Encore une date événement, et c’est à la Laiterie que ce 22 janvier on s’écrie « 22 v’là les SISTERS OF MERCY ». Un pan entier d'une légende gothique en Alsace, ça c’est classe. De mémoire ils ne se sont jamais produits ici, hormis un passage au Rock Your Brain, à Sélestat.
19h30. Nous sommes partis pour 40 minutes de mise en bouche avec le duo THE VIRGINMARYS qui livre en introduction "The Meds". Si sa prestance scénique est constituée d’une économie de gestes, THE VIRGINMARYS déchaîne une musique post-punk épileptique assez remarquable. Tandis que le guitariste hurle tel un neo-punk sous sa mèche longue, le batteur nous impressionne en éclatant son kit et ses baguettes, et en déversant 10 litres de sueur sur les photographes. Riffs syncopés et rythmique surf-rock, c’est comme si les BEACH BOYS montaient une formation grunge. Un excellent moment, loin d’être reposant, du rock bien sonore. De l’énergie concentrée et concentrique qui nous crucifie avec le final, "You’re A Killer". Excellent.
20h30. L’heure des vampires est avancée. Lumières et néons blafardes, cauchemar des photographes, l’ambiance goth'n'roll se déroule le long d’un "Doctor Jeep / Detonation Boulevard" classieux. Côté guitariste, exit le surfeur australien Dylan Smith d’il y a cinq ans, place à la guitar-héroïne Kai d'ESPRIT D'AIR au sourire très Blade Runner. Ben Christo à la deuxième guitare dégaine riffs et poses de tueur. Les photographes s’éclatent à illustrer les deux personnages, ainsi que le clavier plus discret, après leur douche salée de la première partie. Ca démarre donc très fort. Andrew Eldritch glisse sur la scène, tantôt présent avec un sourire narquois, tantôt évanescent et inquiétant, entre deux brouillards de spotlights.
J’ai tellement lu de retours négatifs sur les prestations de THE SISTERS OF MERCY (Andrew Eldritch le pilier serait dédaigneux et non impliqué, les deux jeunes guitaristes seraient des poseurs hautains, etc.) que j’avoue m’avancer timidement vers la fosse. "Don’t Drive On Ice" est incroyablement symbolique. Un morceau jamais gravé dans le vinyle, 8 autres inédits seront disséminés dans l’ensemble des 19 chansons que le groupe va nous offrir. Andrew Eldrich va rester bien souvent en retrait, tel un fantôme des âges oubliés, noyé dans la brume des néons, il apparaît telle une créature de la nuit fantasmée par Murnau. Ce sont ses acolytes qui sont très mis en avant. Ben Christo s’impose au devant de scène tel un réel guitar-hero gothic. Quant à sa mystérieuse comparse japonaise, elle n’est pas en reste et semble prendre un pied d’enfer dans cette relecture 2.0 des années post-punk.
Je vous avouerai que les nouveaux titres sont très bons, très intemporels et à l’image du groupe, oscillant entre dark-rock, "Summer", et le metal gothique, "I Will Call You" ou le délicieux "But Genevieve". C’est aussi hypnotique qu’une ampoule nue pour un papillon. Et il y a les classiques canoniques, "Alice" sur lequel des demoiselles s’électrisent, "Ribbons" qui gonfle les poitrines de par sa puissance, ou encore "More". Tous revisités avec tout le faux sérieux des années 2000. Le genre de rock gothique qu’affectionne des groupes tel que THE 69 EYES. Une voix qui a certainement inspirée Fernando de MOONSPELL. THE SISTERS OF MERCY est une référence depuis quatre décennies.
Ce que les haters prennent pour du snobisme n’est autre que la fuck attitude qu’arboraient jadis les rockers. Merci pour ce rappel Andrew. L’homme derrière THE SISTERS OF MERCY pousse l’audace jusqu’à exhiber clope sur clope et sa chemise de style goth hawaïenne. Les Anglais et leur humour... J’ai moi aussi souvent ri des gens trop premier degré, et les haters semblent en être de beaux spécimens. A noter que je n’en ai pas vu ce soir à la Laiterie. Par contre, j'ai pu répérer un homme se lever de son fauteuil roulant pour danser sur "I Will Call You". J’ai aperçu deux ou trois fois Lemmy riant à gorge déployée pendant "But Genevieve". J’ai entendu résonner un putain de bon rock indus debout dans la fosse, avec "When I’m On Fire". Petit à petit, une étrange magie opéra tout autour de nous. Une atmosphère qui transpire des clichés pris sur le vif du propos.
Premières salutations avec "Temple Of Love". Public en transe, les ovations pleuvent évidemment. Le rappel, avec "Lucretia My Reflection", puis "This Corrosion", offre une ultime décadanse. THE SISTERS OF MERCY nous a bluffé. Ce n’est pas seulement un pan de notre histoire musicale, il s’agit d’une personnification vivace des glorieuses et obscures années 80. Respect. Une musique qui véhicule une sensation comme chantait INXS.
Photos © Sébastien Feutry (Lille, Le Splendid, le 24 janvier 2024
