Organisée en juin et non plus en avril, le BetiZ Fest, riche d’une affiche alléchante, a séduit un vaste public au fil de deux journées organisées avec maestria. La première était consacrée en majorité au hardcore et au death quand la seconde lorgnait vers le post et le stoner. Les stands de merchandising, le salon du tatoueur Le corbillard, les expositions – magnifiques créations du studio Arrache-toi un œil, dessins croqués sur le vif en concert par Sylvain Cnudde – et l’incontournable buvette, où le service est rapide, sont à l’intérieur. Dehors, le festivalier trouve de quoi apaiser sa faim... et sa vessie. Retour au Palais des Grottes, salle au son parfois capricieux mais spacieuse.
Si vous organisez un festival, n’hésitez pas à inviter les Lillois NOVEMBER ! Ce groupe de hardcore aux forts relents metal est idéal pour lancer la soirée, tant son attitude et ses compositions, tirées pour l’essentiel des deux EPs « Portrait 1 » et « Portrait 2 » sont d’une efficacité et d’une puissance redoutables. Portés par ses fans venus en nombre, le groupe signe 40 minutes intenses dans le sillage de son chanteur, gaillard en short au charisme impressionnant. Il occupe à merveille la scène, communique avec naturel et multiplie les high-kicks quand les deux guitaristes ne cessent de sauter. Dans la fosse, les premiers mosh-pits et walls-of-death électrisent l’ambiance. Des spectateurs, malgré l’espace réservé aux photographes et à la sécurité séparant les premiers rangs des planches, tentent déjà de se joindre aux musiciens. « Si vous voulez monter sur scène, allez-y... Désolé la sécu ! », lance, taquin, le frontman au visage rougi par l’effort. Wahou, quelle entrée en matière !
Pas facile pour VERBAL RAZORS – coucou EXODUS ! – de prendre la suite... mais le groupe y parvient ! Son thrash/crossover teinté de punk ("Order By Kicks", très DISCHARGE) made in Tours – « la région du pinard et des rois de France » comme l’indique le chanteur Simon Jeffroy, souvent goguenard, dont le chant rappelle celui de Kurt Brecht (D.R.I.) – est accrocheur. L’originalité n’est toutefois pas au rendez-vous mais peu importe, au fond, tant les quatre gaillards offrent 40 minutes réjouissantes. Le public, toujours prompt à partie en mosh-pits, apprécie le travail du guitariste malgré son t-shirt à la gloire de DEF LEPPARD ; il est aussi à l’aise en soli et en rythmique à l’image des riffs aiguisé de l’initial "By Thunder And Lighting". Le tempo ralentit parfois, comme sur "Krakatoa" en milieu de set, mais l’énergie ne fait jamais défaut avant que le concert ne glisse, sur la fin, vers des sonorités plus heavy metal.
Le BetiZ Fest continue son tour de France avec la dream-team KARRAS. Étienne Sarthou (AqME, DELIVERANCE), désormais moustachu, est toujours impérial dans la frénésie derrière sa batterie – wahou, les blast-beats sur "Pazuzu Chord" ! Yann Heurtaux (MASS HYSTERIA) assène entre deux crachats ses riffs tantôt grind, tantôt death suédois avec flegme. Diego Janson, cheveux mouillés qui dégoulinent sur sa veste en cuir bientôt ouverte, impose sa basse et ses lignes de chant gras à souhait. Un trio infernal ! Les deux albums du groupe, « No More Heretic » et « We Poison Their Young », sont visités sans omettre l’aussi bref qu’incontournable "Demons Got Rythm", huit secondes au compteur ! L’ultra violence est au rendez-vous ("The Hermit’s Anger" ou les salves "Dark Days" et "Life Grinder") sure scène comme dans la fosse. Les corps ruissellent et ne retrouvent leur souffle que sur les samples de film d’horreur qui parsèment le set. Rien à dire, après ses passages remarqués au Lievin Metal Fest et au Tyrant Fest, le père KARRAS a une nouvelle fois exorcisé les Hauts-de-France. Vivement le prochain rituel !
Après avoir été enthousiasmé par les trois premiers groupes, la prestation de COUNTERPARTS, pourtant attendue par de nombreux fans, ne convainc pas. Les Canadiens, malgré leur magnifique backdrop et une belle alternance entre lumières strobiscopiques et pénombre, sont-ils vraiment à leur place au cœur d’une soirée où règne la férocité ? Leur hardcore à tendance metalcore (le breakdown de "What Mirrors Might Reflect"), gorgée de mélodies, est parfois bien fleur bleue ("Whispers Of Your Death", conclusion niaise de 50 minutes longuettes). Le chanteur Brenda Murphy se fait discret, demandant parfois au public de reprendre les paroles mais sans sembler vraiment concerné ; même son implication vocale est douteuse, tant la charge émotionnelle qu’il peut dégager, l’une des forces du groupe, est absente... Il reste le groove de "Love Me" ou "Wings Of Nightmare" pour compenser la balourdise d’un "Paradise And Plague", symbole d’une prestation quelconque.
Sur les écrans latéraux, des personnalités du hardcore et du metal, de Doro aux gars de BIOHAZARD, RANCID ou DROPKICK MURPHYS, entre de nombreux autres, souhaitent un joyeux trentième anniversaire à HATEBREED... et la fête commence dans la folie la plus totale avec l’increvable "To The Threshold", première pierre sautillante jetée dans une vitrine : explosion en mille éclats de verre, en une déflagration vertigineuse garantie ! Les classiques du groupe, entonnés par un Jamey Jasta en feu, possédé par une rage bienveillante, positive ("I Will Be Heard") mêlent un groove irrésistible à une agressivité totale, la hargne du hardcore à la puissance du metal. Les refrains sont scandés par une fosse incandescente où certains se permettent des gestes limite, limite, emportés dans un tourbillon de feu et de sueur comme s’ils répondaient au "Destroy Everything" du groupe. L’heure offerte aux Américains défile à toute vitesse et se conclut avec un énorme ballon, le ball-of-death, envoyé dans le public où il passe de main en main. Cette première date d’une tournée européenne de 16 a été un grand moment : le 'Call For Blood' a été entendu par des fans qui, une fois la lumière revenue, sont sonnés, hagards, mis KO par une telle démonstration de maîtrise et de force.
Le premier jour de ce BetiZ Fest s’achève avec le brutal death des Anglais INGESTED mené par leur chanteur qui se surnomme en toute modestie Slam King. Devant un back drop réussi, qui paraît en relief, le groupe blaste et assène ses riffs rapides entrecoupés de passages plus lourds, voire de refrains accrocheurs ("Shadows In Time"). Dans la fumée, le leader promet d’« écraser vos cranes, briser vos os, détruire vos âmes »... et s’emploie avec ses comparses à réaliser ce programme. Il déploie une belle énergie, surtout dans cette position inconfortable de passer après la tête d’affiche, et recommence même un morceau après avoir demandé un plus grand circle-pit. Prévu pour durer 50 minutes, cet ultime concert est écourté de 10 minutes. Les musiciens compensent cette étonnante réduction par une grande disponibilité, signant de nombreux autographes et acceptant les selfies devant la scène longtemps après la fin de leur passage. Sympa !