14 novembre 2025, 17:00

DYING WISH

Interview Pedro Carrillo


Forts d’un passage au Hellfest en 2024, les Américains DYING WISH sont de retour en France dans le cadre de leur tournée avec MALEVOLENCE, SPEED et PSYCHO-FRAME. L’occasion pour eux de nous dévoiler des extraits de leur tout dernier album « Flesh Stays Together » sorti fin septembre. Si on retrouve aisément les racines metalcore et les textes sans concessions qui sont la marque de fabrique du groupe, ce nouvel album marque une avancée vers encore plus d’énergie mise au service d’une émotion intense et authentique. Pedro Carrillo, guitariste et co-parolier de DYING WISH, se livre avant de monter sur scène.
 

« Flesh Stays Together » est votre troisième album en quatre ans. Peut-on dire que vous avez beaucoup de choses à nous dire ? (rires)
Absolument. À chaque fois qu'on termine un album, on se dit : « OK, ça c’est fait. Et maintenant ? » On a déjà envie d'écrire de nouveaux morceaux et de noter nos idées pour la suite, que ce soit visuellement ou musicalement parlant : si on veut un son plus lourd, si on veut chanter davantage, ou si on veut faire quelque chose de différent. Je pense qu'avec le nouvel album, on a vraiment exploré des pistes inattendues, mais je crois que ça a porté ses fruits. Je pense que ça vient du fait qu'on est tou.te.s très créatif.ve.s et artistiques et qu'on travaille énormément sur la musique. On pense donc toujours à des choses différentes et on essaie de voir ce qu'on pourrait en faire ensuite.

Certains artistes ont besoin de laisser décanter, de faire des pauses. Ça n’est pas forcément le cas pour vous ?
Évidemment, c’est très bien de faire des pauses. On a parfois le syndrome de la page blanche ou alors on est en manque d'inspiration. Mais bon, on parle souvent du monde, de la politique et de ce genre de choses. Du coup, il y a malheureusement encore beaucoup à dire vu la situation actuelle. 

Pour cet album, vous avez travaillé avec Will Putney de FIT FOR AN AUTOPSY. Comment s’est décidée cette collaboration ?
Le producteur qui a fait nos deux premiers albums, Randy LeBoeuf (connu pour avoir travaillé avec BOUNDARIES, THE ACACIA STRAIN, etc. - NDLR) est un ami très proche de Will Putney. Will et lui sont littéralement les deux personnes qui contribuent au son des meilleurs groupes dans notre genre musical. Donc quand nous avons voulu tester quelque chose de nouveau, ça nous a paru naturel de faire appel à Will. Nous adorons nos deux premiers albums, leur rendu et la réception qu’ils ont eue. Je pense qu'au fil des années, nous avons toujours eu envie de nous surpasser, de chercher à faire quelque chose de différent tout en essayant de faire mieux que l’album précédent. Nous avons eu beaucoup de chance que Will soit disponible. Son parcours est évidemment incroyable : il a joué dans beaucoup de groupes géniaux et il a enregistré pour de nombreux groupes fantastiques, donc je pense que ça a très bien fonctionné pour nous.

Est-ce qu’il vous a aidé.e.s pour la composition ou l’écriture des paroles, en plus du travail de production ?
Oui, il a vraiment beaucoup contribué aux riffs et aux paroles. Parfois, Emma et moi parlions d’une chanson pour laquelle tout était enregistré et on se disait : « On peut faire mieux. ». Et là, il répondait : « Ah bon ? Qu'est-ce que tu veux dire ? » et il nous aidait. Il a aussi ce don de trouver des idées qui te font penser : « Ah oui, on aurait dû faire comme ça dès le départ » et ce genre de choses.

J’ai cru comprendre qu’il vous avait hébergé.e.s pendant l’enregistrement. Comment ça s’est passé ?
On a vécu chez lui pendant un mois, à raison d'une semaine sur deux. Il y avait trois niveaux : un studio au sous-sol, le salon au milieu, et à l'étage, Emma et moi enregistrions les voix et écrivions les paroles pendant que les autres composaient les guitares et tout le reste au sous-sol. Chaque jour, ils commençaient par le bas, puis ils nous envoyaient des morceaux à l'étage. On les écoutait et on se disait : « Voilà le sujet de celui-ci. » Ensuite, on faisait une pause d'une heure pour manger et on retournait au travail. C'était un peu comme un atelier ou une fabrique à musique. L’avantage, c’est que même si une idée nous venait en dormant, on pouvait l’enregistrer de suite pour ne pas l’oublier.

Est-ce qu’il y a une idée ou un morceau dont tu te rappelles qui a bénéficié de ce mode de création ?
Je crois que "Revenge In Carnage" est une chanson pour laquelle on s'est tous dit : « Celle-ci est vraiment intense. » On écrivait les paroles et c'est venu tout seul, c'était super facile. Et puis il y a d'autres chansons comme "Flesh Stays Together" : une ballade d'amour qu'Emma et moi avons écrite sur nos partenaires respectifs. Cette chanson aussi est venue très facilement parce qu'elle parle d'amour, tout simplement. Certaines chansons sont très faciles à écrire : quand on les écoute, on se dit : « Je sais exactement ce que je veux dire. » Mais pour d'autres, c'est plutôt : « Je ne sais pas… Qu'est-ce qu'on peut bien dire maintenant ? »


​Votre groupe est connu pour avoir des textes engagés. Est-ce que certaines chansons de cet album peuvent avoir plusieurs niveaux de lecture ?
Oui. Par exemple pour "Flesh Stays Together", on peut penser que c’est juste une chanson d’amour. D’après les autres membres du groupe, elle est même accrocheuse. Mais quand j’écris, il faut savoir que je pense à des films. Pour ce morceau, j’ai pensé à "Raw" dans lequel une fille goûte de la chair humaine par accident pour la première fois, avant de devenir accro. À la fin, on découvre que sa famille était cannibale depuis le début. Et ils disent : « C'est normal. » Du coup, je me suis dit : « Bizarre. » Tu vois, ce que tu fais avec ton groupe, c'est comme avec ta famille. La chair, c'est la forme symbolique physique de ce lien indéfectible qui nous unit. Comme tu l'as dit, ça peut être interprété de différentes manières : toxique, romantique, humanitaire, voire même religieux, parce que le corps du Christ est un thème récurrent dans la Bible. Pour moi, ça a pris un sens différent selon les personnes.

Je l’ai aussi compris du point de vue de la santé mentale : le corps est là et se maintient mais l’esprit est fragilisé...
Exactement, il peut y avoir autant de points de vue que de personnes qui écoutent !

Des titres comme "Moments I Regret" et "Heaven Departs" sont très profonds en termes de paroles, notamment parce qu’ils abordent les traumatismes familiaux et le deuil. N’est-ce pas trop dur de les interpréter en live ?
En réalité, non. Quand Emma et moi écrivons, notre but est toujours d'être aussi honnêtes que possible, même si le résultat n'est pas forcément joli ou joyeux à entendre. On y met beaucoup de choses qu'on porte en nous. Ces deux chansons en particulier parlent d’émotions qu’on a toujours ressenties. Elles évoquent les tragédies personnelles qu'on traverse dans la vie. Plus on vieillit, plus la mort nous entoure : on perd ceux qu'on aime, on vieillit et c'est tout. C'est la vie, malheureusement. Il s'agit d'accepter tout ça, d'affronter le passé, de nous préparer à l'avenir et de tout gérer ensemble. Ce sont des textes très lourds sur une musique très lourde aussi, ça va de pair.


Vocalement, Emma est capable d’aller dans absolument tous les registres. Comment décidez-vous quelle partie de sa palette vocale elle va utiliser selon tel ou tel passage ?
Ça vient beaucoup d'elle. On voulait aussi explorer la façon dont des groupes comme LIFE OF AGONY, TYPE O NEGATIVE et ONLY LIVING WITNESS parviennent à chanter sur des parties très lourdes, ce qui implique plus de chant. Je suis d'accord avec Emma et par moments, elle chante sur des riffs qui, s’ils étaient accompagnés par une autre voix, pourraient passer pour un breakdown alors que là, c'est juste un couplet. On essaie de jouer avec ce contraste : parfois, on chante sur des parties très lourdes, et d'autres fois, on chante juste sur les refrains, sur des tonalités un peu plus sombres que sur les deux derniers albums. Je pense que ça change beaucoup de choses pour son chant. On essaie juste de donner le meilleur de nous-mêmes.

L’album est très riche en passages lourds et en même temps, il est très chargé en émotions. Vouliez-vous atteindre une sorte d’équilibre entre les deux ?
Non, je pense surtout que DYING WISH a toujours été très bon pour faire des singles doux et d’autres plus lourds. Et puis, dans cet album, on voulait pousser le concept à fond : rendre les titres lourds incroyablement puissants et faire en sorte que les titres doux ressemblent à des paysages ou à des mondes et qu'on ressente des émotions. C’est surtout le cas avec "Nothing Like You" : quand Emma l'a enregistrée, ça m'a donné la chair de poule parce que les parties chantées étaient vraiment magnifiques, beaucoup plus belles que ce que j'aurais cru possible. Et même dans "Flesh Stays Together" : quand elle chante le pont, ce passage est vraiment glacial, il est incroyable.

Est-ce que tu penses qu’Emma sent qu’elle a un rôle de modèle pour d’autres musiciennes ?
Non, pas vraiment, et c’est un peu ce qu’aborde le titre "I Don’t Belong Anywhere". Pendant longtemps, on a été catégorisé comme un groupe avec une chanteuse, alors qu’on peut tourner avec n'importe qui : on vient du hardcore, on n'a pas peur d'assumer qui on est. C’est tout le propos de la chanson "I Don’t Belong Anywhere". C'est pour dire : « Voilà qui je suis ». Si ça ne vous plaît pas, tant pis, je ne veux pas que ça vous plaise. Mais si vous aimez, je suis super content que vous soyez là, parce qu'il y en a plein d'autres comme nous.

En parlant d’affirmer vos opinions, vous avez collaboré à la réalisation d’un t-shirt dont les profits sont versés à la cause palestinienne. Peux-tu m’en parler ?
On nous a proposé de figurer sur ce t-shirt et, même si ce n'était pas notre idée, c'était une évidence. Emma, ​​en particulier, s'est exprimée à maintes reprises sur la crise palestinienne qui persiste malgré les tentatives des États-Unis de l'ignorer. Et oui, surtout dans des cas comme celui-ci, nous tenons toujours à affirmer clairement nos convictions. C'était pour une noble cause.


Tout à l’heure, tu parlais d’envisager la musique d’après des films. Peux-tu me parler de la co-réalisation des clips de "I Don’t Belong Anywhere", "Revenge In Carnage" et "I’ll Know You’re Not Around" ?
Ça a représenté beaucoup de travail ! C'était vraiment très amusant et très gratifiant. J’ai travaillé avec le réalisateur Eric Richter qui a réalisé tous les grands clips de ces cinq dernières années. Son parcours est incroyable. Nous avons commencé par discuter en nous demandant : « Qu'est-ce qu'on veut faire ? ». Je pense que beaucoup de gens ont des idées, mais quand il faut s'asseoir et les rendre compréhensibles pour le spectateur, c'est là que tout se joue. C'est comme la réalisation de films, mais en décuplant cet univers. J'ai énormément appris. C'était vraiment amusant et très gratifiant de voir les idées que j'avais écrites prendre vie. Et, pour être honnête, je me suis aussi dit que si je devais faire une pause avec la musique, je pourrais peut-être me remettre aux clips et en faire beaucoup plus souvent. C'était vraiment sympa.

Tu avais des idées pour les clips depuis le moment où tu as écrit les textes et les riffs ?
Oui. Pour certaines chansons, je me suis tout de suite demandé : « Qu'est-ce que je vois ? » ou alors : « Ça pourrait être cette partie, ça pourrait être celle-ci. » Les thèmes de la chanson m'ont beaucoup aidé aussi, comme la vengeance et le carnage. C'était facile. Je me suis dit : « Faisons quelque chose qui ressemble à un found footage, un slasher un peu comme un film d'horreur, parce que la chanson est vraiment très intense. » Et à la fin, on a mis le début de "Nothing Like You". Comme c'est une chanson de résolution, ça se termine bien. Mais oui, quand j'écris les paroles, je pense souvent à ce que la personne voit plutôt qu'à ce qu'elle entend. Et je pense que le fait d'avoir pu faire tous les clips m'a vraiment beaucoup aidé.

Au moment où nous discutons, vous êtes en pleine tournée. Que peut-on attendre de DYING WISH en live ?
Beaucoup d'énergie, on saute partout ! C'est super bruyant ! On adore jouer fort. Même notre ingénieur du son nous déteste un peu pour ça. Mais bon, ce sont des concerts très énergiques : on est sur scène et on ne prend pas ces 25 à 30 minutes à la légère. On va dire tout ce qu'on a envie de dire. Et c'est aussi votre concert à vous qui êtes dans la salle. Si vous voulez sauter depuis la scène, allez-y. Si vous voulez prendre le micro, allez-y aussi. C'est pour vous. On est juste sur scène.

Qu’est-ce que ça vous fait de partager l’affiche avec MALEVOLENCE, SPEED et PSYCHO-FRAME ?
C'est génial ! Je n’aurais pas pu rêver meilleure tournée : on a un line-up incroyable avec SPEED, l'un des plus gros groupes de hardcore du moment. PSYCHO-FRAME est le nouveau groupe de deathcore qui fait beaucoup parler de lui, et à juste titre. On connaît pas mal de membres du groupe, comme le chanteur Colter, qui était dans SERRATION. On a fait notre première tournée avec eux il y a longtemps, on les connaît depuis toujours. Concernant MALEVOLENCE, on a toujours voulu tourner avec eux, mais le timing n'était pas bon. Les dates ne collaient pas. Maintenant, on y arrive enfin ! C'est vraiment génial ! Ça va être des super concerts, vraiment géniaux !

Blogger : Carole Cerdan
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