12 août 2022, 9:00

HOLLYWOOD UNDEAD

Interview Jorel "J-Dog" Decker


HOLLYWOOD UNDEAD sort son 8e album, « Hotel Kalifornia ». A contrepied des deux volumes de "New Empire" qui étaient le terrain de jeu d'une multitude de guests, ce nouveau disque est celui d'un groupe qui s'est retrouvé face à lui-même et sa propre créativité dans un contexte pandémique complexe et, riche de ses expériences et toujours d'un éclectisme de styles - entre rap, punk, rock, alternatif et metal -, a su déployer une production on ne peut plus personnelle, comme nous le raconte son chanteur J-Dog avec sa franchise proverbiale.
 

Alors, J-Dog, j'imagine qu'avec un tel titre d'album, tu m'appelles de Los Angeles actuellement pour assurer la promo ?
Eh bien non ! Là, je me trouve dans une petite ville du Midwest, mais qu’est-ce qu’il fait chaud ! J’avais besoin de m’éloigner un peu de la foule. De m’isoler...

Tu ressentais le besoin de faire un break avant la vraie reprise ?
En quelque sorte, même si hier encore, nous étions en train de mettre une touche finale à un clip. Donc, je suis tout de même très occupé.

Parlons de ce nouvel album et commençons par son titre justement. « Hotel Kalifornia », avec un "K" : c'est censé être un croisement hybride entre la bande son du film de Dominic Sena et l'album des EAGLES ?
Non, non ! Il ne s’agissait pas de sonner comme l’album culte des EAGLES, que ce soit bien clair, pas la peine d'induire les auditeurs en erreur. Et ce n’est pas non plus une faute d’orthographe (rires). Le « K » renvoie à un lieu commun typique de chez nous. Un peu comme la manière de parler des gangs, mais sans s’en revendiquer non plus. Dans notre argot, plus jeunes, nous avions l’habitude d’habiller nos phrases pour leur donner un rendu plus cool. Si tu prends par exemple le mot « Caroline », tu l’épelles « K-a-r-o-l-i-n-e ». C'est le langage de la rue. Tu saisis la démarche ?

Oui. C’est une figure de style.
Exactement ! C’est notre façon de faire. Une habitude. Ça renvoie à notre jeunesse. C’est un clin d’œil, car le contenu de l’album y fait également référence.

La présentation initiale de votre album, renforcée par le visuel de la pochette d'« Hotel Kalifornia », évoque un disque traitant "de la crise actuelle des sans-abri et du coût de la vie qui affecte l'Etat de Californie". Pour autant, il ne se résume pas complètement à cela...
Oui, il y a un peu de tout. Il faut savoir que nous avons travaillé cette fois avec différents producteurs (Erik Ron connu pour ses collaborations avec PANIC! AT THE DISCO, GODSMACK, Andrew Migliore qui a travaillé avec Sueco et Grandson et WZRD BLD, réputé pour ses prod sur Lil Wayne et BULLET FOR MY VALENTINE NdlR), contrairement à « New Empire ». La situation mondiale a aussi bien changé. Les chansons sont complètement différentes les unes des autres. Certaines parlent de notre enfance, quand nous traînions dans les milieux peu recommandables, des histoires aussi de cœur brisé... ce genre de merde (rires) que j’aime beaucoup entendre chez d’autres groupes. Sauf que moi, j’espère y mettre plus de sincérité dans le rendu. Il y a de tout, des thèmes sérieux et du plus léger. Nous avons même cette nouvelle chanson, « Wild In These Streets », que je dédie spécialement à Paris. C’est un clin d’œil aux rave parties sauvages dans les catacombes. J’avais lu un article là-dessus et j’avais trouvé ça totalement dingue !

Avec le temps, vos chansons paraissent toujours un peu plus autobiographiques. Quelle part d'eux-mêmes les membres de HOLLYWOOD UNDEAD mettent-ils dans un album comme celui-ci ?
Nous avons beau exister maintenant depuis un bon moment, nous sommes plus impliqués que jamais. Contrairement à nos débuts, plus hasardeux, nous avons mûri, pris de l’expérience : il y a plus d’égos présents dans la pièce au moment de l’enregistrement, mais aussi plus d’écoute et de maîtrise de ces égos. Plus personne n’arrive avec sa chanson toute prête et la défend bec et ongles comme il y a quelques années. Nous composons ensemble et, à tour de rôle, chacun apporte sa pierre à l’édifice. C’est plus constructif, ça participe au processus d'amélioration de notre musique. Nous sommes comme les vins et les fromages, nous nous bonifions d’album en album (rires). Et puis, je pense que, l'âge aidant, nous n'hésitons plus à remettre nos certitudes en question. Nous sommes davantage curieux et ne voulons pas devenir des connards prétentieux (rires). En tentant sincèrement d'être meilleurs et de ne pas nous reposer, ni sur nos lauriers, ni sur nos acquis, je dirais que nous sommes devenus plus honnêtes. Dans le processus d’écriture, nous préférons y mettre une grande part d'introspection. Et cette identité qui nous est propre nous connecte encore plus à notre public.

Donc, vous explorez, mais vous ne révolutionnez pas votre style avec de nouvelles influences...
Non, c'est ça... pas directement.
 

"L'âge aidant, nous n'hésitons plus à remettre nos certitudes en question.
Nous sommes davantage curieux et ne voulons pas devenir des connards prétentieux. En tentant sincèrement d'être meilleurs et de ne pas nous reposer sur nos acquis, je dirais que nous sommes devenus plus honnêtes."


Sur les « New Empire, Vol.1 » et « Vol.2 », il y avait  la présence d’une grosse brochette de guests (membres de PAPA ROACH, ICE NINE KILLS, TECH N9NE, etc…). Ce n'est pas le cas sur « Hotel Kalifornia ».
Non, pas sur cet album. La principale raison en est le Covid. C’était impossible avec les confinements et les restrictions de convenir de se retrouver en studio. Il fallait envisager des tests et je te laisse imaginer les complications. Nous avions déjà assez de mal à réunir tous les membres du groupe dans une même pièce. 'Hotel Kalifornia", c'est donc un album 100% HOLLYWOOD UNDEAD dans lequel tous les membres du groupe se sont impliqués à fond, et dans chaque titre. On a connu dans le passé des périodes où, sur un morceau, seuls deux ou trois musiciens participaient véritablement. Cette fois, tout le monde était dans le coup. C'est vraiment un album qui nous a réunis. Seuls avec nous-mêmes.

  


Tu mentionnais un processus d’écriture très décomplexé. Néanmoins, on a tout de même envie de savoir comment vous vous sentez après ces deux années de restrictions à cause de la pandémie ?
Oh, ça a été une période indiscutablement merdique sur le plan général, mais concernant HOLLYWOOD UNDEAD, nous avons décidé de ne pas passer notre temps à jouer à la console, contrairement à d’autres groupes. Pour nous, ce n’était pas des vacances forcées, mais plutôt l’occasion inespérée de partager nos idées et de les mettre en commun, de rassembler notre énergie et d’être prêts à repartir dès que ce serait possible. Comme je le disais, cela a facilité l’écriture et l’enregistrement de l’album. J'oserais presque dire que c’était facile, du coup.

Quels sont les titres de cet album que vous allez particulièrement pousser en live en les intégrant à votre setlist ?
D'emblée, je dirais qu'on compte absolument jouer "Hourglass". Tu sais, nous avons grandi dans le milieu musical punk. Il y avait cette débauche d’énergie incroyable qui nous a animés. Les performances live de ce milieu, les circle-pits, les mosh-pits, tu te souviens certainement, ça nous a largement influencés et ce titre restitue complètement cet esprit.

Je dois t'avouer qu'à l'écoute de cet album, c'est exactement ce que je me suis dit : quelle incroyable connotation punk !.
Tu vois ! C'est tout à fait ça. C’est dans cette atmosphère et cet univers que nous avons grandi. Nous allions aux shows des CASUALTIES, de GREEN DAY, … partout où il y avait un concert punk, tu nous y trouvais. C’était bien avant les téléphones portables et les réseaux sociaux. Si tu n’étais pas dans la rue ou aux concerts, tu étais chez toi à la maison à te faire chier. Alors, nous étions tout le temps dehors ! En écrivant cet album, nous sommes redevenus ces gamins qui sortaient, dansaient et s'éclataient dans ces concerts punk. Ces sentiments ont rejailli dans les compositions. Tu vois ce que je veux dire ?

Tout à fait ! Quels autres titres peuvent avoir la primeur du live ?
"Chao", "Trap Good", "City Of The Dead" … difficile à dire, pour l'heure. Comme je te disais, nous avons travaillé avec différents producteurs et fait cohabiter pas mal d’influences, hip hop, low-fi, metal énervé à la SLIPKNOT. C’est dur d’établir une setlist, tant les chansons sonnent complètement différentes les unes des autres. On n’est vraiment pas dans la configuration des « New Empire » qui avaientt une certaine régularité. J’adore la diversité de « Hotel Kalifornia » et c’est en cela une belle réussite. Nous sommes de retour au meilleur de ce que nous sommes. Nous nous sommes réellement retrouvés. Nous étions tous dans la même pièce et l’un commençait en lançant : « écrivons une chanson rock ! ». Chacun y allait ensuite de sa touche personnelle. Un autre membre disait : « faisons un titre hip hop ! ». Et c’était reparti. Une implication totale, et c'est ainsi qu'on obtient des titres d’une telle créativité. Un plaisir partagé comme ça, c’est vraiment magnifique.

En parlant du répertore de HOLLYWOOD UNDEAD, enrichi par huit albums, avec le recul, quel est le top 5 de tes titres ultimes préférés ?
Ouh... vu le nombre, après toutes ces années, ce n’est pas facile de choisir. Je crois que je vais prendre une chanson de chaque album. « Black Dalhia » sur le 1er. Sur le second « Hear Me Now ». Pour le 3eme… ah, je ne me souviens plus, faut que je regarde sur Spotify (rires). Je crois qu’il y a la chanson « I Don’t Wanna Die ». Ah non, plutôt « Rain ». « Day Of The Dead », c'est la chanson que j’adore sur le 4eme. Sur l’album « V » il y a « Bad Moon ». « New Empire » ? « Heart Of A Champion » que j’aime beaucoup. Sur le nouvel album, c'est vraiment « Hourglass » qui a mes faveurs.

Si tu n’étais pas J-Dog de HOLLYWOOD UNDEAD, quel personnage réel ou fictif voudrais-tu être ?
Mmmh… tu veux dire, du genre super-héros ?

Peut-être. C’est toi qui choisis.
Quel personnage ? Je serais un politicien honnête (rires). C’est ça que je serais... mais on est assurément sur de la fiction !

Quel est ton rapport à la notion de célébrité ?
Tout le monde veut devenir célèbre, mais attention : le talent n’est malheureusement pas tout ce qui importe. Il faut travailler dur, c’est clair. Tu peux composer 100 morceaux et n’en avoir qu’un qui fonctionne. Non, tu dois réellement travailler dur. Avec internet, n’importe qui peut poster de la musique, et je trouve que ce n’est pas une bonne chose, car ta première chanson n’est jamais la meilleure. C’est n'importe quoi de la mettre immédiatement en ligne. Tu ne dois offrir que le meilleur de toi.

Et pourtant, on commet tous des erreurs... Tiens, sur scène, par exemple, tu as bien un "pire souvenir", non ?
Mon pire… je me souviens d’un concert filmé pour la télé. Au moment où je devais entamer mon couplet, j’ai eu un blanc et j’ai oublié les paroles. C’était une première pour moi. La caméra est braquée sur moi et je ne peux sortir le moindre mot. Je ne crois pas que j’étais nerveux... sûrement bourré, en fait (rires). J’étais comme un con. Mais heureusement, il y a aussi un "meilleur souvenir" : c’était un show dans une petite salle, 200 personnes maximum, un endroit où, môme, j’allais voir les groupes jouer en rêvant d’être à leur place. Et cette fois, c’est moi qui m’y produisais. Evidemment, quand je joue dans des stades, c’est incroyable, mais je ne retrouve pas cette intimité avec le public.
 

"Avec "Hotel Kalifornia", nous sommes redevenus ces gamins qui sortaient, dansaient et s'éclataient dans ces concerts punk."


Avec la reprise des concerts en 2022, qu’en est-il de la future tournée ? Des dates de prévues en Europe ou en France ?
Pour l’instant, nous sommes sur le Rockzilla tour aux Etats Unis. Nous n’avons encore rien de planifié en Europe mais, oui, nous avons hâte de revenir. Nous étions en pleine tournée chez vous quand le Covid est apparu et que nos concerts ont été annulés. Nous allions jouer à Paris...

Oui je m’en souviens, j’ai encore les places pour le concert avec PAPA ROACH et ICE NINE KILLS.
Oh mec, j’en suis désolé. C’était terrible, nous nous réjouissions de jouer à Paris ! C’est arrivé si vite. On n'a pas vraiment compris ce qui nous arrivait et, à la dernière minute, on nous a annoncé que tout était annulé. Et ensuite, avec ce qui se passe avec la Russie, la tournée suivante a été annulée. Une vraie malédiction, c'est nase. J’attends avec impatience de pouvoir enfin venir me produire avec le groupe. Sincèrement, j’espère qu’on y parviendra bientôt.

Tu disais qu'HOLLYWOOD UNDEAD avait pris de la bouteille. C'est vrai qu'on réalise que vous tournez depuis presque deux décennies ! Etes-vous, au final, si différents de vos débuts ?
Oui et non. Pour ma part, je dirais que je me sens plus moi-même qu’il y a 3 ans et je me sens aussi gagner en intelligence, tu vois ? Tu ne me verras plus ivre mort à un comptoir de bar, à la recherche d’une altercation, par exemple. Oui, plus réfléchis vis-à-vis de nous-mêmes, c’est ça, le truc qui caractérise HOLLYWOOD UNDEAD aujourd’hui. Et d’un autre côté, j’aime ressentir les mêmes sensations qu’à nos débuts, car même si quelqu’un me proposait 10 millions de dollars pour tout changer, je ne ferais pas les choses différemment. De toute manière, ce n’est pas l’argent qui te rend meilleur, ce sont les expériences que tu as vécues. Je suis le même mec qu'au début, mais j'estime avec un peu d'intelligence en plus.
 

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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