
A tous ceux qui pensent que la terre est plate mais qui ne se sont jamais rapprochés du bord pour vérifier ; à ceux qui pensent sauver la planète avec leur trottinette électrique et leur trois panneaux solaires sur le toit ; à ceux qui s'obstinent à manger avec des baguettes au restaurant asiatique pour faire style (allez-y en kimono pendant que vous y êtes !) : bravo ! Croire en votre folie, aussi intangible ou absurde soit-elle, c'est quelque part lui donner corps et par là s'ouvrir la possibilité d'avoir, peut-être, un jour raison. C'est un peu comme ici dans cette rubrique où chaque mois nos 3 indéfectibles chroniqueurs se persuadent, VOUS persuadent, d'avoir trouvé l'album de l'année ou le groupe de demain... Et puis en fait non. Ou pas sûr. Du coup, ils réitèrent le mois suivant. Inlassablement. Possiblement que le metal soit leur folie... Et vraisemblablement la vôtre !
Bonne écoute !
SHED THE SKIN : « The Carnage Cast Shadow » (Hells Headbangers)

Avec pas moins de 4 albums au compteur (« Harrowing Faith » en 2016, « We of Scorn » en 2018, « The Forbidden Arts » en 2020 et « Thaumogenesis » en 2022), la formation de death metal native de Cleveland qui compte le batteur Kyle Severn (INCANTATION) dans ses rangs ainsi que 2 membres de RINGWORM (le guitariste Matt Sorg et le bassiste Ed Stephens, excusez du peu) ne fait toujours pas dans la dentelle ou le point de croix. Compréhensible vu le CV bien garni de chacun des musiciens !
Du métier, il y en a mais bien plus encore : l'art de la bonne formule s'exprime dès les premières notes de l'album. Les riffs principaux sont minutieusement choisis, bien emmenés et percutants (« Henge Tomb », « Crook of the Sacred Skies »). Quelques jolis soli épars agrémentent le tout (« Formorian Hordes ») et même si ladite formule tend à s’essouffler au fur et à mesure, on reste néanmoins sur un niveau de qualité très au-dessus de la concurrence, même un cran au-dessus des albums précédents.
La pépite de l'année... en attendant le mois prochain bien sûr !
(Crapulax)
BENEDICTION : « Ravage of Empires » (Nuclear Blast Records)

Le vieillissement n'est pas juste une histoire de population, cela existe aussi chez les musiciens de metal ! Les rides gagnent irrémédiablement du terrain, le gras du bide aussi à tel point qu'on ne voit plus que le bout des chaussures. Le crâne commence à se dégarnir un peu, beaucoup, passionnément... L'ouïe et la vue baissent aussi de manière significative et il n'est pas rare pour certains de désormais devoir se gratter les testicules au niveau des genoux.
Bref ! Ça commence à sentir le moisi !
Néanmoins, la passion du metal reste chez ces groupes vieillissants présente malgré les ravages du temps et quel parfait exemple que ce dernier BENEDICTION (qui en est une de bénédiction, du coup !).
Les titres de gloire s'enchaînent comme à la grande époque (« A Carrion Harvest », « Beyond The Veil Of The Grey Mare ») renforçant l'impression que le temps n'a pas de prise notamment grâce à Giovanni Durst totalement impérial derrière ses fûts (« Deviant Spine »). On a même droit au Dave Ingram des grands soirs au niveau growls bref à du tout bon ! Comme quoi c'est encore dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe !
(Crapulax)
KHÔRA : « Ananke » (Les Acteurs de L’ombre Productions)

Deuxième album pour KHÔRA, groupe international de black metal, « Ananke » se veut mélodique, atmosphérique et orchestral. Formé en 2012 en tant que one-man band, c’est bien en quatuor que les musiciens se sont réunis pour sillonner le chemin de l’extrême sur les traces du symphonique DIMMU BORGIR ou du plus avant-gardiste ARCTURUS, avec une touche de prog à la IHSAHN. Si les premiers morceaux de cet intéressant « Ananke » font la part belle à des rythmes blastés et des hurlements épiques et riffs tourbillonnants, "Wrestling Of The Gods" et "In The Throes of Ascension" donnent beaucoup de place aux claviers. Au contraire, "On A Starpath" se veut très prog et expérimental, avec sa voix claire et ses growls caverneux, ses dissonances et son rythme mid tempo. Une vraie pépite de black metal original, à l’instar du très riche "Supernal Light". "Crowned" et ses effets sonores intrigants, son rythme lent et son côté sombre se veut lent, lourd, imposant alors que "The Sentinel" est exacerbé, démoniaque. KHÖRA a su s’entourer de personnalités prestigieuses pour parfaire son concept tels que Rune Eriksen (« Blasphemer », ex-MAYHEM) ou Kristian Niemann (ex-THERION), entre autres. Cela donne un album des plus réussis.
(Aude Paquot)
IDOLOS : « 132019 » (Adipocere Records)

Avec un concept étonnant et pour le moins original comparé à ses homologues de la scène underground, les français d’IDOLOS nous présentent cette année leur premier LP « 132019 », après tout de même trois EPs depuis 2020. Evoluant dans un black metal atmosphérique et céleste, le duo se présentent comme des entités venues de Venus pour sauver l’humanité de son autodestruction. C’est un court résumé mais comme ce qu’IDOLOS veut, c’est capter notre attention, ces quelques mots suffisent. Voilà pour le fond. La forme est tout aussi attractive avec un black metal bourré d’ambiances, de nuances et de sons avant-gardistes. Les vocaux transcendés, les rythmes lourds et au contraire les claviers aériens donnent une réelle puissance à un album complètement hypnotique avec des titres comme "The Last Door" ou "Three Glorious Suns". L’excellent et fouillé "Thick Fiery Hair", véritablement pesant par moments mais plus léger que l’air à d’autres n’a absolument rien à voir avec le martelé, dissonant mais aussi très rock et psyché "Permanent Separation" qui clôture « 132019 ». Bref, IDOLOS vient clairement d’un autre monde et apporte avec lui de quoi rassasier nos oreilles en quête de sons exotiques. Extrêmement perspicace, audacieux, mystérieux. A découvrir.
(Aude Paquot)
PRIMAL AGE : « Until the Last Breath » (WTF Records / Diorama)

Défenseur bec et ongles d’un style conjuguant hardcore et metal depuis plus de trois décennies, le clan normand revient en force avec un quatrième album dans sa besace. Et le moins que le puisse dire c’est qu’avec « Until the Last Breath », PRIMAL AGE ne s’est pas assagi avec le temps... loin de là ! Pas forcément frondeur au point de bouleverser les codes du genre, il n'en demeure pas moins résolu à tirer son épingle du jeu avec l’ambition de frapper une nouvelle fois juste et fort. Bonne nouvelle : ça fonctionne. Et c'est là toute la force du groupe qui souffle le chaud et le froid sur chacun de ces dix titres qui alternent breaks lourds et mélodies imparables. Comme le faisaient avec brio leurs cousins belges d’ARKANGEL, LIAR ou LENGTH OF TIME à la fin des années 90, le programme est ici alléchant. Riffs directs-coups de boules garantis, basse clinquante comme un coup de latte bien placé et descentes de toms qui résonnent comme autant d'appels à la baston : oui, c’est jouissif... et massif aussi ! Mais PRIMAL AGE sait aussi aérer la douloureuse à mi-parcours avec un « Madness » qui laisse un temps de respiration bienvenu. Pas de doute, nos vétérans maîtrisent leur sujet sur le bout des didis et garantissent une fois encore avec ce nouvel album un travail d’orfèvre et dévoué à la cause !
(Clément)
MATRAQUE : « Nature Morte » (Ashen Tree Records)

Forcément lorsque s’invite à la fête un groupe qui porte pour patronyme MATRAQUE, l’on arbore comme un léger rictus de douleur avant d’avoir même posé la galette sur le mange-disque. Et il y a de quoi, car le quartet biélorusse n’est pas du genre à faire le boulot à moitié sur son premier album qui se pose comme un sérieux concurrent en termes de noirceur et de violence. Son doom mâtiné d’un sludge goudronneux et boursouflé d’écrasants mid-tempos crasseux assurera à coup sûr de nombreuses heures sombres à ceux et celles qui s'y fourvoieront. Le style est ici étouffant, ponctué de convulsions qui piquent autant à GRIEF qu’à CURSED, et symbolise à merveille l’incarnation du dégoût et de la colère. MATRAQUE dévoile sur ce premier album un son dévastateur qui enfile du gros calibre sans jamais baisser la garde. Le batteur et le bassiste sont d’une précision redoutable, à l’aise dans tous les scénarios. Mais à n’en point douter c’est le brailleur en chef qui rafle la mise tant ses vocalises haineuses sonnent justes et désespérées. Avec ses cinq morceaux, pour un peu moins de quarante minutes poisseuses, le programme proposé sur « Nature Morte » augure d’un futur prometteur pour ce groupe… tout droit sorti des enfers.
(Clément)