12 septembre 2022, 18:01

SCARLEAN

"Silence"

Album : Silence

Dans un schéma qui peut paraître un peu simpliste, le premier album d’un groupe, c’est la découverte. Le second, c’est la continuité. Et le troisième, c’est la confirmation. Et dans le cas de SCARLEAN, ce troisième album, intitulé « Silence », c’est non seulement la confirmation, mais aussi la progression constante, la lente maturation vers un son et un style uniques. En un mot, la plénitude. En l’espace de trois disques, le groupe a réussi à définir les contours d’un paysage musical, graphique et visuel totalement personnel, un monde à lui, indissociable des cinq personnalités bien distinctes des musiciens qui le composent. Ce qui saute à l’oreille à la première écoute, c’est que tout en restant dans un registre assez complexe, émotionnel et torturé, avec des influences progressives marquées, SCARLEAN a épuré et affiné ses compositions pour les rendre plus directes, avec des lignes de chant plus mémorisables, et des riffs plus accrocheurs que sur les deux précédentes réalisations, « Ghost » et « Soulmates ».

Jouée en avant-première le 19 mars dernier à l’Akwaba de Châteauneuf-de-Gadagne (compte-rendu ici), la première chanson de l’album, "The Hand On Your Skin", tape d’emblée très fort, avec son tempo rapide et syncopé, qui en ferait un parfait single. Le chant et la diction d’Alexandre Soles sont bien mis en avant, et l’on peut d’ailleurs constater une évolution notable par rapport aux précédents travaux, le chanteur n’hésitant pas à explorer avec succès différents registres vocaux, passant allègrement de sa voix de poitrine rocailleuse à des growls bien rauques, ou à un falsetto cristallin extrêmement appréciable. Les guitares de Geoffrey Vo Van Chieu et Michel Canavaggia sont incisives et mélodiques, et la section rythmique d’Olivier Jacquet à la basse et Fabien Giordani à la batterie, apporte une structure puissante, viscérale et organique.
"A Wolf Inside" est un mid-tempo à l’ambiance pesante et angoissante, mais fascinante. Le groupe nous emmène dans un voyage sombre, hanté une nouvelle fois par le "Ghost", personnage récurrent dans l’œuvre de SCARLEAN, enveloppé de mystère, qui s’insinue dans chaque note, telle une ombre froide que jamais la lumière n’atteint. Il est la part des ténèbres, la face cachée de l’âme, dévorante, tandis que le personnage de la jeune fille sur la pochette (qui n’est autre que la petite fille de l’album précédent, « Soulmates », qui a bien grandi) représenterait la clarté, la pureté et qui sait, l’espoir ? Eternel combat d’un esprit complexe et torturé qui lutte entre ses deux visages. Ange ou démon ? Les deux, en réalité. Entremêlés si étroitement qu’il parait bien difficile de se défaire de l’un ou de l’autre.

"Wake Up Right Now", premier single choisi par le groupe, est un cri d’alerte et de rage, un appel énergique, à l’ambiance malsaine à souhait, agrémenté d’un très beau solo et d’un final épique. "Keep Your Secret" démarre en douceur, telle une caresse faite pour consoler, avec un très beau refrain. Mais très vite, l’ombre nous rattrape et nous entraine dans des sables mouvants qui nous engloutissent sans pitié. Et la voix du "Ghost" s’élève, sinueuse et rampante, pour posséder jusqu’à la moindre étincelle de vie : « Now it's time to give me your life, cause your empty mind is mine. I've been waiting so long, turning around you, now I can take my place inside... »    (« Maintenant il est temps de me donner ta vie, car ton esprit vide est à moi. J'ai attendu si longtemps, tournant autour de toi, maintenant je peux prendre ma place à l'intérieur... »).
"No Remedy" est, sans conteste, la plus belle réussite de cet album. Une chanson aux mouvements progressifs, qui s’achève sur un crescendo poignant, profondément émouvant, avec un pont piano-voix qui n’est pas sans rappeler LEPROUS (rien d’étonnant lorsqu’on sait qu’Alex est grand fan du groupe norvégien), sur lequel le chanteur donne à entendre sa très belle voix de tête. Un passage lyrique, certes bref, mais d’une telle pureté qu’il touche au sublime. Une vague de frissons le long de l’épine dorsale devant tant de beauté, car mettre ainsi son âme à nu est le plus beau don de soi qu’un artiste puisse réaliser. Doté d’un refrain imparable qui reste longtemps en tête après l’écoute, "No Remedy" est, à notre humble avis, LE meilleur morceau de toute la discographie de SCARLEAN. Et sur lequel le groupe a l’intelligence de mêler habilement ses influences, de manière à ce qu’elles soient bien digérées, mais non débordantes.   

La balade en terres obscures et glauques se poursuit avec "Protest Progress", un morceau au tempo rapide, entre colère et larmes contenues. Encore un moment fort. Rythmiquement plus lourd, mais également plus lumineux grâce aux mélodies stellaires apportées par les guitares, "Pray Fanatic" voit une pointe d’espoir percer la brume. "The One Who See" est un morceau qui n’est pas sans rappeler SLIPKNOT et KORN, avec son intro rampante et son rythme saccadé, mais qui développe ensuite plus de légèreté grâce aux harmonies vocales et une certaine fluidité mélodique sur le final. Ce troisième album se referme sur "Bitter Taste", un titre bien heavy qui tente une nouvelle fois de nous engloutir dans le noir charbonneux, tandis que l’esprit lutte pour rester maître de lui, coûte que coûte.

Enregistré et mixé au Studio Artmusic par Sébastien Camhi, qui a su capter l’essence même du groupe, sa moelle épinière,  pour un rendu fort et précis, mettant en valeur chaque musicien, « Silence » est un album abouti qui conte une histoire intense, étoffée, à la manière d’un scénario aux multiples rebondissements. Et cet aspect cinématographique est d’autant plus mis en valeur avec l’artwork somptueux qui orne cet album. On y voit la jeune femme, vêtue d’une longue et vaporeuse robe blanche, se laisser couler dans des eaux de plus en plus sombres et opaques, alors que la lumière tente de la rattraper. Une photographie exceptionnelle ressemblant au tableau d’un peintre, prise et retravaillée par Michel Canavaggia, qui s’occupe de toute la partie photos et vidéos de SCARLEAN. En effet, partant du principe que l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, le groupe s’est autoproduit, une fois encore, et a mis un point d’honneur à proposer des vidéos admirables, où tout l’univers du groupe s’épanouit, telle une fleur au soleil levant.

« Silence » est un album remarquable, tant dans son fond que dans sa forme. SCARLEAN a trouvé ici son point d’équilibre, où tout n’est que beauté, profondeur, émotion, comme un danseur peut atteindre la perfection du geste. Un album qui nous transporte dans une dimension parallèle, où les frontières entre exaltation et révolte seraient si minces que l’on aurait, nous aussi, plaisir à se laisser engloutir.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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