C’est l’histoire d’une maison d’édition qui se lance et qui voudrait que ça se passe bien. On va donc commencer par souhaiter bon vent aux Editions Ring, bien sincèrement, parce qu’une telle aventure entrepreneuriale est singulièrement courageuse, de nos jours.
Pour inaugurer ses collections, Marc Besse, journaliste musical chevronné, éditeur chez Ring et donc auteur, aura misé sur l’odeur du soufre et la reptation du scandale. Ce jeudi paraît « Noir Désir à l’envers, à l’endroit. », le premier voyage en apnée au cœur de Noir Désir, d’après la 4e de couv’.
Plus qu’une biographie, comportant « une série de révélations », l’ouvrage se veut « une œuvre de fond », selon la réponse de Marc Besse à Denis Barthe. En fin de semaine dernière, le batteur de NOIR DESIR dégommait en effet la crédibilité du bouquin en récusant certains propos qui lui sont prêtés dans ses pages : son récit allégué (et en off) de la dispute finale entre Bertrand Cantat et les autres membres du groupe, à l’automne 2010. Cette dispute même qui a conduit le guitariste Serge Teyssot-Gay, 48 heures plus tard, à signer l’arrêt de mort de NOIR DESIR, par un communiqué lapidaire.
Il ne s’agira pas ici de trancher la question du off, en général ou en particulier. On se bornera à rappeler que les journalistes qui font métier de trahir les confidences de leurs sources tirent des chèques sur les enquêtes à venir de leurs cadets – et confortent la place des journalistes au hit-parade des professions les plus détestées.
Je ne connais pas Denis Barthe, je l’ai simplement croisé trop rapidement aux Vieilles Charrues, en 2011, où j’ai eu le plaisir d’échanger quelques mots avec lui. C’est l’une des personnalités les plus sympathiques, authentiques, ouvertes et attachantes qu’il m’ait été donné de rencontrer dans ce milieu. En tout état de cause, même si chacun comprendra qu’il puisse se sentir trahi par leur révélation, les mots qui lui sont attribués dans l’ouvrage de Marce Besse n’ont rien d’indécent.
Si l’on prend le parti de ne pas lire l’avant-propos incongrument mis en avant sur la couverture du livre, on ne trouvera d’ailleurs rien d’indécent dans cet ouvrage. S’il ne parvient jamais tout à fait à nous agripper à son récit de la vie et des morts de NOIR DESIR, Besse évite l’écueil du sensationnalisme, du pathos, du thrash. C’est avec pudeur, affection et parfois même avec révérence qu’il évoque les personnages de cette tragédie où l’on croise Hyvernaud et Attila Jὀzseph – et qui fait penser à Malraux, outre tous les tragédiens classiques qui peuvent venir à l’esprit.
« Noir Désir à l’envers, à l’endroit. » réussit surtout à nous rappeler à quel point nous avons déjà oublié NOIR DESIR, à quel point nous sommes passés à autre chose. Il nous renvoie à ce monde ancien auquel le groupe, lui-même, avait contribué à poser un point final, en sortant - désinvolte et n'ayant l'air de rien - son dernier album studio le 11 septembre 2001. Un album, Des visages des figures, qui portait notamment Le Grand Incendie :
« Ca y est, le grand incendie
Y’a l’feu partout, emergency
Babylone, Paris s’écroulent
New York City, Iroquois qui déboulent
Maintenant… Allez »
Il nous renvoie à cette canicule de l’été 2003, où l’on s’est trouvé saisi en découvrant au 20h le drame qui se nouait à Vilnius, impliquant deux artistes auxquels beaucoup d’entre nous étions attachés (à l’une, à l’autre ou aux deux).
Il nous rappelle à quel point les paroles de « Perdants / Gagnants » étaient belles, lucides, prometteuses.
Enfin il nous rappelle que nous avons la mémoire courte et que la nature a horreur du vide.
« Noir Désir à l’envers, à l’endroit. » par Marc Besse – Editions Ring, www.ring.fr, 253 pages, 19,50 €.
En librairie aujourd’hui.

