En quatre valeureux et ténébreux albums, l'ignoble mais infatigable GRÁ perpétue un outrageant black-metal violemment grisé par de virevoltantes nuances mélodiques propres à ses compatriotes suédois LORD BELIAL, récemment reformés avec la parution de l'incandescent « Rapture » (2022). Le code éthique de l'art noir rhétorique aidant, c'est pour le groupe, un oppressant et bouleversant retour aux sources profondes du style profané jadis par les hordes alternatives SETHERIAL, NAGLFAR et SORHIN, le tout immémorialement sacralisé par MARDUK et WATAIN sur leurs vils évangiles respectifs les plus lancinants qui soient.
Musicalement, le bouillonnant panel d'influences nostalgiques suédoises hypothétiquement empruntées tant sur les uniques « Light The Black Flame » (1997) de VERGELMER que sur « Lay Eden In Ashes » (1998) de SARGOTH, s'obscurcit lentement par l'appui de galvanisants mid-tempos enchaînés hérités de DARK FUNERAL. Entité légitime où le chanteur charismatique Heljarmadr officie dorénavant depuis « Where Shadows Forever Reign » en 2016 d'ailleurs... Ce choix cornélien a été plus que payant et reste bien loin du fiasco perpétré par l'incertain vociférateur Nachtgarm (DAETH DAEMON, ex-NEGATOR, ex-DARK FUNERAL), peu scrupuleux d'intégrer éphémèrement (2011-2012) les pionniers du brutal black-metal satanique depuis trois décennies justement (1993-2023).
GRÁ mélange avec une insidieuse habileté des plus machiavéliques, les ingrédients ardents du black-metal fétide et malsain d'antan. Profondément semés, cultivés et récoltés par l'indétrônable et cultissime BATHORY dont ils reprennent infernalement l'hymne "Chariots Of Fire" issu de l'album « Under The Sign Of The Black Mark » (1987), les terrifiants riffs malaisants au possible, deviennent malfaisants à mesure d'une écoute honteusement prolongée. Puissance assénée, maîtrise acquittée et concept unifié font de cette œuvre, une pièce disharmonieuse charnière de premier ordre définitivement.
Savamment masterisé pour la première fois de leur carrière de manière externalisée par le grec George Nerantzis (ABBATH, NIDINGR, ROTTING CHRIST...), cet album cryptique reste néanmoins toujours produit et enregistré par leur leader qui maîtrise parfaitement son double instrument, à savoir chant hurlé et "growlé" ainsi que guitare saturée à plus que de raison. Sur ce point précis, la comparaison notoire avec son acolyte Lord Ahriman, guitariste, co-fondateur et dernier membre originel de DARK FUNERAL, demeure frappante puisque ce dernier se passe allègrement des compétences techniques accrues du premier.
Le groupe n'hésite jamais à modérer rythmiquement l'usage du blast-beat effréné en s'appuyant sur une solide expérience personnelle de trois albums antérieurs d'excellente facture, de manière cohérente à éviter une version caricaturée d'un DARK FUNERAL plus édulcoré en substance dévitalisée. Ce nouveau méfait au patronyme percutant se nommant intelligiblement « Lycaon », il bénéficie également d'une surprenante reprise du groupe CURSED 13 où autrefois plusieurs membres de GRÁ en faisaient étrangement partie. Anecdote atypique sur le fond comme sur la forme et possiblement discutable pour les non-initiés de cet exercice de style classieux mais périlleux d'une manière plus intimiste.
D'une manière punitive et expéditive, la lourdeur martiale empruntée au pachydermique cadet TRYPTIKON alliée à la pesanteur cataclysmique de son aîné CELTIC FROST, se transforme patiemment en une étouffante ode misanthropique dont on se délecte généreusement en s'imprégnant tour à tour de morceaux tronçonnés comme "White City Devil", "Lycaon" et "Jaws Of The Underworld". Voilà en somme de toutes les peurs auditives possibles, l'évolutive et perfide dénomination que peut revêtir noblement GRÁ à présent...
