ?
René : En fait, nous n’avons pas utilisé tant de studios que cela. La batterie, la basse, les guitares et tous les claviers tels que Hammond, Fender Rhodes, Wurlitzer et le piano ont été enregistrés à Volendam. Les voix à Bergen et le mixage à Amsterdam. Cela ne fait donc que trois studios. Quelques enregistrements ont aussi été réalisés à la maison, mais c’était pour faire des maquettes. La coordination de l’ensemble a été réalisée par Attie. Avec le COVID qui s’est invité au milieu du processus, cela n’a pas été un travail facile.

Avec ce nouvel album « Beautiful Distortion » et l’EP « Interference » ce sont dix nouvelles chansons que vous proposez. Si nous considérons les deux précédents albums, vous disposez d’assez de chansons pour vous produire en live avec une set-list entièrement composée de chansons de Silje. Envisagez-vous de le faire ?
René : Ne pas jouer d’anciens morceaux serait du gaspillage. Nous continuerons donc à intégrer des anciens titres dans nos set-lists.

En septembre, vous devriez enfin pouvoir faire la tournée sud-américaine qui était prévue à l’automne 2020 puis reportée. Y jouerez-vous la set-list auto-reverse de vos 30 ans de carrière ou s'agira-t-il d'une nouvelle sélection incluant des nouvelles chansons ?
René : Deux années se sont écoulées et nous avons un nouvel album, il est donc impossible de ne pas revoir la set-list afin d’y inclure des chansons de « Beautiful Distortion ».

Pouvons nous espérer une tournée européenne bientôt ?
René : Non seulement vous pouvez, mais je l’espère mondiale !
 

Blogger : Bruno Cuvelier
Au sujet de l'auteur
Bruno Cuvelier
Son intérêt pour le hard rock est né en 1980 avec "Back In Black". Rapidement, il explore le heavy metal et ses ramifications qui l’amèneront à devenir fan de METALLICA jusqu'au "Black Album". Anti-conformiste et novateur, le groupe représente à ses yeux une excellente synthèse de tous les styles de metal qui foisonnent à cette époque. En parallèle, c'est aussi la découverte des salles de concert et des festivals qui le passionnent. L'arrivée d'Anneke van Giersbergen au sein de THE GATHERING en 1995 marquera une étape importante dans son parcours, puisqu'il suit leurs carrières respectives depuis lors. En 2014, il crée une communauté internationale de fans avant que leur retour sur scène en juin 2018 ne l'amène à rejoindre HARD FORCE. Occasionnellement animateur radio, il aime voyager et faire partager sa passion pour la musique.
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