14 octobre 2012, 0:00

Steve Vai : "The Story Of Light"

Album : The Story Of Light


Steve Vai n'a jamais fait dans la demi-mesure. En 2005 sortait «Real Illusions : Reflections», annoncé comme d'un nouveau genre. En effet, si Vai revendiquait à l'époque signer un album conceptuel, le quelconque semblant de trame historique qui s'en dégageait semblait tout droit sorti du cerveau de son défunt maître, Frank Zappa. Le résultat était digne d'un véritable délire sous méthamphétamines. En bref, incompréhensible. Mais il est bien connu que l'alien, aime garder ses secrets, «Real Illusions : Reflections» ne faisait en réalité qu'office de tir de sommation, prémices d'un projet de plus grande envergure, un concept dont les composantes se comptent au nombre de 3, ce premier album en tête de liste. Le disque en lui-même n'avait pas déçu, loin de là. 7 ans plus tard, Steve Vai publie donc : «The Story Of Light», deuxième pierre de l'édifice arrivant en grand messie, avec l'espoir d'en comprendre un peu plus, et surtout en prendre plein les oreilles ?

Le moins que l'on puisse dire en débutant la découverte, c'est que les deux premiers titres, «The Story Of Light» et «Velorum», rassurent tout de suite. Nous sommes bien dans l'univers Steve Vai ! Un véritable tonnerre de guitare électrique, un solo qui dure sur plus de la moitié d'une chanson, une voix parlée en russe, le riff assassin de «Velorum». Si le surprisomètre ne décolle pas d'un poil, le plaisir auditif perce le plafond. A la stupeur générale, les choses sérieuses, intrigantes, et peut-être dérangeantes pour les puristes commencent avec «John The Revelator», en troisième pistes. Vai utilise en effet le sample d'un vieil enregistrement de Blind Willie Johnson, mythique chanteur de blues à la voix rauque, qui a marqué son temps dans la culture américaine. Cette chanson coupe net le torrent de shredding de ces 6 dernières minutes avec une chorale afro-américaine sur laquelle vient chanter Beverly McClellan, (remarquée dans une émission télévisée sur le nouveau continent.). Vai est en retrait, mais mène fermement sa barque à grand coups de vibrato aux sons sales, puissants, et distordus. Un cocktail détonnant et déroutant, qui projette l'auditeur en terrain inconnu, retournant le livret du CD dans tous les sens en se demandant s'il écoute le bon disque. Un sentiment qui ne le quittera pas de si tôt car «Book Of The Seven Seals», la chanson suivante, n'est ni plus ni moins que la suite directe de cette épopée. Nous partons cette fois-ci dans un paradigme beaucoup plus chanté et puissant, une performance délivrée par une chorale presque possédée, à la ferveur inébranlable. Le tempo accélère, ralentit, se coupe net, les voix s'élèvent vers le ciel, la chanson en a même des airs de comédie musicale ! Le break est simplement monstrueux, suivi d'un solo qui ne l'est pas moins. La chorale se fait gospel, nous sommes au milieu d'une église, Steve Vai crucifié sur sa guitare, Beverly McClellan récitant la prière messianique de sa voix de fer, les yeux piqués par le fanatisme, la chorale s'emporte, tape des mains, la folie et la frénésie s'accélèrent pour terminer en grande explosion. Que vient-il de se passer ? Aucune idée, mais qu'est-ce que c'était bon !

«The Story Of Light» est un disque complet. Derrière cette dernière montée en puissance, l'album renferme un petit lot de mélancolie, quitte à créer de sérieux contrastes d'une chanson à l'autre. «Creamsicle Sunset», avec sa guitare cristalline, cosmique, nous élève à un autre niveau. Purement instrumentale, le battement de notre coeur se calme et sous les décombres de l'église nous abandonnons notre corps mais pas notre âme qui elle, s'élève vers le ciel, les notes électriques comme seules marches. Sommes-nous tout simplement au paradis ? La récompense de notre grande frénésie religieuse menée par le grand Vai à la manière d'un Jim Jones ? D'un côté plus générique et classique, nous arrivons sur «Gravity Storm», première chanson connue du plus grand nombre, car diffusée avant la sortie du disque comme premier single. Le riff principal, lourd et étiré jusqu'à ses limites, est d'une simplicité indécente pour l'homme à la guitare, mais nous transmet un message : parlons de musique, pas de démonstration. Une maxime de rigueur pour «Mullach A'tsi», titre qui bien qu'agréable, soulève cependant un aspect étonnamment décevant pour l'artiste. Peut-être dû à la fièvre de notre époque, mais il semblerait que Steve Vai est bien enclin à se mettre, au recyclage ! Après l'emprunt acceptable de «John The Revelator» et «Book Of The Seven Seals» au passé, il s'avère que «Mullach A'tsi» est cette fois-ci, une chanson traditionnelle celte ! L'empreinte de Vai omniprésente en efface en revanche tous les aspects, il faut tout bonnement le savoir pour le croire. «Mullach A'Tsi», dont l'excellente «Weeping China Doll» pourrait être sa soeur jumelle démoniaque, est une nouvelle petite douceur aux accents asiatiques, à la ligne de fond intensément acoustique. Si c'est le climax de cet album, il est délicat et sensuel... Vai nous a d'ailleurs confié en interview vouloir y inclure des paroles dans le futur, une démarche risquée, faut-il déjà être capable d'en prononcer son titre !

Steve Vai rate le sans-faute de peu. Quelques chansons marquent tout même beaucoup moins et passent même par une oreille, pour en ressortir par l'autre. Exemple avec «The Moon And I» sur laquelle il prend le micro pour la première fois sur ce disque. Nous nageons en plein délire, sans raison particulière, la production prend un véritable virage inattendu et s'éloigne manifestement du bon goût. Une batterie à la résonance exacerbée qui nous rappelle les clips les plus kitchs des années 90, même chose pour la ligne de basse sortie tout droit de le bande son d'un mauvais jeu vidéo. Non, rien à faire, ça ne passe pas ! «Je vis une aventure amoureuse avec la lune» - cela ne fait aucun doute Steve, mais qu'est-ce qu'il t'a pris ? Nous inscrivons également «No More Amsterdam» sur la liste des grands regrets, un titre dont la recette faisait pourtant saliver. Vai chantant en duo avec Amy Mann, son ancienne camarade de lycée. «No More Amsterdam», bien que délicate et mélancolique, manque cruellement de quelque chose. Ce genre de quelque chose que l'on n'arrive pas à identifier, et que l'on cherche, en vain.
«The Story Of Light» est un disque en demi-teinte, s'il sort des sentiers battus creusés par de longues années d'expériences avec des titres comme «John The Revelator» et «Book Of The Seven Seals», l'album dispose tout de même de ses propres zones d'ombres. Un côté recyclage dérangeant, quelques titres hautement dispensables. Il demeure cependant agréable de voir que Steve Vai a toujours goût à la prise de risque. Et quand celle-ci fonctionne, c'est simplement le scénario parfait. Il ne nous reste plus qu'à nous donner rendez-vous pour le troisième et dernier volet de cette trilogie. Après tout, pour que la lumière existe, il faut bien un peu d'ombre non ?

Blogger : Hugo Tessier
Au sujet de l'auteur
Hugo Tessier
Décidemment né trop tard, Hugo Tessier cultive sa passion pour le rock depuis son plus jeune âge. Avec U2 et THE POLICE dans le biberon, son cœur penchera finalement pour le hard rock des eighties qui à son tour lui fera découvrir de nouveaux horizons musicaux. Tantôt étudiant, musicien puis vendeur dans les festivals rockabilly, en septembre 2011 HARD FORCE le convainc de commencer à explorer les concerts de la région nantaise à peine avait-il déballé son unique carton dans sa chambre universitaire.
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