12 septembre 2011, 0:00

RED HOT CHILI PEPPERS : "I'm With You"

Album : I'm With You

Mais qu'est-il donc arrivé aux RED HOT ?
C'est un peu la lancinante question qui se pose tout au long de ce "I'm With You", dixième album de la formation californienne.

Parti au début des 80's, combo de potaches universitaires, volontiers subversif et délirant, le groupe fonctionna longtemps sur une formule inédite à l'époque, fusionnant du rock, du funk hardcore, de punk tout aussi hardcore et une bonne dose de lyrics rappés. Mise au point en grande partie par feu Hilel Slovak, le guitariste fondateur et alors compositeur principal du groupe, puis scrupuleusement poursuivi par John Frusciante, son disciple le plus fidèle, cette formule qui rendait les RHCP identifiables au quart de tour, veillait au mieux des intérêts de chacun, à savoir, un bassiste totalement hors du commun nanti d'un groove capable de transfigurer n'importe quelle chanson banale en un titre plus efficace qu'un miracle de Lourdes pour faire bouger les impotents, un chanteur notoirement faiblard mais show-man accompli et charismatique en diable, un batteur/ bucheron capable à la fois de puissance mais aussi d'une certaine finesse et un guitariste biberonné au Jimi Hendrix, le tout servi par des textes d'abord totalement dingues, rigolards voire provocs (les plus anciens se souviennent de "Catholic School Girls Rules"), puis plus graves et plus sombres au fil des années.

Cette formule qui culmina sur le désormais classique "BloodSugarSexMagic", mais qui nous donna aussi le TROP sous-estimé "Uplift Mofo Party Plan", finit évidemment par atteindre ses limites. Dès "BloodSugarSexMagic" justement, les RED HOT s'employèrent à la faire évoluer, confortés en cela par le succès mondial d'"Under the Bridge". Le premier départ de Frusciante, laissant place au JANE'S ADDICTION Dave Navarro, allait lancer le groupe sur de nouvelles pistes mais ce fut surtout le retour du fils prodige qui allait jeter les nouvelles orientations du groupe. Une orientation plus mélodique, beaucoup moins délurée que par le passé, qui veillait cependant à ce que chaque album contint son lot de titres funky-ravageurs. Ce faisant, les RED HOT devinrent plus sérieux (voire à mon avis carrément chi**ts par moment) tout en faisant exploser de façon exponentielle leur nombre de fans de par le monde.

Et puis il y eut en décembre 2009, le départ, cette fois définitif, de John Frusciante. L'hendrixien guitariste, auteur par ailleurs d'albums solos inégaux mais inventifs, n'a jamais fait vraiment mystère du fait qu'il se sentait un peu à l'étroit au sein des RHCP. Son départ ne fut donc pas une vraie surprise. Les trois autres membres du groupe pensèrent un moment jeter l'éponge puis se ravisèrent et engagèrent celui qui épaulait déjà Frusciante sur scène, le session-man Josh Klinghoffer. Durant tout l'hiver et le printemps, les trois RCHP multiplièrent les déclarations indiquant que le groupe était bien entré dans une nouvelle ère et qu'elle allait être diablement excitante. Et c'est donc j'avoue assez impatient que je me jetais sur ce disque, d'autant que je dois aussi confesser que je n'attendais plus rien des RED HOT depuis belle lurette.
La première écoute d'"I'm With You" es assez déconcertante. C'est bien le même groupe, on le sent, on le reconnaît par bien des points, mais que lui est-il arrivé ? Il a l'air étonnamment éteint. Et j'ai eu beau repasser le disque, pas l'ombre d'un vrai titre phare, pas l'ombre d'une étincelle de folie, fut-elle organisée. Rien. Nada. Juste une suite de chansons mollassonnes, jouées sans entrain, ni fougue. Pire, les titres pseudo-mélodiques, devenus le trait principal de ce disque, ne parviennent qu'à mettre en exergue les côtés les plus faibles du groupe : un chanteur limité et des mélodies tout aussi timorées.
Et Josh Klinghoffer me demanderez-vous, lui qui est censé apporter du sang neuf, le vent du renouveau ? Eh bien, il faut le dire, il est LE grand absent de ce disque morne et in fine, assez triste je trouve. Si ses interventions sont propres et techniquement nickel, elles sont aussi convenues, sans magie ni inventivité mais surtout, contrairement à TOUS ses prédécesseurs, elles n'impulsent rien aux compos du groupe. Klinghoffer, en premier de la classe, a parfaitement assimilé les plans de Frusciante, mais il nous les ressort version Canada Dry. Ça y ressemble mais ça n'en est plus vraiment. En fait, du sol au plafond, tout dans cet album est à cette image. Tout ce qui a fait la gloire du groupe est bien là mais en mode édulcoré, sans inspiration véritable, sans cette pêche, ce tranchant qui leur sauvait toujours la mise jusqu'alors.

Peut-être qu'à force de courir après une certaine respectabilité, eux dont les débuts furent si durs et tragiques, les lutins californiens se sont dit qu'ils allaient accéder enfin à un statut dont ils rêvent depuis le début des années 2000, à l'instar des RADIOHEAD et consort. Car n'en déplaise à certain, ce "I'm With You" est bien un disque ambitieux. Ou plus exactement chargé d'ambition. Comme pour le souligner encore, Kiedis insiste d'ailleurs sur le fait qu'il a été composé par Flea au piano et non plus à la guitare et à la basse. Et ça se sent. Malheureusement.
Alors Frusciante a-t-il emmené avec lui la magie du groupe ou ce dernier s'est-il perdu dans une voie où il n'avait finalement rien à faire. Les RED HOT voulaient tourner une page et évoluer. C'est louable et sûrement préférable à une énième resucée de leurs classiques. Mais la recette ne marche pas cette fois.
Disque de trop, disque de transition ? Je n'en sais rien. Gageons juste que ce ne soit pas le signe d'un groupe tout simplement à bout de souffle.

Blogger : Marlo Music World
Au sujet de l'auteur
Marlo Music World
Surnommé Marlo par ses potes à cause de sa passion pour les polars et les chapeaux, Laurent Ducastel est un auteur qui sévit à la fois sur papier, livres et BD ou sur écran dans des documentaires. Il a aussi officié dans divers magazines musicaux dont HARD FORCE MAG évidemment. Le film qu’il a coécrit avec son compère Cédric Tourbe, « Jacques Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique » a été récompensé d’une Etoile de la SCAM 2011.
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