26 octobre 2024, 23:59

HANGMAN'S CHAIR + DOOL

@ Wasquehal (The Black Lab)


En ce samedi soir, le Black Lab est loin d’afficher complet pour une affiche pourtant alléchante. DOOL et HANGMAN’S CHAIR, deux groupes si proches que les Parisiens ont invité Raven, le pilier charismatique au micro et à la guitare de DOOL, à enregistrer avec eux leur récent single "2 AM Thoughts", bâtissent des univers sombres et captivants. Si les Néerlandais tissent des rêves fragiles, les Français dessinent une réalité grise. A deux heures du matin, vaut-il mieux se noyer dans un cauchemar ou, les yeux ouverts d’insomnie, ressasser ses tourments ?

DOOL, porté par son excellent dernier album, « The Shape Of Fluidity », dont sept titres sont joués ce soir, enveloppe, au gré de lumières chaudes, l’auditoire dans la profondeur d’un doom qui glisse vers le dark-rock. Des chansons émanent de noirs effluves, bien sûr, mais ces fleurs de la nuit scintillent parfois sous la clarté d'une pleine lune - "Wolf Moon" ? Jamais l'obscurité n'est totale...

La longue intro, parsemée de bruits étranges, ouvre sur l’univers du quintet. Une atmosphère onirique s’étend et enveloppe la salle... avant d’exploser dans la cavalcade de "Venus In Flames", étoile qui meurt en une supernova instrumentale. Dès ce premier titre, Raven, la chanteuse née hermaphrodite, brille de son charisme étincelant. Sa voix envoûtante, parfois rauque, presque incantatoire, magnifie les mélodies du groupe ("The Shape Of Fluidity"), se marie à merveille avec un son de basse qui bâtit comme un cocon autour d’elle. Reine de la scène, elle vibre sur les morceaux qui semblent toucher à l’intime ("Evil In You"). Elle alterne au solo avec Nick, s’adresse au public. Elle précise que « c’est notre première fois à Lille. Vous êtes sexy ! » ou invite à « suivre ses rêves, ne pas briser ses rêves d’enfant » avant de lancer le bien nommé "House Of 1000 Dreams", étonnante danse nostalgique. Lourdeur ("Self-Dissect", "Hermagorgon") et groove ("The Hand Of Creation") sont au rendez-vous pour donner naissance à des compositions puissantes qui donnent envie d’headbanger en rythme avec les musiciens – peut-être pas avec l’intensité de JB, bassiste positionné quelque peu en retrait mais totalement investi.
Des moments de grâce parsèment les 70 minutes de ce concert comme le début inquiétant de "The Alpha", la reprise de "Love Like Blood" (KILLING JOKE) nimbé d’un désespoir asséné avec force ou, en guise de conclusion, le premier single de DOOL, un "Oweynagat" hypnotique, résumé parfait des talents du groupe, entre lenteur funèbre, guitares lumineuses, solo de classe et voix tout en mystère enjôleur.

HANGMAN’S CHAIR est une soirée de suie, de pluie quand un brouillard poisseux tombe sur une ville anonyme de solitude, brutalement, d’un coup, comme le corps d’un suicidé sur un trottoir sale. Le groupe, après une intro electro, trace à la craie les contours du malheureux, dans la colère d’un "Cold and Distant", édifiés sur des riffs teigneux ; ils finissent par céder, sur le refrain, face au désespoir qui s'empare de la voix, écho de tristesse, de Cédric.

Le lent et pesant "An Ode To Breakdown" poursuit la visite angoissante des méandres dépressifs de « A Loner ». Si le chanteur ne s’adresse pas au public, Julien, en position centrale, est démonstratif derrière sa guitare. A la basse, Clément harangue la salle quand démarre "Who Wants To Die Old", sublime titre d’inspiration cold-wave porté par des vocaux fantomatiques. Ainsi se clôt le premier chapitre d’un concert qui se lit comme un roman de Série Noire où la grisaille urbaine ronge les corps et les âmes. L’étouffant "Dripping Low", quand la lourdeur de la basse contraste avec un chant plaintif, précède la visite d’une Banlieue triste. La réverbération sur "04/06/16" – élan hypnotique arrimé à un socle de béton – hante le Black Lab prisonnier d’un charme trouble qui ne se dissipe pas quand résonne "Naïve".

Après cette plongée dans son passé récent, HANGMAN’S CHAIR se tourne vers son futur proche. Les Franciliens présentent trois titres de « Saddiction » dont la sortie est prévue pour février 2025. Les années 80, la cold-wave et, toujours, ces échos lancinants peuplent le nouveau single "Kowloon Lights", noyade dans l’anonymat des mégalopoles. Raven van Dorst revient ensuite mêler son talent à celui de Cédric pour un "2 AM Thoughts" d’où jaillissent complicité mélodique et étrangeté musicale. Magnifique, comme la prestation de Mehdi à la batterie, entre frappes sèches et souvenir des heures hardcore du groupe.
Pour boucler le cercle de la désespérance, de l'errance hagarde, le concert s’achève sur le dernier titre de « A Loner », le long et bouleversant "A Thousand Miles Away". Les yeux sont clos pour éviter que ne coulent les larmes.

Photos © Sébastien Feutry | Portfolio

Blogger : Christophe Grès
Au sujet de l'auteur
Christophe Grès
Christophe a plongé dans l’univers du hard rock et du metal à la fin de l’adolescence, au tout début des années 90, avec Guns N’ Roses, Iron Maiden – des heures passées à écouter "Live after Death", les yeux plongés dans la mythique illustration du disque ! – et Motörhead. Très vite, cette musique devient une passion de plus en plus envahissante… Une multitude de nouveaux groupes a envahi sa vie, d’Obituary à Dark Throne en passant par Loudblast, Immortal, Paradise Lost... Les Grands Anciens – Black Sabbath, Led Zep, Deep Purple… – sont devenus ses références, comme de sages grands-pères, quand de jeunes furieux sont devenus les rejetons turbulents de la famille. Adorant écrire, il a créé et mené le fanzine A Rebours durant quelques années. Collectionneur dans l’âme, il accumule les set-lists, les vinyles, les CDs, les flyers… au grand désarroi de sa compagne, rétive à l’art métallique.
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