18 décembre 2024, 18:12

ORANSSI PAZUZU

Interview Juho Vanhanen


Quand on parle d’originalité, on peut avoir de nombreux noms de groupes à l’esprit. Un de ceux qui prouvent d’année en année que la création artistique n’a pas de limites, ce sont bien les Finlandais ORANSSI PAZUZU. 2024 marque la sortie d’un nouvel album au titre imprononçable de « Muuntautuja », une espèce fascinante de black metal avant-gardiste et psychédélique, surprenant, dérangeant, enivrant. C’est le guitariste/chanteur Juho "Jun-His" Vanhanen qui nous en parle avec une grande sincérité.
 

Salut Juho. Est-ce que tu peux nous parler de la sortie de ce nouvel album d’ORANSSI PAZUZU, intitulé « Muuntautuja » le 11 octobre dernier ?
Oui, cela faisait un moment qu’il était prêt. C’est toujours comme ça lors des promotions, l’enregistrement est bien derrière nous et parfois, c’est un peu frustrant d’attendre patiemment la sortie. En tout cas, j’avais hâte qu’il soit disponible ! J’en suis très content même si je ne suis jamais satisfait à 100 % de ce que l’on fait. Je pense que c’est notre meilleur album.

Pourquoi n’en es-tu pas satisfait entièrement alors ?
Eh bien, comme je te l’ai dit, l’album est enregistré depuis longtemps, alors on a eu le temps d’y revenir. Je pense que c’est assez sain de se montrer objectif et de voir ce que l’on aurait pu faire, pas forcément mieux, mais différemment. Voir un peu ce qu’on pourrait faire de mieux dans le futur. Encore une fois, pas forcément mieux, mais développer d’autres idées, sortir de notre zone de confort, repousser les limites, explorer des horizons différents. Je ne crois pas qu’il y ait des albums parfaits, mais il est important que chacun corresponde à l’humeur du moment, au feeling ambiant lors de sa réalisation. Et c’est la même chose pour les concerts. Il y a des jours où l’atmosphère y est, d’autres non. L’environnement a un gros impact sur la façon dont tu interprètes la musique et son contenu. Et l’art en général.

« Muuntautuja » est très expérimental, bien sûr, mais il semble que vous alliez encore plus loin que sur les albums précédents dans le style black metal avant-gardiste. Est-ce que tu as le sentiment de toujours repousser les frontières de votre musique ?
Oui, en fait, nous repoussons nos propres limites personnelles. Quand on joue avec les mêmes musiciens, le même groupe depuis longtemps, ça devient facile de se reposer et de se limiter à ce que l’on sait faire. On prend confiance, on peut facilement entrer dans une routine peu productive en faisant les mêmes albums encore et encore. Mais on a pour habitude de chercher la nouveauté, d’ouvrir de nouvelles perspectives, de s’attaquer à de nouveaux sons. Peut-être pour le prochain album, on fera encore quelque chose de totalement différent. Cependant, quoi qu’on fasse, notre musique restera toujours du ORANSSI PAZUZU. Les fans ont commencé à nous écouter car on a produit quelque chose qui leur plaisait sans leur demander leur avis, donc je pense qu’il est important de rester fidèle à cet état d’esprit et de proposer ce qui nous inspire, sans se soucier de la réaction des gens en face. On risque de perdre des fans, mais on en gagnera aussi des nouveaux qui aimeront ce que l’on joue maintenant. En tous cas, avec notre musique, je pense que si on bridait notre créativité, on ne serait plus ORANSSI PAZUZU.

C’est ce qui vous rend authentiques également. C’est ce côté original que les auditeurs et fans cherchent en vous, non ?
Oui, je crois qu'ils aiment le côté inhabituel, mystérieux de la musique et de l’art en général. Il est important pour les humains qui expérimentent l’art qu’il reste vrai et reflète un état d’esprit sincère.

Avez-vous besoin de confiance en vous pour voguer quoi qu’il arrive ?
Je ne sais pas. J’ai juste l’impression que ce que nous faisons va dans le droit chemin et que si j'agissais autrement, ce serait maladroit. Alors je ne me pose pas trop de questions. Il y a des gens qui disent qu’on joue une musique bizarre, mais c’est juste que nous sommes des gens bizarres aussi ! Elle n’est pas bizarre pour nous !

Est-ce que c’est le monde autour de vous qui vous pousse à écrire une musique parfois vraiment extrême ?
En partie, oui. Il y a des jours où je pense que les gens sont géniaux, mais je peux tout aussi bien les détester à d’autres moments également. Je pense que l’humain a quelque chose d’horrible en lui. J’ai donc juste envie de regarder ces traits de caractère de loin et d’écrire une musique qui décrit le monde irréel dans lequel nous vivons. C’est parfois difficile d’être objectif car on fait partie de ces gens, de cette société. Mais c’est bien des fois d’observer plutôt que de participer. Tout a tendance à s’accélérer, les gens sont de plus en plus anxieux. Cependant, les choses sont bien plus faciles à vivre qu’avant, chaque médaille a deux faces. C’est ce que j’essaie de transmettre comme message.

D’ailleurs, de quoi parlent les sept chansons de l’album ? Y a-t-il un thème commun, un fil rouge ?
Le titre fait allusion à un changement de forme, à un objet protéiforme, qui pourrait faire référence à ORANSSI PAZUZU et à notre musique. Il reprend tout le côté abstrait de l’album et ses changements, ses textures. Sur ce disque, il y a plusieurs thèmes comme la folie de la guerre et comment elle change les mentalités. On pourrait aussi reprendre la métaphore d’un serpent géant qui te dévorerait et tu serais du coup partie intégrante de ce serpent qui dévorerait d’autres choses. C’est un peu l’idée générale.


L’album pourrait facilement être la bande-son d’un film d’horreur, terrifiant mais fascinant. A son écoute, on se sent comme pris dans un piège duquel on n’a pas envie de s’échapper...
Oui, le but était de prendre tout ce qu’on a écouté de plus abstrait ces derniers temps et d’en faire une expérience musicale pour les fans. On a vraiment envie que l’auditeur soit partie prenante de la musique, qu’il l’interprète à sa façon. On a produit un album très abstrait, mais l’imagination peut combler les blancs incompris. J’espère que l’on réussit à produire une espèce de catharsis, quelque chose qui marque les esprits même si l'on ne se souvient pas vraiment de ce que l’on vient d’entendre.

L’utilisation de samples et d’électronique est très présente sur cet album. Est-ce que cela donne encore plus de consistance à la musique ?
Je ne sais pas car au départ on n’avait pas prévu tous ces samples. C’est par la suite que l’on a introduit la technologie et l’électronique, donc la musique a radicalement changé entre ce que nous avons écrit au départ et ce que tu entends sur l’album. C’est pendant les concerts post-COVID qu’on a expérimenté par mal de sons et cela a beaucoup affecté la façon dont on a évolué. Ça fait partie de notre personnalité actuelle. Peut-être qu’on en utilisera plus à l’avenir.


Vous apprenez tout le temps en somme...
Oui, c’est très important pour nous. On n’a pas de vision stricte de ce que l’on veut être ou devenir. Bien sûr, on a une idée ce que l’on ne veut pas, mais on n’hésite pas à tester les idées de chacun d’entre nous, pour voir où cela nous mène. Les visions originales font toujours avancer. Au pire, cela montre qu’on ne veut plus refaire telle ou telle chose.

De toute façon, vos fans vous suivent, quoi qu’il arrive...
Euh non, ça je ne sais pas ! Mais en tous cas, je pense que si tu fais quelque chose qui a du sens pour toi, les autres approuveront ta démarche, même s’ils ne sont pas d’accord. Ils ne te suivront peut-être plus, mais tu garderas ton intégrité, c’est très important. Et puis, il y a quand même quelque chose d’universel dans la musique. On trouvera bien quelqu’un dans le monde à qui notre musique parle !

Est-ce que vous fédérez de plus en plus de fans ou votre public change-t-il d’album en album ?
J’ai l’impression que l’on fédère pas mal de fans de différents milieux. On a des personnes qui nous suivent qui n’écoutent pas de metal par ailleurs. C’est intéressant de savoir qu’on peut attirer toutes sortes de personnes. Mais on ne fait pas nos albums en fonction de leur répercussion potentielle. Certains aiment notre premier album, d’autres personnes aimeront le dernier. Ça nous va.

Est-ce que vous avez déjà des projets de concerts, de tournées à venir ?
Oui, on tourne avec SÓLSTAFIR en décembre et mars et ensuite, l’année prochaine, on va pas mal tourner, notamment en France car on a un public qui nous suit particulièrement là-bas. Donc à très bientôt !


L'album « Muuntautuja » d'ORANSSI PAZUZU est disponible chez Nuclear Blast Records depuis le 11 octobre 2024.

Blogger : Aude Paquot
Au sujet de l'auteur
Aude Paquot
Aude Paquot est une fervente adepte du metal depuis le début des années 90, lorsqu'elle était encore... très jeune. Tout a commencé avec BON JOVI, SKID ROW, PEARL JAM ou encore DEF LEPPARD, groupes largement plébiscités par ses amis de l'époque. La découverte s'est rapidement faite passion et ses goûts se sont diversifiés grâce à la presse écrite et déjà HARD FORCE, magazine auquel elle s'abonne afin de ne manquer aucune nouvelle fraîche. SLAYER, METALLICA, GUNS 'N' ROSES, SEPULTURA deviendront alors sa bande son quotidienne, à demeure dans le walkman et imprimés sur le sac d'école. Les concerts s'enchaînent puis les festivals, ses goûts évoluent et c'est sur le metal plus extrême, que se porte son dévolu vers les années 2000 pendant lesquelles elle décide de publier son propre fanzine devenu ensuite The Summoning Webzine. Intégrée à l'équipe d'HARD FORCE en 2017, elle continue donc de soutenir avec plaisir, force et fierté la scène metal en tout genre.
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