28 septembre 2013, 11:18

WATAIN : Erik Danielsson

 

 

Il est vrai qu'Erik Danielsson n'est pas le premier gars à qui l'on penserait pour calmer le débat qui fait rage dans la salle des fêtes de Clisson chaque été, là où 12 habitants mécontents manifestent leur inquiétude quant à l'influence de la musique Metal sur nos oreilles saintes. Sataniste assumé, Danielsson est pourtant un homme avec qui on prendrait volontier un café en terrasse, sans se soucier si il saupoudrerait celui de nôtre copine avec du cyanure pour la sacrifier sur l'autel installé dans son garage, entre un vélo rouillé et un barbecue rentré au sec en cette fin d'été. 

En tournée à la fin de l'année, nous nous sommes entretenus avec le leader de WATAIN afin de discuter de "The Wild Hunt", la 5ème publication du groupe suédois, dont la réception a été plus que satisfaisante dans la sphère extrême.
Entretien téléphonique détendu. (Interview préparée avec Rejiik)
 
 
"The Wild Hunt" a été enregistré sur une période de 4 mois, était-ce une durée habituelle pour WATAIN ? 
Oh non, sûrement pas ! En fait, quand nous étions jeunes nous nous sommes mis cette idée en tête que pour chaque album que nous allions enregistrer, nous doublerions la durée de notre séjour en studio. Ainsi le premier a été enregistré sur une période d'une semaine, le deuxième en deux semaines, le troisième en un mois, le quatrième en deux mois... Et nous en voilà maintenant à quatre mois ! (rires) C'est vraiment débile, mais dans un sens, c'était quelques chose de très appréciable. Ainsi on ne pouvait passer qu'un seul jour sur les guitares sans s'occuper du reste, partir se ressourcer dans la nature... L'ambiance était très décontractée, et je pense que ça a eu un effet assez concéquent sur l'album, ça nous a permis de plonger plus profondément dans ce que représente WATAIN. 
 
C'est marrant parce que d'un point de vue extérieur ça ne me semble pas si long que ça ! Enfin, on a vu pire ! (rires) 
C'est sûr, mais je peux t'assurer que t'as l'impression que c'est une éternité ! (rires) Tu vois, j'ai même eu le temps de m'y péter une jambe ! (rires) Mais ça a été très intéressant de travailler ainsi, nous avons eu des moments assez intenses, sombres, et parfois même très émotionels, mais d'autant plus gratifiants une fois que nous étions parvenus à les surmonter. 
 
Bon eh bien vivement le prochain, 8 mois, ça va être génial ! 
Exactement ! (sarcastique) On va s'éclater ! Non sérieux, je ne veux même pas y penser ! (rires)
 
Que peux-tu me dire à propos du titre de cet album "The Wild Hunt" (La chasse sauvage) ? C'est assez intrigant ! 
Nous trainions ce titre dans nos valises depuis un bon moment, même avant la sortie de "Lawless Darkness" (2010) en réalité ! La combinaison de ces deux mots est quelque chose de très spécial pour nous, à notre sens elle résume très bien ce que nous voulons faire avec WATAIN. Au milieu du processus de création de cet album nous lui avons trouvé cette qualité presque rétrospective, nous avons exploré certains éléments de notre passé, de notre voyage ensemble. Quand nous avons entrepris l'écriture de la chanson "The Wild Hunt", nous voulions parvenir à créer quelque chose de mélancolique, puissant et victorieux à la fois. Je dois dire que ça a marché, et nous en sommes très fiers aujourd'hui. J'aime beaucoup le titre, il résume très bien ce que nous avons voulu faire avec cet album.

 


"Nous avons pour habitude de ne pas prendre en compte les attentes des autres dans notre travail." - Erik Danielsson



Au fond, pouvons-nous dire que cette "chasse" dont tu parles est celle de WATAIN à la recherche de son identité ? 
Oh oui, c'est une très bonne façon de le dire. Pour nous, il s'agit de nous rapprocher de notre "source", d'explorer le monde de WATAIN de manière plus poussée... Je ne pourrais pas définir ce que pourrait être cette "source", mais s'il y a bien une notion qui me vient en tête en y pensant, c'est celle de "liberté". C'est une quête que nous avons toujours poursuivi au fil des années, aller au delà de l'entendement, à la recherche de cette liberté, c'est ça que nous "chassons" en réalité. 
 
Tu me parles d'une liberté spirituelle, mais WATAIN est également un groupe qui a son propre label, vous faites beaucoup de choses par vous-mêmes ! 
Absolument ! Mais oui, outre cela, nous sommes plus à la recherche d'une liberté spirituelle, qui d'un autre côté, ne pourra se manifester qu'au travers de changements dans ta vie de tous les jours. C'est la raison pour laquelle nous avons tous choisi de vivre en dehors de la société, de faire de WATAIN un groupe indépendant et libre... C'est primordial de commencer par ça avant de viser plus haut. 
 
La chanson qui étonne le plus sur cet album est indubitablement "They Rode On", pour une raison simple, qui est que tu chantes avec une voix claire ! Quel genre de sentiment t'a traversé quand tu t'es retrouvé seul devant ton micro pour l'enregistrer ? Était-ce intimidant ? 
Je dois dire que non ! Certes ça a été compliqué, et particulier, mais aussi très intime comme situation. Au fond, je dois te dire que c'est ainsi que je me sens à chaque fois que j'enregistre des voix. Je pense que j'ai peut-être un peu trop appréhendé l'enregistrement de cette chanson, car ça a été très facile à faire en fin de compte, mais ces paroles avaient une signification telle pour moi que ça me semblait être la solution la plus naturelle pour leur faire justice. Il m'est arrivé de prendre des cours de chant afin de voir si je pouvais explorer des techniques qui m'étaient encore étrangères, mais je me suis rendu compte que l'honnêteté était la seule clé pour parvenir à faire ce que je voulais. 
 
J'ai lu que c'était la première chanson que tu avais écrite pour cet album... 
C'est exact, oui ! 
 
Dans une situation pareille, est-ce que tu te dis que tu es sur le point d'écrire un album particulièrement spécial ? 
Pas forcément non, mais je dois te dire qu'il s'est imposé assez rapidement que cet album allait être particulier. De toute façon, nous savions que le son du disque n'allait pas être modellé à partir de cette chanson. Mais d'un autre côté, elle a créé un déclic dans le sens où nous savions qu'à partir de là, nous pouvions faire absolument tout ce que nous voulions. Les autres titres sont arrivés de manière très naturelle, ça nous a tout fait sauf déstabilisés  "They Rode On" était trop importante à nos yeux pour ça. 
 
Le sentiment qu'elle n'allait peut-être pas être reçue comme vous l'attendiez par les fans de WATAIN vous a-t-il traversé l'esprit ? 
En toute honnêteté, absolument pas. Nous avons pour habitude de ne pas prendre en compte les attentes des autres dans notre travail. Ce qui est d'ailleurs l'une des erreurs les plus commises par les jeunes groupes lorsqu'ils atteignent un certain niveau de succès dans leur carrière, ils écrivent pour les autres, dans le but de maintenir cette popularité ou de la faire gonfler... Et je ne veux pas fonctionner ainsi. 
 
 
Dis m'en un peu plus sur la pochette de cet album qui, je le sais, renferme un concept assez intéressant... 
Oh oui, c'est une image qui convenait parfaitement à l'album. J'adore les natures mortes de ce genre, je trouve qu'elles dégagent une aura assez mélancolique, et c'est ce que je voulais capturer sur la pochette de ce disque. Avec le titre "The Wild Hunt", l'idée était de représenter le fruit de cette chasse, un trésor en quelque sorte ! Les objets que nous avons amassés pendant toutes ces années, chacun d'entre-eux représente une période de notre carrière, des émotions, des idées, des chansons...
 
 
"Pour moi le Black Metal n'a jamais changé, il a juste été mal compris et mal représenté." - Erik Danielsson

 

Quel regard WATAIN apporte-t-il à la scène Black Metal d'aujourd'hui ? 
Tu vois, pour moi le Black Metal a toujours été nourri par la violence, l'intensité, le danger, le feu, le chaos, la religion, la magie... Il a toujours été traité de manière assez retournée, dérangée... Et ça n'a jamais changé. Au fil des années cette définition est restée la même. Quand j'entends des personnes dire : "Le Black Metal a beaucoup changé par rapport à ce que c'était à l'origine", je ne suis pas d'accord, non ! Pour moi le Black Metal n'a jamais changé, il a juste été mal compris et mal représenté. Beaucoup de personnes s'approprient ce terme par erreur. Tu vois, si un jour une personne me demande ce qu'est le Black Metal, je lui répondrais que WATAIN en est l'exemple parfait. C'est réel, prédateur, et on ne sait jamais à quoi s'attendre, c'est dangereux ! Et tu vois en prenant un peu de recul, c'est une définition qui s'éloigne radicalement de ce que la plupart des gens pensent du Black Metal. Et cela fait au moins 15 ans que ce genre est mal représenté. Aujourd'hui des putains de hipsters écrivent des livres sur le Black Metal, des groupes qui n'ont rien à voir avec le Black Metal en sont désignés les porte-étendards du genre dans la presse internationale, bref... Aujourd'hui je suis juste heureux de pouvoir représenter le Black Metal comme il se doit avec WATAIN, et de peut-être pouvoir instiguer un semblant de changement et remettre les choses à leur place dans la tête des gens. Le message a clairement été brouillé pendant toutes ces années. 
 
Tu crois qu'il y a des imposteurs aujourd'hui ? 
Absolument. Des gens veulent s'y rattacher car ils ont vu que c'était quelque chose de très puissant, et qui fascine beaucoup de personnes. Et elles ont tout faux, car même si tu veux en faire partie, tu ne peux pas juste "chanter" à propos de l'obscurité, du mal... Non, il faut qu'elles vivent toutes ces choses, qu'elles les assimilent dans leur vie. Tu vois, je ne comprends pas comment une personne peut avoir un boulot, être un citoyen de la société, et jouer du Black Metal. Le Black Metal est l'ennemi de la société par définition, donc si tu veux en jouer, il faut que tu en sois un. C'est aussi simple que ça. 
 
Pour conclure dans un registre plus léger, nous avons eu l'occasion de te voir traîner dans les couloirs de l'espace presse du Hellfest cette année, même si tu n'y jouais pas ! 
Oui ! (rire) J'étais là pour y faire des interviews et revoir de vieux amis. Le Hellfest doit être mon festival européen préféré, donc quand Century Media m'a demandé si je voulais venir pour rencontrer la presse je n'ai pas hésité ! (rires) J'ai également pris le temps de voir quelques concerts, celui de SWANS notamment qui restera mon préféré du festival. J'ai aussi vu KISS, ACCEPT, VOIVOD, MORBID ANGEL... Le line-up était excellent. Pour tout te dire, je ne me souviens même plus de comment j'ai quitté le festival une fois que c'était terminé car je ne me suis réveillé que le lendemain, aux Pays-Bas, dans le tour-bus de GHOST, et la tête ensanglantée ! Donc j'imagine que je me suis bien amusé, je ne sais pas ! (rires)
 
Eh bien ! (éclat de rire) Personne n'a pu te dire ce qui s'était passé ? 
Même pas ! C'était dingue ! (rires)
 
"The Wild Hunt" de WATAIN est disponible depuis le 19 août chez Century Media Records.
 
01 - Night Vision
02 - De Profundis
03 - Black Flames March
04 - All That May Bleed
05 - The Child Must Die
06 - They Rode On
07 - Sleepless Evil
08 - The Wild Hunt
09 - Outlaw
10 - Ignem Veni Mittere
11 - Holocaust Dawn
 
WATAIN se produira en concert le 14 décembre prochain au Trabendo (Paris).

 
Blogger : Hugo Tessier
Au sujet de l'auteur
Hugo Tessier
Décidemment né trop tard, Hugo Tessier cultive sa passion pour le rock depuis son plus jeune âge. Avec U2 et THE POLICE dans le biberon, son cœur penchera finalement pour le hard rock des eighties qui à son tour lui fera découvrir de nouveaux horizons musicaux. Tantôt étudiant, musicien puis vendeur dans les festivals rockabilly, en septembre 2011 HARD FORCE le convainc de commencer à explorer les concerts de la région nantaise à peine avait-il déballé son unique carton dans sa chambre universitaire.
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