Il s'appelle HOULE, et même les costumes de ses membres, constitués de cirés dégoulinants, de vieilles marinières et de filets de pêche usés, renvoient à l'océan et ses poissons. Pourtant chez eux point de pirate ou viking metal comme on pourrait se l'imaginer, il s'agit ici de pur black metal aux envolées atmosphériques qui suintent de leurs titres pleins de vague à l'âme. HOULE a livré son premier album le 7 juin dernier, « Ciel Cendre et Misère Noire », qu'il a présenté devant 10 000 personnes au Hellfest, excusez du peu... C'est donc avec curiosité et plaisir que nous avons questionnée sa chanteuse Adsagsona à l'occasion d'un entretien houleux mais... sur la terre ferme.
On entend de plus en plus parler de HOULE, et HARD FORCE tenait à en savoir davantage, vous qui avez déjà une solide fan-base. Peux-tu nous en plus sur la genèse de HOULE. Pourquoi la mer comme influence première ? Vous préférez les vieux chaluts aux traîneaux du grand Nord scandinave ?
Adsagsona : Dès la création du groupe par Crabe (guitariste), HOULE se voulait un projet à la thématique maritime. Crabe est né et a grandi à Brest, entouré par l'océan et la vie portuaire. C’est donc naturellement qu’arrivé à Paris, il a voulu rendre hommage à cet environnement qu’il venait de quitter. Comme souligné dans la question, nous nous éloignons effectivement des ambiances plus classiques et glacées qu’on peut retrouver habituellement dans l'imagerie black metal. Cependant, même si celle-ci est plus atypique, nous nous sommes tous retrouvés d’une manière ou d’une autre dans cette thématique humainement riche qui est peut-être vectrice de beaucoup d'émotions.
Vos noms de scène m’ont intrigué. Comment les avez-vous choisis ?
Ils reflètent une histoire propre à chacun. Crabe et Zéphyr ont été les premiers arrivés dans HOULE et leurs noms collent bien à la genèse du groupe. Græy Gaast et moi-même, Adsagsona, on se connaissaient avant de rejoindre le groupe et on a donc gardé les noms de notre précédent projet ensemble. Quant à Vikser, c’est une référence personnelle qui lui tient à cœur. Globalement, nous voulons garder pour nous ce qui se cache derrière nos surnoms.
Un premier album est sorti en juin, accueilli chaleureusement... Y trouve t-on une continuité dans sa trame, un fil conducteur, comme ce fut le cas avec l’EP ? Et où trouvez-vous votre inspiration ? Avez-vous des sujets de prédilection
Effectivement, notre premier album, « Ciel Cendre et Misère Noire » sorti début juin, s’éloigne un peu de la trame que nous avions proposée dans notre premier EP. Dans ce dernier, nous présentions la mer à travers des thèmes très lyriques tel que l’humain face à la grandeur de l’océan. Cependant, dans ce premier album, nous avons précisé notre point de vue en présentant les oubliés de l’océan, ces hommes et ces femmes qui vivent la mer dans un quotidien moribond. Au final, les thèmes abordés se rapprochent de la terre en se plaçant dans un environnement plus portuaire et crasseux. Pour appuyer ce propos, le langage et le champ lexical employés se sont trouvés plus parlés, voire vulgaires, que sur le premier opus. Nous avons beaucoup tiré nos inspirations de vieilles cartes postales de port par rapport aux émotions que cela nous évoquait. La littérature ainsi que nos propres vécus nous inspirent fortement également, bien entendu.
Quelles sont les influences musicales de HOULE ? D’autres arts comme source d’inspiration ? Comme disent les jeunes, quelles sont vos réf’ ?
Dans HOULE, chaque musicien compose ses parties, même si Crabe et Græy Gaast travaillent ensemble le gros des riffs et la structure des morceaux. Cela fait autant d’inspirations différentes que de membres du groupe. On peut cependant noter qu’on est tous très fans de heavy metal. C’est une influence qui s’entend très vite dans notre black. D’une certaine manière, nous sommes aussi très inspirés par tout le mouvement naturaliste qui nous a poussés à aborder les thèmes cités plus haut. Musicalement, on va trouver dans HOULE beaucoup d'IMMORTAL, de VÉHÉMENCE... Plus récemment, un projet tel que MOONLUGHT SORCERY a aussi beaucoup inspiré Crabe, puisqu’il montre qu’on peut véritablement pousser le côté mélodique à l’extrême dans un style black metal, et c’est aussi ce à quoi nous aspirons – avec une certaine retenue tout de même.
Nous avons parlé des très bons retours, quels sont ceux du public ?
Au moment de la sortie de ce premier album, nous étions assez stressés par l'accueil que réserverait le public à ce « Ciel Cendre et Misère Noire ». Musicalement, un tournant avait été pris par rapport à l’EP. D’habitude, quand un groupe sort un premier EP et annonce la sortie d’un album derrière, il s’engage plutôt à affirmer les propositions faites sur la première réalisation. Cependant, même si ce premier EP avait été extrêmement bien reçu par rapport au fait où nous arrivions de nulle part, nous avons fait le choix de prendre un tournant beaucoup plus épique et heavy sur ce premier album.
C’était un risque à prendre, nous voulions un album plus fédérateur et beaucoup plus tourné vers le live, car tous les concerts effectués entre les deux sorties nous ont fait nous affirmer comme un groupe à absolument voir. Nous avons tendance à penser que le pari est réussi car en un mois, l’album a dépassé tous les chiffres de l’EP en un an et demi. Nous avons pu cependant avoir des retours de certains regrettant la direction que nous avons prise, mais les mêmes personnes nous ayant vu en live ont pu nous faire des retours comme quoi finalement, ce nouvel album était beaucoup plus impactant que ce que nous avions pu faire auparavant. Pour résumer, si certains des aficionados de l’EP n’ont pas été convaincus par « Ciel Cendre et Misère Noire », nous ne pouvons que les encourager à lui donner une chance en concert. Mais globalement, les retours que nous avons de ce premier album sont extrêmement bons et ne font que nous encourager à continuer notre labeur de marins déchus.
Intéressant, et tant mieux que cela ait été au final accepté. Quels sont les titres que vous souhaitez mettre le plus en avant sur scène, et pourquoi ?
Sur scène, actuellement nous jouons surtout les morceaux du nouvel album car nous sommes en plein dans sa période de promotion. Cependant, nous continuons à jouer "Le Continent", nous avons une certaine accroche avec ce morceau étant donné que c’est un peu lui qui nous a permis de nous faire connaître en plus d’être le premier que nous avons joué tous ensemble. L’énergie que nous avons avec lui doit être communicative car c’est également celui que le public nous réclame le plus. Dans les morceaux de « Ciel Cendre et Misère Noire », nous essayons surtout de mettre en avant "Sur les Braises du Foyer" et "La Danse du Rocher". Ce sont les singles de ce premier album et également ceux avec les riffs les plus ravageurs.
Je valide ces choix ! Votre plaisir est-il uniquement dans l’exécution de vos titres ou passez vous également un message ? Et si oui, lequel ?
Pour chacun des musiciens, HOULE est un moyen cathartique de s’exprimer. Bien sûr, dans une première approche, le projet peut paraître dénué de sens ; à voir cinq parisiens déguisés en marins déchus vomissant un black metal mélodique sur la dure vie de marins pêcheurs. Mais de nos jours, présenter un projet, quel que soit le fond, se doit d’avoir une esthétique et un décorum sous peine d’être directement noyé dans un flot de groupes tous de meilleures qualités les uns que les autres. De plus, beaucoup de nos morceaux peuvent être à double lecture. La mer est une entité pouvant revêtir énormément de formes différentes et véhiculer diverses émotions. Elle peut finalement n’être qu’un biais pour raconter d’autres histoires, peut-être plus personnelles. Nos morceaux abordent régulièrement la place de la femme, en effet dans l’univers maritime cette dernière est souvent cantonnée au second plan et peu présente. Pouvoir écrire sur ce thème permet de lui redonner une place active qu’elle n’a pas forcément eue auparavant, et cela s’inscrit dans toutes ces remises en question d’actualité. De plus, faisant partie des rares musiciennes de black metal dans une scène qui depuis plus de 30 ans est très viriliste, le parallèle peut rapidement se faire avec notre univers fantasmé. Tous nos morceaux n’ont pas forcément de messages particuliers à faire passer, certains sont là pour créer un imaginaire et une immersion dans lesquels nous évader, le temps d’une chanson. Chaque fois que nous réussissons à emporter ailleurs celles et ceux qui nous écoutent, c’est une manière de briser la monotonie du quotidien.
Cette atmosphère nous gagne intensément, je te le confirme. Vous avez été présents au Hellfest devant 10 000 personnes, je dis "respect", comment c’était ? On se sent comment, avant, pendant et après ?
Nous avons conscience d’avoir une chance inouïe d’avoir pu nous produire sur une telle scène. Bien sûr, nous avons énormément travaillé depuis notre signature avec Les Acteurs de l’Ombre il y a presque 2 ans et nous ne nous sommes jamais reposés sur nos lauriers. Nous avons tous réagi un peu différemment suite à la confirmation de notre programmation, ça a été une information difficile à réaliser. La veille du concert, nous avons tous très peu dormi. Pendant le concert, il faut avouer que nous étions incrédules de voir la Temple remplie à 11h. Avant de monter sur scène, nous étions persuadés que même 2 000 à 3 000 personnes, ce serait inenvisageable pour un groupe aussi jeune que nous. Donc, forcément, voir la tente remplie et le public continuant à s’accumuler au-delà de l’écran au fur et à mesure de notre set, c’était une expérience à laquelle nous ne nous attendions pas. Mais nous sommes tous restés très concentrés et nous n’avons tous réellement réalisé ce qu’il s’était passé qu’une fois notre sortie de scène. Cet engouement du public a vraiment été confirmé lors de la signing session sur le stand des Acteurs de L’Ombre où certains ont attendu pendant 1h30 pour venir faire signer leur merchandising ou simplement échanger quelques mots. C’était une expérience incroyable et nous ne remercierons jamais assez notre public pour son soutien.
Encore félicitations à vous pour ce succès incroyable, et mérité. Comment envisagez-vous la suite de l’aventure pour HOULE ? Une tournée ? A quelle échelle et avec qui ?
Nous voulons défendre ce nouvel album en live autant que possible, et notamment à l’étranger. Nous avons depuis peu un partenariat avec Asgaardian Events pour tout ce qui concerne le booking international et beaucoup de perspectives s’offrent à nous actuellement. Malheureusement, à l’heure actuelle, nous ne pouvons pas annoncer quoi que ce soit, mais le public belge, allemand, polonais et tchèque peut s’attendre à nous voir débarquer courant 2025, et bien d’autres encore on l’espère ! Nous avons également quelques dates prévues en France notamment le Muscadeath, le Metal Earth Festival à Brest et une mini-tournée en compagnie de nos amis de SILHOUETTE. Comme nous avons tous un travail en dehors de HOULE, nous sommes obligés désormais de sélectionner nos dates et nous attendons toujours avidement les propositions de nos bookers.
On croise les doigts pour un maximum de dates et on passe le mot, l'avenir vous appartient j'en suis certain. Un grand merci pour cet entretien...
Merci énormément pour le temps que vous nous avez accordé et à celles et ceux qui liront jusqu’au bout. On espère vous croiser nombreux à quai ! Venez mettre vos marinières le temps d’un concert, plus on est de marins, plus on chante fort... Sinon, on vous noie. A bon entendeur...