19 mai 2023, 19:37

HEROD

Interview Pierre Carroz

Blogger : Clément
par Clément


Originaire de Suisse, le quatuor HEROD a sorti son troisième album sur le label Pelagic Records le 5 mai dernier. « Iconoclast » ne tourne pas autour du pot et balance un metal féroce, non dénué de mélodies, qui ravira à coup sûr les fans de MESHUGGAH ou CULT OF LUNA. Mais, loin de se résumer à une simple copie carbone de ces groupes suédois de référence, HEROD cultive sa propre personnalité depuis plus de dix ans et ses influences dépassent le cadre strict du metal. Pierre Carroz, son fondateur, a pris le temps de présenter ce dernier album et de revenir sur l’histoire du groupe avec HARD FORCE...
 

Vous avez joué le 13 mai au Bikini Test de La Chaux de Fonds, comment t'es-tu senti à l’idée de monter sur scène pour défendre ce nouvel album ?
Nous étions surmotivés et impatients, comme tu peux t’en douter ! Et nous l'étions d’autant plus car les trois singles qui ont été extraits de l’album ont obtenu de très bons retours sur les réseaux sociaux, nous imaginions donc que nous aurions devant nous des personnes elles aussi impatientes de découvrir l’ensemble de l’album lors de cette soirée !

Justement, vous avez dévoilé quelques jours avant la sortie de ce nouvel album un single, "Becoming", au sujet duquel tu évoques dans les paroles un combat de tous les instants, une lutte intérieure...
Effectivement ! C’est Bertrand, notre guitariste, qui a proposé pour ce morceau une approche "stoïque" inspiré par Marc-Aurèle, empereur et philosophe romain. Etant également amateur de philosophie, j’ai trouvé cet angle de travail sur les textes très judicieux. Ce sont des pensées qui reviennent de plus en plus aujourd’hui dans notre société actuelle où le contexte global est tendu et où il faut parfois du courage pour endurer certaines épreuves du quotidien. Derrière ces textes, il y aussi cette idée de l’acceptation, que l’on retrouve aussi chez Michel Onfray qui est l’un des philosophes actuels qui a inspiré les textes de « Sombre Dessein », notre dernier album paru en 2019.

« Iconoclast » frappe d’entrée de jeu par sa production massive, puissante signée Raphael Bovey et un mastering de Lad Agabekov de NOSTROMO...
Merci. Raphael a fait un très gros boulot sur la production de notre disque. C’est un personnage reconnu sur la scène Lausannoise, il a été notamment batteur de KRUGER, et c’est avant tout un très bon ami. Et pour te dire, lorsque Raphael nous a fait écouter « Bucephale », l’album de NOSTROMO, nous avons tous pris une telle gifle que nous nous sommes dit qu’il venait de définir un nouveau standard dans la brutalité ! Cela nous a donné encore plus envie de rentrer en studio et d’en découdre car nous savions que Raphael serait capable de faire sortir nos tripes derrière sa console. Mais il n’est pas n’était pas le seul maître à bord puisque Christophe Noth, notre ingénieur son et Lad Agabekov nous ont également accompagné dans ce processus de mise en forme. Cette collaboration "locale" avec trois personnes qui nous sont proches a porté ses fruits, me semble-t-il, puisque la production et le mastering de l’album ont dépassé nos attentes en termes de qualité. Ce que vous entendez aujourd’hui colle parfaitement à la vision que nous avions de l’enregistrement de chacun de nos instruments... et nous en sommes ravis !

J’aimerais que tu nous parles de cette collaboration surprenante avec d’anciens membres du Mystère des Voix Bulgares qui apportent au morceau "The Ode to..." une atmosphère très solennelle...
Le Mystères des Voix Bulgares a fait l’objet d’un documentaire Balkan Melody, qui met en avant un ingénieur du son originaire de Suisse Romande qui s’appelle Marcel Cellier. C’est lui qui est à l’origine des tous premiers enregistrements de ce collectif bulgare mettant en lumière des chanteuses au répertoire vocal exceptionnel. Elles ont d’ailleurs reçu un Grammy Award à la fin des années 80 pour l’un de leurs albums. Ce sont des musiques que j’ai beaucoup écoutées quand j’étais gamin car Marcel Cellier a bénéficié d’une grande couverture médiatique chez nous. Je suis rentré en contact avec son fils il y a quelques années et je lui ai fait part de ma volonté de marier de gros riffs de guitare avec ces chants riches en émotions. Il m’a donc mis en relation avec certaines de ces choristes que j’ai contactées et à qui j’ai envoyé une maquette du morceau sur lequel elles pourraient intervenir. Mais le plus dur n’a pas été de les convaincre de participer à cette expérience, mais plutôt de convaincre les autres membres du groupe qui ne voyaient pas vraiment où je voulais en venir ! Je suis très fier du résultat final que nous avons d’ailleurs jouer en live avec les pistes audio des voix de chacune des quatre choristes. J’avais hâte de voir la réaction du public à ce moment-là...

En parlant d'invités, Matt McGachy, chanteur de CRYPTOPSY intervient sur "The Edifice"...
En fait, les featurings c’est comme une tradition pour nous ! Bill Steer était à ce titre intervenu sur le morceau "Fork Tongue" sur notre album précédent. Nous avons eu l’immense honneur de jouer aux côtés de CARCASS en 2015 et j’ai été roadie du groupe les années d’avant, ce qui m’a permis d’établir une relation privilégiée avec le groupe. Concernant "The Edifice", tout s’est fait très naturellement puisque Matt a accepté notre demande avec enthousiasme et nous en sommes flattés car nous adorons son travail au sein de CRYTOPSY !


Quant à Loïc Rosetti de THE OCEAN, il contribue au morceau final "The Prophecy"...
Il avait déjà apporté sa patte sur l’un des titres de l’album « Sombre Dessein » et ce fut à nouveau un plaisir de l’inviter pour participer à l'aventure « Iconoclast ». J’ai une relation particulière avec lui puisque nous avons grandi dans le même coin dans le canton du Valais et nous sommes signés sur le label de Robin, le fondateur de THE OCEAN au sein duquel Loïc joue aussi. Ce morceau est un véritable voyage sur lequel il nous accompagne en délivrant une prestation magistrale !

Parlons de l’artwork, celui-ci a été signé par Benedikt Demmer. Comment s’est déroulée cette collaboration ?
Nous avons fait la connaissance de Benedikt par l’intermédiaire de Robin Staps, le patron du label Pelagic Records et instigateur de THE OCEAN, lorsque nous cherchions une illustration pour l’album précédent. J’avais déjà une idée bien précise de ce que je voulais pour celui-ci avec des navires porte-conteneurs échoués sur des plages, rouillés par le temps qui passe et Benedikt a su matérialiser cela avec doigté. Sur « Iconoclast » il a eu cette fois carte blanche pour travailler l’artwork comme il l’entendait et je trouve qu’il a bien su retranscrire l’ambiance et les textes du disque.

Tu dis d’ailleurs au sujet de cet artwork que "Tout acte destructeur est en soi un acte créateur de transformation"...
Ce terme a eu différentes significations au cours de l’histoire. Dans le passé, il signifiait la destruction des images saintes, mais aujourd’hui il signifie l’agression contre la règle : un acte politique, social et libérateur. La phrase que tu cites est pour moi la définition moderne de l’iconoclasme. Elle est associée à l’acte de rebellion, de transition mais aussi à celui de la construction, lorsque tu repars de zéro pour rebâtir quelque chose sur les cendres de ce qui a été détruit.

Lorsque tu évoques les influences du groupe, tu dis être obsédé par le MESHUGGAH des années 90, les premiers THE DILLINGER ESCAPE PLAN, CULT OF LUNA et cela se ressent dans le son de HEROD. Quels souvenirs gardes-tu de ta rencontre avec ces groupes ?
Mes souvenirs ? C’est assez simple : ce sont des claques ! La première fois où j’ai découvert « Destroy, Erase, Improve » et « Chaosphere » de MESHUGGAH, je me suis demandé ce qu’il m’arrivait. C’était si fort, si intense que cela en devenait irrésistible ! Ces gars-là étaient en avance sur leur temps et je pense d’ailleurs que les gens n’étaient pas prêts pour encaisser un tel choc comme celui occasionné par « Chaosphere » à la sortie de l'album en 1998 ! Pour ce qui est de THE DILLINGER ESCAPE PLAN et CULT OF LUNA, ce ne sont pas des albums en particulier mais toute la discographie et les ambiances qu'ils développent que j’adore...

Voilà plus de quinze années que le groupe est actif, quel regard portes-tu sur les premières années ?
Il y a dix-sept ans, j’étais en plein apprentissage de la guitare et je n’avais pas vraiment confiance en moi, je ne savais pas encore comment m’entourer et surtout comment mettre en musique les idées qui me venaient. Puis il y eu de nombreuses expériences et des rencontres, plus ou moins heureuses, tout au long de ces années qui font qu’aujourd’hui HEROD est ce qu’il est. Avec les personnes qui le composent. Et, lorsque je regarde dans le rétroviseur et que je vois tout le travail que nous avons accompli : j’en suis fier !

Vous avez partagé la scène avec GOJIRA, CROWBAR, CARCASS, OBITUARY, VOIVOD, NAPALM DEATH... quel serait le souvenir le plus mémorable que tu garderais ?
Il y a dix ans, j’étais lâché comme un électron libre dans le tour bus de CARCASS en tant que roadie, c’était un souvenir impérissable ! Puis avec HEROD, nous avons participé à la tournée « Deathcrusher » qui s’est déroulée en 2015 aux côtés de CARCASS dans des salles immenses et bondées. Même si nous jouions chaque soir en première position devant des audiences parfois clairsemées, le challenge était énorme mais ce fut au final un pied total que nous avons pris sur chacune des dates !

Encore merci pour ta disponibilité Pierre...
Merci. J’espère sincèrement que notre disque vous plaira et que nous aurons l’occasion de venir le jouer dans votre beau pays dans les prochaines semaines ou prochains mois...

Herodnoise.com

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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