6 février 2025, 19:55

JINJER

Interview Vlad Ulasevich

Blogger : Tom Binet
par Tom Binet


A une semaine de la sortie du cinquième album studio de JINJER, « Duél », nous avons pu échanger avec Vlad Ulasevych. Le tournant heavy voulu par le groupe ukrainien, son rôle dans la composition ou encore ses souvenirs live en France et le retour attendu au Hellfest cette année : le batteur de la bande se confie depuis Varsovie.
 

Après plus de deux ans de travail, comment te sens-tu à une semaine de la sortie de l'album ?
Nous avons déjà sorti cinq singles, donc pour moi c'est simplement une sortie de plus. Nous sommes satisfaits à 100% sur toute la ligne et j'ai l'impression que les gens l'apprécient également. Les meilleurs retours que nous avons eus ont été sur "Green Serpent", qui est la chanson la plus simple que nous ayons écrite, avec même une répétition en son sein.

Quelles sont les principales évolutions que vous avez voulu inscrire dans cet album ?
Tout d'abord, il est bien plus heavy que les précédents. Les guitares sont plus heavy et la batterie est largement plus produite qu'auparavant. Ensuite, nous avons fait en sorte qu'il soit plus facile à comprendre, ce n'est plus aussi progressif que ce que nous avions l'habitude de faire. Parfois, les gens pensent que seuls les plus spécialistes peuvent écouter notre musique, mais cet album s'adresse à tout le monde, je crois. J'en suis heureux. C'est simple, mais toujours aussi intéressant. Enfin la troisième évolution majeure, c'est la manière dont nous avons enregistré les voix. Pour la première fois, nous avons fait des démos de chaque morceau avec Tatiana (Shmayluk, chanteuse du groupe, NDLR). Elle est venue nous voir à Varsovie pendant deux mois. Cela nous a permis d'avoir des harmonies très sympa, nous avons eu le temps de changer certaines lignes vocales, etc. Au moment d'enregistrer les versions finales, c'était vraiment facile, il n'y avait plus la moindre improvisation. Cela fait une grande différence.

Je voulais te poser une question spécifiquement sur la première chanson, "Tantrum", qui me semble être un bon résumé de l'album entre des parties très heavy, mais également un passage plus mélodique. Était-ce le plan dès le départ ?
Nous avons beaucoup discuté de quelle chanson devrait être la première de l'album. "Tantrum" a été composée par Eugene (Abdukhanov, bassiste du groupe, NDLR) et il voulait débuter avec un morceau hardcore, qui te frappe directement au visage (rires). Je crois que c'est un très bon choix, ça fonctionne très bien.

"A Tongue To Sly" contient certaines des parties les plus groovy de l'album. Ton passé de pianiste impacte-t-il ta manière d'écrire et ton jeu au sein de JINJER ?
Depuis que j'ai terminé mes études de musique, je ne joue plus vraiment de piano. Ce que je compose, je le fais à la guitare. Pour certaines mélodies, disons que je peux avoir une inspiration classique, c'est dans ma tête, je ne peux pas vraiment le changer. Mais pas de piano. Une fois j'ai joué Rachmaninov, tu peux aller voir sur YouTube, c'est bien mais trop stressant pour moi, ça m'a rappelé à quel point c'est difficile de jouer du piano à haut niveau. Après cela, j'ai fermé le piano et je me suis dit « pas pendant les cinq prochaines années » (rires).

Tu es très impliqué dans la composition des chansons au sein de JINJER. Comment fonctionnez-vous de ce point de vue ?
Si on parle des morceaux que j'écris, je compose des riffs de guitare pour construire une chanson autour de ça. Ensuite je rajoute une ligne de basse et ce que nous avons pris l'habitude d'appeler "dirty drums", simplement pour pouvoir comprendre quel groove je veux dans cette chanson et avec ce riff. Par la suite je l'envoie aux autres et s'ils l'approuvent, chacun fait les arrangements de son instrument. Parfois Roman (Ibramkhalilov, guitariste du groupe, NDLR) fait la batterie pour moi, je peux faire la ligne de basse pour Eugene et une fois que c'est terminé, nous enregistrons une démo pour l'envoyer à Tatiana.


Durant tout ce processus, comment imaginez-vous les gens au moment d'écouter votre musique ?
Je n'y pense pas de cette manière, on écrit simplement de la musique qui nous plaît. C'est tout (rires). Par la suite, on espère juste que les gens comprennent notre musique et l'apprécient autant que nous. Nous ne pensons jamais à comment les gens vont l'écouter.

Concernant les paroles, comment décidez-vous des sujets sur lesquels vous écrivez ?
C'est Tatiana qui s'occupe de tout à ce niveau, elle écrit toutes les paroles. Sur de précédents albums, certaines chansons étaient écrites par Eugene, mais sur celui-ci, tout a été écrit par Tatiana. Tout ce qui concerne la voix, c'est son affaire. Elle est extrêmement douée, je me demande parfois si c'est un génie.

Vous avez une nouvelle fois fait appel à Max Norton pour la production de l'album. Quel est le secret derrière une aussi longue collaboration ?
Max comprend ce que l'on veut. C'est vraiment important. Quand un producteur collabore avec un groupe, nous avons beaucoup d'opinions, donc il est impossible de travailler avec un producteur qui ne suivrait que son propre avis. Il doit faire ce que nous voulons. Avec Max, nous pouvons échanger profondément sur comment nous voulons le son de chaque instrument... Pour cet album, nous voulions que les guitares soient particulièrement heavy, donc nous en avons parlé avec lui longtemps en amont. Nous avons fait de nombreux essais avec Roman, cela a représenté un long travail et il apprécie de le faire avec nous. Ou en tout cas, c'est ce qu'il dit (rires).


Il s'agit de votre premier album depuis le début de la guerre en Ukraine. Comment ce contexte a-t-il impacté votre manière d'écrire et de produire cet album ?
Deux morceaux, "Kafka" et "Tumbleweed" ont été écrits sous les bombes, quand nous étions encore à Kiev au moment où la guerre a commencé. Nous y sommes restés de février à mai 2022 et c'était un moment très dur pour nous. A titre personnel j'ai peur de tout, donc pour moi c'était particulièrement stressant. Composer de la musique était la seule chose qui m'aidait à ne pas perdre la tête. J'étais en permanence assis chez moi à jouer de la guitare.

Dans la foulée vous êtes venus jouer au Hellfest en tant qu'ambassadeurs de l'Ukraine, et vous serez de retour à Clisson cet été. Quel souvenir gardes-tu de ce concert de 2022 dans ce contexte, et qu'est-ce qui a changé pour vous trois ans plus tard ?
(Il hésite) Nous ne vivons plus dans notre pays. Beaucoup de choses ont changé, déjà nous sommes plus vieux de trois ans. Je crois que nous avons tous des goûts qui ont évolué en termes de musique, tout est différent. Mais j'espère bien que le public français est toujours aussi fou qu'au Hellfest cette année-là. Je suis persuadé que ce sera un show magnifique.

Le festival essaie depuis quelques années de promouvoir des groupes féminins. Quel est ton point de vue sur le sujet ? Y a-t-il des groupes que tu aimerais voir se produire au Hellfest dans les années à venir ?
Tu sais, quand les gens parlent de groupes de metal féminin ou avec une chanteuse, on ne se sent pas vraiment appartenir à cette définition. Nous sommes juste un groupe, dont la personne qui chante est une femme. Nous nous voyons uniquement comme un groupe de metal classique, tu vois ?


En parlant de tournée, comment vous êtes-vous retrouvés à accompagner SEPULTURA pour sa tournée d'adieux ? Est-ce que tu peux nous raconter ?
C'était à la fois un rêve et un grand honneur de jouer avec des légendes comme eux. Je suis personnellement un grand fan, y compris du SEPULTURA avec Derrick (Green, chanteur du groupe depuis le départ de Max Cavalera, NDLR). J'aime beaucoup tout ce qu'ils ont fait depuis 1998 et tous ces albums jusqu’à présent. C'était absolument génial, j'ai beaucoup apprécié la vibe pendant la tournée. Je peux appeler les gars de SEPULTURA "mes amis", donc à chaque fois qu'on va à São Paulo ou qu'ils jouent à Kiev, on fait de grandes fêtes ensemble. Ils ont un nouveau batteur, Greyson (Nekrutman, NDLR), c'est un mec super gentil, on est devenus potes. Nous avons passé le mois de décembre à jouer en Amérique latine et Paulo (Jr, bassiste du groupe, NDLR), Derrick, et Greyson sont venus à notre concert et on a de nouveau passé un super moment tous ensemble. Ce sont les meilleurs, je les aime (rires).

Vous êtes évidemment venus jouer en France de nombreuses fois. Est-ce que tu voudrais nous raconter un souvenir spécial lié à la France, qu'il soit lié à la musique ou pas ?
La première fois que nous avons joué au Motocultor a été un choc pour moi. Je crois que nous jouions à 13h et nous pensions que personne ne viendrait nous voir. C'était en 2018. Finalement, il y avait un immense mosh-pit, tout le monde était complètement fou. C'est d'ailleurs la première fois que nous avons rencontré SEPULTURA, qui jouait le soir-même en tête d'affiche. Ce concert restera dans mon cœur pour toujours. Il y avait une scène extrême où jouaient des groupes comme ORIGIN, DYING FETUS et il y avait le public le plus dingue que j'aie jamais vu à cette époque.
 

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1 commentaire

User
Ric N
le 08 févr. 2025 à 14:46
Super interview ? tout en écoutant le dernière album qui est une véritable continuité dans le mouvement de Jinjer, plusieurs fois vus en concert que se soit en petite salle ou en festival il sont exceptionnels. Merci a eux ❤️.
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