3 janvier 2023, 15:14

NOSTROMO

Interview Ladislav Agabekov

Blogger : Clément
par Clément


Nous avions quitté NOSTROMO il y a deux ans et demi lors de la parution d’un EP brutal à souhait, « Narrenschiff », qui marquait le retour du groupe suisse sur le ring après un (trop) long silence. Un silence que le quatuor a définitivement rompu puisqu’il a sorti le 28 octobre son quatrième album, « Bucephale », sur le label Hummus Records. Signant dans la foulée un véritable carnage sur nos platines avec ce qu’il convient d’appeler un monstre. Et ce n’est pas le bassiste Ladislav Agabekov alias "Lad" qui dira le contraire puisque ce dernier, en guise de conclusion de l’interview que nous avions menée avec le groupe en 2019, déclarait déjà avec assurance : « On va vous péter les esgourdes ! ». Un crédo toujours d’actualité en 2022 comme il nous l’a confirmé lors de cette nouvelle entrevue...
 

Lad, que s’est-il passé pour le groupe depuis la sortie de l’EP « Narrenschiff » en mars 2019 ?
Pas grand-chose ! Après la sortie de cet EP, il y a eu malheureusement quelques mois plus tard l’arrivée de la pandémie et de son cortège de restrictions... ce qui ne nous a pas laissé beaucoup de temps pour promouvoir « Narrenschiff » comme nous l’aurions voulu. Un mal pour un bien tout compte fait puisque nous avons profité de ces deux années pour travailler sur de nouveaux morceaux, ceux-là même qui composent « Bucephale »...

Comment définirais-tu ton état d’esprit actuel ?
Je peux le résumer très simplement pour moi... comme pour le reste du groupe : « Nous avons faim ! » (rires). Faim de scène, faim de retrouver notre public et nos amis. Je te laisse imaginer qu’après cette très longue pause de douze ans entre 2004 et 2016, il nous tardait de remettre la machine en route. En fait à bien y réfléchir, cette pause n’en était pas une puisque nous étions vraiment dans l’optique d’arrêter l’aventure mais l’envie de se retrouver et de jouer ensemble a été plus forte que tout. Et ces deux années de break imposées par la pandémie n’ont fait que renforcer note envie de remettre le couvert pour de bon. « Bucephale » symbolise à merveille cette envie puisqu’il a été conçu pendant cette période délicate. Nous venons de caler des dates pour en assurer la promotion en 2023 et notre nouveau label, Hummus Records, nous soutient comme jamais, que demander de plus ?

Pas grand-chose en effet ! « Bucephale » marque donc le grand retour de NOSTROMO au premier plan. Et on a le sentiment que le groupe n’a jamais été si proche de ses racines, à savoir votre premier album « Argue »...
« Argue » est sorti en 1998 et je pense qu’à l’époque il n’existait rien d’équivalent sur le fond comme sur la forme. Ce disque était un véritable OVNI ! Depuis, presque vingt-cinq ans se sont écoulés et nous avons en effet réussi à nous réapproprier cette fougue, cette rage que nous avions à l’époque tout en essayant de garder une certaine inventivité. Pendant ces vingt-cinq ans, de nouveaux groupes ont proposé des choses plus extrêmes, plus dissonantes, plus innovantes et nous n’avons pas la prétention de dire que nous avons poussé le bouchon plus loin qu’eux... mais notre expérience nous permet de contrôler cette fougue, sans la brider au contraire, mais en élargissant son terrain de jeu sur « Bucephale ».

Tu disais, à l’occasion de notre dernière entrevue, que l'arrivée de Max derrière les fûts en 2019 a permis à NOSTROMO de gagner en puissance, en précision et en technique...
Je maintiens chacun de ces mots (rires). Sans manquer de respect à Maik, son prédécesseur, qui a lui aussi abattu un gros boulot notamment sur « Ecce Lex », l’arrivée de Max il y a trois ans nous a permis de franchir un palier avec son jeu qui est très varié et sort du cadre strictement metal. Mais il n’est pas le seul puisque Raphael Bovey, notre ingénieur du son, a lui aussi tenu un rôle déterminant dans la mise en boîte de ce nouvel album.
 


Puisque tu parles de Raphael Bovey, qui a fait ici un boulot formidable en vous troussant un son de mammouth, peux-tu nous dire comment s’est passé l’enregistrement à ses côtés ?
C’était une expérience fantastique qui s'est déroulée avec une personne très exigeante et toujours à l’écoute, qui peut paraître un peu brute aux premiers abords en termes de relations humaines mais qui, une fois que tu commences à la connaître, se révèle une personne en or ! Soyons clair : Raphael est un psychopathe, mais dans le bon sens du terme hein (rires) mais il est aussi d’une intelligence rare, d’une finesse inouïe et a tout fait pour nous pousser dans nos derniers retranchements. Nous avons d’ailleurs noué des relations bien plus qu’amicales puisqu’il est devenu aujourd’hui un ami. Il y a aussi un autre élément important dans la qualité de cette production, c’est que nous avons pu enregistrer l’album dans mon studio et avons pu prendre le temps nécessaire pour peaufiner chaque riff et amener chaque morceau à maturation.

Tu parles d’amener chaque morceau à maturation, j’aimerais revenir sur deux d’entre eux, un peu à part sur « Bucephale » : "κατάϐασις" et "Asato Ma ». Peux-tu nous en dire un peu plus à leur sujet ? Et de cette collaboration avec Treha Sektori (Dehn Sora) et Monkey 3 ?
Concernant la collaboration avec Treha Sektori, cela remonte déjà à quelques temps lorsque notre manager Loïc Lepillet nous avait proposé de participer à la soirée Major Arcana. Il s’agit d’un spectacle organisé par Førtifem qui s’est déroulé au Trianon le 25 septembre 2019 dans le cadre du Red Bull Music Festival. Aux côtés d’autres artistes comme ALCEST, PERTURBATOR, REGARDE LES HOMMES TOMBER, HANGMAN’S CHAIR, conviés par ce duo d’illustrateurs pour l'événement, il nous a été proposé une collaboration avec Dehn Sora alias Treha Sektori. "κατάϐασις" a été créé à ce moment-là et nous avons choisi de lui redonner de l’exposition aujourd’hui. Il représente bien notre volonté de créer un univers froid, clinique mais en même temps tribal et rythmique. Quant à "Asato Ma", c’est un morceau qui peut sembler techniquement simple au sein d'un univers comme le nôtre mais il a une structuration assez unique, d'ailleurs Max en a bien bavé pour le jouer !

 

J’aimerais revenir sur ce titre énigmatique, « Bucephale », que signifie-t-il ?
En fait pour chaque album, que ce soit pour les titres de chansons ou de l’album, nous partons d’une source d’inspiration qui ne reflète pas le contenu des textes, au contraire c’est une vision très immédiate, qui se fait sur le moment. Pour « Bucephale », c’est la lecture de l’ouvrage Propos sur le Bonheur d'Émile Chartier dit Alain qui nous a inspiré. J’aime beaucoup ce parallèle entre ce cheval indomptable, vigoureux que l'auteur décrit ici et qui est en même temps très peureux. Le personnage principal du livre, Alexandre, a compris que ce côté puissant, sauvage était en fait puisé dans la peur qu’éprouvait ce cheval à la simple vue de son ombre. Et Alain en tire ici une jolie métaphore sur le fait d’aller creuser, chercher la cause des choses et de ne pas se baser que sur les apparences, de tirer des conclusions trop hâtives…

Tu t’es une nouvelle fois occupé du mastering de l’album, est-ce une activité que tu mènes à temps plein au sein des Caduceus Studios ?
Oui, c’est mon gagne-pain essentiel et je fais cela depuis maintenant une dizaine d’années. Et ce qui est intéressant, c’est que bien qu’évoluant dans le milieu du metal avec NOSTROMO, ce style est loin de constituer l’essentiel de mon boulot au quotidien. En effet, c’est la musique électronique sur laquelle je travaille le plus de productions au studio. Et j’ai la chance de travailler avec de grands noms de cet univers, notamment pour Laurent Garnier en ce moment. C’est un grand monsieur qui ne joue pas sa diva et c’est aussi une référence incontournable lorsque l’on évoque cette musique. C’est un bonheur... et donc un honneur pour moi de bosser avec lui.

Dix-huit ans séparent « Bucephale » de « Hysteron Proteron », quel regard portes-tu aujourd’hui sur cet album que l’on pourrait qualifier d’unique pour le groupe ?
Tout d’abord il faut le remettre dans son contexte et se rappeler qu’à l’époque nous l’avions enregistré de façon très brute, à l’arrache. Donc il a forcément pris un coup en dix-huit ans de ce côté-là ! En revanche, je lui trouve toujours une certaine audace, une approche unique qui fait que l’on se souvient encore de lui aujourd’hui. C’était une idée de départ d'Eric Linder, le patron du festival Antigel de Genève, qui nous avait proposé de ré-enregistrer sur une version acoustique de certains de nos morceaux les plus metal. Si tu avais vu nos tronches quand il nous a proposé cela (rires)...

Le 10 décembre, vous avez partagé la scène avec vos copains de BLOCKHEADS à Annecy, quelle est l’histoire qui lie les deux groupes ?
Cela fait plus de vingt ans que nous croisons le fer avec nos frères d’armes de BLOCKHEADS ! A l’époque nous sillonnions la France et Javier ou Jérome doivent avoir un paquet d’anecdotes à te raconter à ce sujet. Pour être sincère, nous ne nous appelons pas tous les jours mais à chaque fois que nous remontons ensemble sur scène nous prenons un véritable plaisir à foutre le feu ! Ce groupe est indéboulonnable et il a une histoire, une culture de cette scène grindcore qui en fait une institution. Le public ne s’y trompe pas car il répond présent à chaque fois. KARRAS aussi est un groupe que j’adore, je suis en contact avec le guitariste Yann Heurtaux et je peux te garantir que leur son très lourd, quelque part entre ENTOMBED et SLAYER, fait des ravages en live ! Tout cela pour te dire que nous avons hâte d’être au mois de mars prochain pour ce mini-tour qui s’annonce…torride !

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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