Avec une signature fraîchement décrochée sur le prestigieux label canadien Profound Lore Records, il y a fort à parier que MIZMOR alias "A.L.N." s'ouvre les portes d'une reconnaissance, tout du moins d'une exposition, plus large que celle où était cantonné jusqu'alors. Pourtant ses trois albums, avec une mention spéciale pour « Cairn » paru en 2019, avaient déjà révélé en leur temps un musicien solitaire capable d'unir dans une bluffante maestria ce qui se fait de mieux en matière de black et de doom metal.
Et dans ce registre, le natif de Portland est un cador. Un cador qui, dès les premières minutes de "Only An Expanse", n'a pas son pareil pour envoyer une mise en bouche rampante et vicieuse comme il sait si bien le faire : un quart d'heure en enfer. "No Place To Arrive" annonce quant à elle une tempête rythmique pesante, sorte de plombée doom noircie par la tristesse et l'abnégation, de celles dont raffolent également ses compatriotes USNEA et HELL. Ces derniers, eux aussi natifs de l’Oregon, font d'ailleurs des merveilles en matière de metal bien goudronné. L’air doit être particulièrement vicié dans cet état du nord-ouest des Etats-Unis pour concentrer tant de noirceur dans les âmes. A l’instar des tremolos inquiétants du monstrueux "Anything But" et ses huit minutes d'une beauté glacée, cette fameuse noirceur ne quitte jamais l’auditeur tout du long de ces quarante-six minutes douloureuses. Comme si la lourdeur se suffisait à elle-même, écrasant l’auditeur de tout son poids en lui ôtant tout espoir d'en sortir vainqueur.
Illustré par Dylan Proteau, également à la manœuvre sur l’artwork du premier album de BELL WITCH, et produit de main de maître par ce même A.L.N. et Sonny Diperri au mixage qui l’accompagne depuis ses tout débuts, « Prosaic » est une œuvre imposante. De par cette même production, goudronneuse comme un paquet de Gauloises Caporal, qu’il faut avoir entendu au moins une fois pour y croire. Et aussi par son pouvoir de noire séduction qui fait mouche, insidieusement, une écoute en entraînant une autre. Puis une autre. Et encore une autre...