27 mars 2024, 18:09

WHILE SHE SLEEPS

"Self Hell"

Album : Self Hell

Depuis ses débuts en 2006 et son premier album « This Is The Six », WHILE SHE SLEEPS, s’est forgé une identité reconnaissable entre mille, une vraie personnalité et un son qui le distingue des groupes de metalcore génériques. Originaires de Sheffield, en Grande-Bretagne, les cinq amis, dont le line-up n’a plus jamais subi le moindre changement après l’arrivée de Lawrence "Loz" Taylor au chant en 2009, ont certes trouvé leur style, mais sont aussi en constante recherche d’évolution, et ce nouvel album, « Self Hell », en est la preuve flagrante. Adeptes du fait-maison depuis toujours, les musiciens pensent leur musique dans les moindres détails, tant avec des vidéos ultra léchées que l’aspect promotionnel, leur label Sleeps Brothers en collaboration avec Spinefarm Records, le merchandising, et bien sûr le son qu’ils peaufinent dans leur propre studio, avec l’aide de Carl Bown, qui a co-produit le disque en compagnie de Sean Long.

Ce sixième disque va plus loin encore dans les expérimentations que ne pouvait le faire le précédent, « Sleeps Society », le groupe ne voulant aucunement s’enfermer dans le carcan étriqué d’un metalcore trop basique. Au risque, peut-être, de perdre quelques fans en chemin... Il faut avouer qu’il est surprenant, ce « Self Hell », à la première écoute. Surprenant, innovant mais aussi franchement plaisant et en somme, moins décevant que le dernier en date qui nous avait un peu laissé sur notre faim. Sa ligne de conduite est clairement établie et il est aussi, sur la durée, plus cohérent. Mais il demande toutefois une sacrée ouverture d’esprit pour l’appréhender.

Pour commencer les hostilités, "Peace Of Mind" est une courte introduction à la rythmique militaire et au chant rappé vindicatif, accompagnée de chœurs tout à fait typiques du groupe, qui débouche sur le gros riff de "Leave Me Alone", véhément pamphlet où le chant rappé, encore une fois, partage la vedette avec les cris de chat écorché de Lawrence Taylor. Une mise au point (poing ?) façon WHILE SHE SLEEPS, avec son refrain on ne peut plus clair : « Leave me the fuck alone ! », que l’on pourrait traduire par « Laissez-moi tranquille, putain ! ». Une autre manière de dire « Me faites pas chier ! ». Rythme soutenu, éléments electro et guitares bien présentes, voilà un morceau qui devrait faire une belle intro en concert. On retrouve la marque du groupe sur "Rainbows", avec sa rythmique dansante et son refrain chanté à deux voix, celle de Mat Welsh (guitare) soutenant celle de Lawrence Taylor pour un effet catchy et mélodique à souhait. Choisi comme premier single, "Self Hell" résume à lui seul l’orientation de l’album. Ou plutôt, les orientations. Car ça part dans tous les sens : pop, metal, rap, electro... De quoi déstabiliser l’auditoire, entre riffs bourrins, samples électroniques, refrain poppy et screams violents : « I don’t give a fuck what you think of me » (Y-a-t-il vraiment besoin d’une traduction ?). Et cependant, le groupe a trouvé le moyen de rendre ce morceau ultra efficace et entêtant au possible. Essayez donc de résister à ce « Let’s praise the love inside of us » qui s’insinue  malicieusement en vous, et que vous vous surprenez à chantonner à votre corps défendant ! Bien malin, celui qui prétendra y échapper. Les filous possèdent la science rare de la composition qui bute.

L’excellent "Wildfire" sonne comme un classique immédiat : rythmique groovy (le bassiste Aaran McKenzie et Adam "Sav" Savage à la batterie sont déchainés), lignes vocales et chœurs mélodieux, tandis que le génial guitariste Sean Long nous gratifie sur l’outro de l’un de ses sublimes soli dont il a le secret. Après cette frénésie, "No Feeling Is Final" fait office de petite pause instrumentale planante avant "Dopesick" qui voit le groupe collaborer avec Fin Power, le chanteur du groupe de Liverpool, STONE, qui mélange allègrement punk, pop culture et musiques urbaines. Probablement le morceau le plus aventureux de ce disque, mais qui possède une fois encore un solo de guitare à se damner signé Sean Long. « Self Hell » navigue constamment entre deux eaux où la douceur côtoie la violence brute, où les expérimentations sonores se mêlent aux mélodies accrocheuses.

 Ainsi, "Down", avec la participation d’Alex Taylor de MALEVOLENCE, se présente comme le morceau le plus agressif de l’album et n’est pas sans rappeler les premiers albums du groupe. Les voix très énervées des chanteurs (à croire qu’ils se sont tous mangé l’angle de la table basse dans le tibia) décuplent l’effet brutal ressenti à l’écoute de ce titre, expéditif et direct comme on les aime. Il est suivi par "To The Flowers", chanson mélodique, touchante et sensible, genre dans lequel le groupe excelle. Et puis quel solo final, mes aïeux ! Sean Long est un guitariste exceptionnel, et si les guitares semblent parfois un peu en retrait sur certains morceaux, il prouve qu’il n’a rien perdu de son talent, ni de son inspiration. Comme tous les singles du groupe, ces deux chansons sont accompagnées de vidéos filmées par le groupe lui-même, sous l’égide d’Aaran McKenzie, qui non content d’être bassiste, est également réalisateur. Aucune trace d’intelligence artificielle ici. Tout est fait maison et le résultat est à la hauteur des ambitions du quintet, notamment la vidéo de "To The Flowers" qui se rapproche d’un court-métrage.  Les thèmes abordés traitent de santé mentale et du précaire équilibre psychologique dans lequel nous plonge cette société moderne, des effets négatifs  des drogues, mais aussi de reconstruction personnelle et de foi en ses propres capacités. Conscient que la vie est une éternelle bataille, une lutte âpre où chaque pas de plus n’est jamais définitivement acquis, le groupe met aussi en avant les atouts de tout un chacun et tire vers le haut avec un positivisme qui force le respect, plutôt que de sombrer dans un gouffre sans fond.

Profondément humaniste, soucieux de l’avenir de la planète et des êtres qui la peuplent, WHILE SHE SLEEPS suit sa trajectoire guidée par sa créativité foisonnante. "Out Of The Blue" est un autre morceau instrumental, au style electro prononcé, très calme et aérien dans un premier temps et dont le tempo s’accélère sur sa seconde moitié et met en valeur le travail de batteur d’Adam Savage. Il fait la jonction avec "Enemy Mentality" qui reste lui aussi dans des sons assez synthétiques et renforce le côté robotique du propos, par opposition au dernier titre de l’album, "Radical Hatred, Radical Love", où la part belle est faite aux guitares acoustiques, au piano et aux chœurs qui sont une composante incontournable de l’œuvre de WHILE SHE SLEEPS. Cette très belle ballade apporte une touche profonde et sensible à cet album aventureux qui s’offre le luxe de n’avoir aucune limite stylistique.

Avec « Self Hell », on sort du cadre strict du metal pour toucher d’autres formes d’expressions musicales, et si certains ne verront pas la démarche du groupe d’un bon œil, cet album est l’accomplissement de la volonté des musiciens de s’affranchir de toute barrière pour accéder à la création de leur art. Le pari est réussi, tant les influences ont été bien digérées et tout semble couler de source. WHILE SHE SLEEPS possède un talent fou pour nous embraquer dans son monde.  Et puis, l‘accroche mélodique des compositions est quand même indéniable. Allez, c’est cadeau : « Let’s praise the love inside of us / Let’s praise the love inside of us / Let’s praise the love inside of us / Let’s praise the love / Let’s praise the love » Non, ne me remerciez pas, je vous en prie. Tout le plaisir est pour moi !

 

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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