6 novembre 2011, 0:00

Lou Reed & METALLICA : "Lulu"

Album : Lulu

Voilà, voilà... euh, comment dire ?
Certaines chroniques sont plus dures que d'autres à écrire et celle-ci, mes amis, fait partie du lot.
Il y a quelques mois de cela, je vous annonçais la collaboration surprenante entre le Sieur Lou Reed d'un côté et les gentlemen du riff extraordinaire de Sausalito, METALLICA, de l'autre.

Pour surprenante que fut cette annonce, j'avoue que j'étais impatient d'écouter le résultat.
C'est que, si j'aime beaucoup METALLICA, j'avoue être carrément fan du Lou Reed des 70s, celui qui nous régalait d'histoires destroy où les marginaux, les prostituées, les toxicos et plus largement tout ce que New York produit de personnages borderline tenaient le premier rôle et s'épanouissaient crument le plus souvent. Ce temps-là est loin, et depuis une bonne vingtaine d'années, notre ex-VELVET UNDERGROUND est plutôt avide de reconnaissances diverses et variées avec un goût particulier pour les médailles en chocolat et autres colifichets, passant sans vergogne des trottoirs cradingues des quartiers chauds de la grosse pomme aux salons cosy des présidences de tous bords.
Bref, alors même que sa tête avait pris un volume qui n'était pas dû à l'Oréal (même s'il le vaut bien), j'espérais qu'en compagnie des despérados métalliques californiens, Lou allait renouer avec cette veine qui lui avait jadis tellement réussi.

Alors me demanderez-vous, la génétique a-t-elle fait des merveilles ?
La carpe et le lapin sont-ils enfin unis ?
Eh bien, la réponse est : pas vraiment !
Pour les plus cinéphiles d'entre vous, je dirais qu'on est plus proche de la Mouche de Cronenberg que d'un Alien au mieux de sa forme.

Faut dire que le concept de ce disque inspiré d'une pièce du dramaturge Frank Wedekind, un des pères du courant expressionniste allemand, pouvait déjà laisser dubitatif.
Il nous narre l'ascension fulgurante d'une jeune danseuse, la fameuse  "Lulu",  à qui il arrive bien du malheur, car elle sème mort et corruption autour d'elle tandis qu'elle reste pure dans son âme. Hou-la-la ! C'est beau !
Oui, c'est beau, mais voilà qui devrait rappeler quelques souvenirs à ceux qui ont lu autre chose que Petit Ours Brun chez les Zombies, en l'espèce Justine ou les Infortunes de la Vertu du Divin Marquis de Sade, voire quelques pans de Nana de Zola.'
Mais bon, passons.

Visiblement entre le transformiste en chef et les maîtres des Poupées, le courant musical n'est pas vraiment passé et dès le premier et pénible titre "The Gate of Brandenburg", on se demande si les deux jouent la même chanson.
Et malheureusement, cette très désagréable sensation n'ira qu'en s'accentuant.
Alors que Kirk et ses hommes font dans l'efficace derrière et s'en tirent plutôt avec les honneurs, Lou Reed qui ne se donne même pas la peine de chanter les trois quarts du temps, déclame laborieusement des textes qui sont aussi inspirés qu'un bon Barbelivien sous Champomy et auraient probablement fait le bonheur des MJC section poésie libre de jadis.
Disons-le net, ce disque chiant, pompeux et prétentieux, est au rock ce que l'art pompier du 19ème fut à la peinture.
Pas vraiment la meilleure période.

C'est bien simple 8 des 10 titres font plus de 5 minutes et trois d'entre font même plus de dix avec une mention spéciale à "Junior Dad" et ses 19 minutes et 29 secondes dont à peu près 9 d'une mélopée languissante et sombre, version tragique de la new âge d'ascenseur, le tout suintant la vacuité, la fatuité sans borne. Quand on en arrive là, à une telle extrémité, une telle condescendance, une si haute opinion de soi-même, on se dit que Lou Reed s'est gouré et qu'il aurait dû adapter Le Bourgeois Gentilhomme.
En effet, voilà un Monsieur Jourdain du meilleur tonneau qui aurait probablement fait marrer Molière.

A l'écoute des premières mesures d'"Ice Honey", pourtant, on se dit que par hasard la mixture va finir par prendre.
Et puis, non, finalement non, Lou balance son texte en dépit de la structure et sans émotion aucune, alors que le groupe joue hyper carré et lui sert un écrin qui aurait pu, aurait dû, déboucher sur au moins un titre majeur.

Pour conclure, je dirai que Lou Reed est donc parti vers des sommets où nous ne pouvons plus atteindre l'Artiste, tandis que METALLICA lui, fidèle à lui-même et sincère dans sa démarche, ne sortira pas abimé de cette déplorable expérience.

In fine, que restera-t-il de ce désastreux album ?
Rien.
Ah, si ! Le son est bon.

Blogger : Marlo Music World
Au sujet de l'auteur
Marlo Music World
Surnommé Marlo par ses potes à cause de sa passion pour les polars et les chapeaux, Laurent Ducastel est un auteur qui sévit à la fois sur papier, livres et BD ou sur écran dans des documentaires. Il a aussi officié dans divers magazines musicaux dont HARD FORCE MAG évidemment. Le film qu’il a coécrit avec son compère Cédric Tourbe, « Jacques Foccart, l’homme qui dirigeait l’Afrique » a été récompensé d’une Etoile de la SCAM 2011.
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