13 novembre 2022, 17:20

MMXX

"Sacred Cargo"

Album : Sacred Cargo

Si les réseaux sociaux sont à 99% un concentré d’égo pour se montrer sous tous ses angles, au travers de photos (retouchées, bien sûr !) exposant la vie - rêvée - de Monsieur Personne ou Madame Toulemonde, ils peuvent parfois se rendre utiles pour qui est curieux de découvertes. Dans toutes les sphères, et pas seulement celle de la musique. Mais comme il s’agit de notre domaine de prédilection, nous allons nous attarder sur notre tout récent coup de cœur : « Sacred Cargo », le premier album de MMXX (2020 en chiffres romains), un trio de musiciens composé de l’Italien Andrea Chiodetti (GRIMNESS, ex-THE FORESHADOWING) qui s’occupe des compositions, des guitares et claviers, et des Américains, ex-DAYLIGHT DIES, Jesse Haff à la batterie et Egan O’Rourke à la basse, ainsi qu’au chant sur deux titres. Pour compléter le tableau, ils se sont fait épauler au chant par une flopée de vocalistes de renom au talent incontestable : Mikko Kotamaki (SWALLOW THE SUN), Yann Ligner (KLONE), Mick Moss (ANTIMATTER), Aaron Stainthorpe (MY DYING BRIDE), Dan Swanö (EDGE OF SANITY), Marco Benevento (THE FORESHADOWING), Chris Cannella (AUTUMN’S END) et Carmelo Orlando (NOVEMBRE), qui ont tous écrits les textes de leur chansons respectives.

Album né au plus fort de la pandémie, « Sacred Cargo » se veut le reflet de la société telle qu’elle apparaissait à ce moment précis aux yeux de chaque intervenant, selon un point de vue intime et personnel, mais que l’on peut cependant relier aisément à nos propres émotions, à notre propre vécu. Evoluant dans un registre musical doom/death, un poil gothique aussi, entre spleen profond et légère mélancolie,  avec des ambiances progressives marquées, les dix chansons de cet album sont aussi extrêmement mélodiques et très variées, grâce à l’apport des différents chanteurs et de leurs univers respectifs. "This Breath Is Not My Breath" (avec Mikko Kotamaki et Egan O’Rourke) démarre en force, car si le rythme est lent, il n’en est point pachydermique pour autant. Et l’on se sent porté dans une spirale angoissante et étouffante avec le chant torturé, enragé, de Mikko Kotamaki, tandis que les vocaux clairs nous allègent un peu de ce poids. La mort rode avec les guitares heavy et la rythmique implacable. "Perdition Mirror" est un titre poignant sur lequel le chant et le vibrato de Mick Moss nous amène au bord du précipice des larmes, mais un sublime pont à la guitare, ornementé de chants d’oiseaux d’une légèreté exquise, nous fait entrevoir une lueur, si faible soit-elle. "The New Forgotten Ones" est un morceau mid-tempo aérien ultra mélodique, et lorsqu’arrive le chant de Yann Ligner, on ne peut s’empêcher de penser à KLONE, tant sa voix est reconnaissable entre mille. Mais, si la mélancolie est bien présente, on s’éloigne toutefois du groupe français grâce à un pont sur lequel Yann Ligner nous offre une voix mi chuchotée, mi parlée, très grave et sombre qu’on lui a rarement entendue, suivie d’un solo de guitare cristallin et léger comme une plume. Un morceau magnifique.

"Faint Flickering Light" est une autre chanson calme, presque une ballade, chantée en voix claire par Egan O’Rourke, sur laquelle on apprécie tout particulièrement le travail d’harmonie des guitares. Revient ensuite Mick Moss, sur "The Tower", avec une deuxième participation vocale profonde et tourmentée. On sent la menace se rapprocher et resserrer son étau. Le piège se referme, petit à petit. Marco Benevento et Chris Cannella se partagent le chant sur "Unavailing", titre spleenesque à souhait, où le désespoir et l’impuissance l’emportent face aux événements devenus incontrôlables. Puis, avec "Der Nukleus" éructé par Carmelo Orlando, on se retrouve comme immergés dans un épisode de The Walking Dead, cernés par un amoncellement de corps, gisants par milliers au fond d’une fosse putride. Un morceau d’une angoissante intensité, qui rampe dans la cervelle et s’y agrippe avec ses doigts crochus, lacérant les chairs. Aaron Stainthorpe, quant à lui, nous promène dans un cimetière glacial, enveloppé d’une brume humide et poisseuse, avec sa voix façon spoken-word, malsaine et dérangeante, sur "Sacred Cargo". Arrêt sur image d’une vie en lambeau, où les certitudes s’envolent et ne restent que les fragments éparpillés de rêves impossibles. Noirceur absolue qui engloutit tout. Mais une percée de lumière apparait avec l’interlude musical "Espirare", suivi du sublime "Shadow Haven", interprété de manière particulièrement poignante par Dan Swanö. Une chanson d’une beauté absolue, entre ombres et éclaircies, qui achève cet œuvre avec un brin d’espoir.

Malgré ses multiples chanteurs, « Sacred Cargo » ne souffre d’aucune discontinuité, tant le propos de l’album est cohérent de bout en bout, et tant les chansons sont habitées et authentiques. Chaque intervenant et musicien de MMXX a livré une portion de son âme, au moment le plus fort de la tourmente, dans cette album tout à la fois oppressant, touchant et vibrant. Comme l’instantané d’un drame que l’on se doit de ne pas oublier. Un album ô combien émouvant que l’on ne peut que vous recommander chaudement.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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