15 mars 2014, 19:30

LACUNA COIL : Cristina Scabbia

Blogger : Sedastian
par Sedastian

Lacuna Coil
(© Century Media / Steve Prue - DR)
 

 

Unique dans sa forme et son histoire, LACUNA COIL a beau être un cas à part de la scène metal alternative, rien ne paraissait pouvoir venir entraver l'ascension du groupe italien sur la route du succès et de la reconnaissance, surtout depuis la sortie du très acclamé "Dark Adrenaline" en 2011. Mais c'est pourtant le 14 février dernier que LACUNA COIL annonce le départ de deux de ses membres Cris "Pizza" Migliore et Cristiano "CriZ" Mozzati, respectivement guitariste et batteur, alors que le groupe s'apprête à sortir son nouveau disque "Broken Crown Halo" le 31 mars prochain. Le hasard du calendrier fait (mal) les choses, nous nous entretenons avec la chanteuse Cristina Scabbia à quelques jours de l'annonce en question. Une interview à lire entre les lignes. 


Peux-tu expliquer le titre « Broken Crown Halo » ? Quelle est cette couronne dont vous parlez ?
Nous avons eu l'idée d'inclure la couronne dans l'album parce que nous pensons que chacun d'entre nous a son propre petit royaume à protéger. Ce royaume est fait de ta vie, des gens que tu aimes, de ton job, et toutes les choses que tu fais. Et tu es toujours tenté de croire que ton royaume est parfait, que tout ce que tu penses est correct. Alors tu te comportes comme un roi ou une reine dans ce royaume. Mais parfois la couronne que tu portes et qui protège ton royaume peut être endommagée par ce qui se passe à l'extérieur ; elle peut être endommagée par la crise économique, par ce qui se passe dans la vie, mais aussi par la réalité virtuelle donnée par internet. C'est un concept assez complexe, bien que l'album ne soit pas un album-concept. Il s'agit plus d'apprendre la réalité de la vie, de ne pas s'inquiéter des erreurs que tu peux faire dans ta vie, car des leçons peuvent être tirées de chacune de ces erreurs.

Cet album surprend. Déjà au tout début, lorsque l'on entend les grunts d'Andrea, qui reviennent plusieurs fois, comme sur "Zombies" ou "Infection". C'est quelque chose qu'il n'avait jamais fait auparavant ?
Oui, on aime être un peu inattendus à chaque album. On ne le fait pas exprès, c'est juste qu'à chaque fois qu'on fait quelque chose et qu'on voit d'autres groupes suivre un peu ce que l'on a fait, on a juste envie d'aller à l'opposé. Alors si on voit des groupes qui deviennent plus « clean », plus doux, on décide de retourner vers le grunt que beaucoup de gens n'utilisent plus dans notre genre de metal rock-gothique à chanteuse. Ce n'est pas quelque chose que l'on avait vraiment préparé. On a juste décidé de se laisser emporter par nos envies, d'être spontanés dans l'écriture des morceaux et de faire ce que nous avions envie de faire.

En tout cas cela correspond bien à l'horreur que vous vouliez créer ici.
Je le pense, oui. Mais on n'a même pas pensé à ça. On a juste écrit la musique que nous voulions écrire, et voilà !

Vous avez tous les deux essayé de nouvelles choses avec vos voix, comme sur le pont de "Victims" où l'on peut t'entendre parler, et aussi la partie en italien sur "Die & Rise".
Oui, et aussi les cris sur « Victims », on peut entendre que c'est très haut et assez dingue. Oui, comme je l'ai dit, on est littéralement entrés en studio avec l'idée d'être libres. Quoiqu'on ressente, ça correspondra à la chanson.

Et pourquoi utiliser ta langue maternelle ? C'est la première fois que ça se produit, non ?
Tout simplement parce que ça sonnait bien. En fait, on a essayé plusieurs paroles, puis j'ai essayé celles-là, et Marco, notre bassiste, qui s'est également occupé de la production de l'album, pensait que ça sonnait vraiment bien. Puis, lorsqu'on a fait écouter la chanson à Jay [Baumgardner], notre producteur, il pensait la même chose, donc on l'a gardée comme ça.

Ta tessiture de voix est plutôt basse pour une femme. Le meilleur exemple est la strophe de "End Of Time" sur le précédent album, qui est très basse, ainsi que "Victims" sur celui-ci. Est-ce difficile pour toi d'atteindre ces notes basses ?
Oui c'est difficile. Pas vraiment pour atteindre les notes, mais ça demande plus de puissance quand je chante de cette façon. Parfois je me sens plus à l'aise en chantant des parties très aiguës, que dans les médiums ou les graves.

Le son de cet album est plus brut. Comment expliques-tu ce changement ? Avez-vous utilisé d'autres instruments ou un équipement différent pour enregistrer ?
Oui, il y a aussi d'autres instruments. A l'origine, nous étions censés aller à Los Angeles pour enregistrer l'album, dans le studio où nous avions déjà travaillé précédemment, appelé NRG Studios, dont Jay Baumgardner, le producteur de « Broken Crown Halo » est le propriétaire. Mais ensuite, à cause de problèmes personnels au sein du groupe, nous avons été forcés de rester à Milan, parce que nous devions rester près de nos proches. Nous avons finalement utilisé un studio que nous avions déjà utilisé par le passé, pour la musique mais pas pour les voix, qui s'appelle Officine Mecchaniche à Milan. Et le propriétaire du studio est un gars qui faisait partie d'un groupe de rock très connu appelé PFM. Les premiers jours d'enregistrement de la musique, il est arrivé avec cette quantité impressionnante d'instruments absolument incroyables, des vieilles guitares des années 70, des vieux pedalboards, qui évidemment fonctionnaient encore. Alors on a décidé de lui demander si on pouvait utiliser ce matériel. Il nous a répondu : « Oui, faites comme chez vous ! ». On entend donc un petit son vintage qui vient de ces pedalboards sur l'album, c'est sans doute dû à ça !

Cristina
(© Century Media / Steve Prue - DR)
 

"J'aime les moments intenses procurés par certaines chansons de cet album. Vraiment." - Cristina Scabbia

Après le succès de « Dark Adrenaline », était-ce difficile pour vous d'écrire cet album ? Aviez-vous une sorte d'appréhension avant l'écriture ? De la pression peut-être ?
Pas vraiment de pression en termes de : le label doit aimer cet album, ou les gens doivent l'aimer autant que « Dark Adrenaline ». La pression pour nous était de faire quelque chose de meilleur que ce que nous avions fait auparavant. Alors s'il y a eu une quelconque pression, c'était par rapport à nous-mêmes. Parce que nous sommes très pointilleux et de grands perfectionnistes. Tout doit être parfait. Et si ce n'est pas le cas, nous continuons de travailler, encore et encore. Il nous est arrivé de nous battre avec les délais, parce que nous voulions continuer à travailler pour que tout sonne mieux, faire de nouveaux arrangements, changer des lignes de chant. Mais parfois il faut savoir dire : "Stop. Voila l'album, c'est ce qu'il représente, c'est ce qu'on est, on le garde comme ça.".

Vous avez déclaré : « Nous avons senti une ambiance interne au sein du groupe que nous n'avions pas sentie auparavant ».
Eh bien, différentes choses se sont passées. Aujourd'hui nous nous sentons plus matures que jamais. Pendant l'écriture des morceaux, mais aussi des mélodies et des paroles, nous nous sommes rendus compte qu'il était plus facile pour nous maintenant d'écrire une nouvelle chanson. Et particulièrement de la façon dont une chanson de LACUNA COIL doit être, avec de la mélodie, un côté heavy. Et on a aussi trouvé l'équilibre parfait entre ce qu'on était au tout début et ce qu'on est maintenant. On transporte toujours avec nous le noyau du groupe du début. C'est ce qu'on est maintenant, on a trouvé notre propre style. Et puis il y a tout ces choses qui arrivent dans la vie, nous sommes amis depuis tellement longtemps que beaucoup de choses se sont passées. Pas seulement dans le groupe, mais aussi en tant que membres respectivement : Criz a eu un bébé, certains d'entre nous se sont mariés, nous avons eu des problèmes au sein de nos familles, des maladies, des ruptures...Donc ce sont des choses qui changent ton point de vue par rapport à la vie. Tu deviens une autre personne après des événements comme ceux-là, ça change ta vie.

Tu dis que vous écrivez vos chansons plus rapidement...
Ce n'est pas que nous écrivons plus rapidement, mais c'est aujourd'hui plus facile pour nous de comprendre quand nous allons dans une direction qui a du sens pour nous. Ou de comprendre que dans un lot de cinq chansons, il y en a une qui ressort vraiment plus qu'une autre et qui recquiert donc plus d'attention. Mais le temps d'écriture est resté le même. 

Lorsque vous écrivez, vous réunissez vous toujours au même endroit ?
Oui et non. Dans le studio de Marco, notre bassiste – il a un sous-sol dans sa maison où il développe son propre studio, avec des micros et tout ça –, c'est ici qu'on recueille toutes les idées. Mais ça commence aussi pour chacun d'entre nous sur notre ordinateur chez nous. Ou ça peut être sur ton téléphone quand tu as une idée pour une mélodie et que tu veux l'enregistrer quand tu es à l'extérieur, ou coincé quelque part. Mais le studio, c'est là qu'on se réunit pour enregistrer proprement, là-bas on peut travailler la musique et jouer avec.

"Nothing Stands In Our Way" se révèle être un assez bon choix de single. Parce qu'on sent à la fois quelque chose de très fort, mais aussi toute la douleur que vous avez traversée, c'est quelque chose d'assez profond dans un sens. Dirais-tu que cet album est plus vrai, plus personnel que le précédent ?
Pas plus personnel, mais peut-être que le message est transmis de façon plus claire. Parce qu'il y a eu beaucoup de douleur et de changements ces dernières années, particulièrement en 2013. Donc peut-être que nous nous sommes améliorés en essayant d'exprimer ce que nous ressentons. Je veux dire, nous continuons à utiliser des métaphores qui restent libres d'interprétation, et ça c'est quelque chose qui me plaît. Mais je pense que nous maîtrisons aussi un peu plus la langue anglaise ce qui nous permet d'exprimer un peu mieux ce que nous pensons, mais sans le dire de façon trop claire ou de façon très confuse et naïve.

Serais-tu d'accord sur le fait de dire que cet album est moins mélodique que le précédent ? Ici vous jouez plus avec les atmosphères, plus que d'habitude, non ?
Il y a quand même plein de claviers, de cordes. Certaines chansons sont sans aucun doute plus intenses, comme « One Cold Day » par exemple, ou encore « Hostage To The Light » où il y a aussi plein de mélodies. On aime la mélodie. Je veux dire, on est Italiens, on est vraiment passionnés. Bien sûr on aime être heavy, parce que c'est cool à jouer en live. Ça te fait bouger plus, ça fait plus le show. Mais j'aime les moments intenses procurés par certaines chansons de cet album. Vraiment.

Sur "Victims" vous dites : « We need to free ourselves now. Victims are falling in vain » (Le temps est venu de nous libérer. Les victimes tombent en vain). Quel serait ton conseil pour aller de l'avant et oublier le passé ?
Cette chanson a principalement été inspirée par les informations télévisées que l'on voit tous les jours. Il faut que les gens prennent conscience qu'ils peuvent agir, car il semblerait qu'ils veuillent mettre tout le monde au même niveau, alors que chacun d'entre nous peut vraiment faire changer les choses. Ils se concentrent toujours sur la crise économique créée par les politiciens et les banques, ce qui est absolument vrai, et c'est là que les grosses affaires commencent. Mais en même temps, personne ne prend vraiment le temps de se dire : « Ok, mais qu'est-ce que j'ai concrètement fait pour changer ça ? Ai-je toujours bien payé mes impôts ? Est-ce que je cache quelque chose ? Suis-je respectueux envers la personne à côté de moi dans le bus ? Suis-je souriant envers les gens ? ». C'est trop facile d'attribuer la faute à quelqu'un d'autre pour ce que l'on vit et ce qui ne nous plaît pas. Alors que parfois il suffit peut-être de se regarder soi-même et de se dire que nous ne sommes pas parfaits, que nous pouvons faire des erreurs, et que nous pouvons essayer de devenir meilleurs, et ce même à une petite échelle, à commencer par nous respecter les uns les autres.

Pouvons-nous nous attendre à des collaborations pour le prochain album ?
On avait pensé à intégrer quelques amis en tant que guests, mais nous avons manqué de temps pour le faire.

Broken Crown Halo
 

"Ce que j'espère pour LACUNA COIL, c'est de continuer sur cette voie, de toujours avoir du respect et de la crédibilité." - Cristina Scabbia

L'album parle aussi de dépendance, d'addiction à internet, et la différence entre réel et virtuel, avec "Cybersleep".
Oui c'est vraiment inspiré par internet, et aussi par le film « Inception », je ne sais pas si tu l'as vu. C'est une sorte de voyage dans une autre dimension dans laquelle tu te sens parfois mieux que dans le monde réel. Et avec internet c'est pareil. Quand tu penses à tous les réseaux sociaux où tout le monde veut paraître meilleur, et se montre de la façon la plus valorisante... Je veux dire, tu prends une photo et ensuite tu es le meilleur des photographes. Tu prends une belle photo de toi-même et tu es le plus beau top-model du monde. Personne ne montre vraiment le côté « normal » des choses, tout le monde veut se faire remarquer, au fond, je pense que ça fait partie de la nature humaine. Et si c'est une façon de déstresser et de jouer avec, c'est sain, mais parfois les gens le prennent tellement sérieusement, à tel point que si ils sont « amis » avec toi sur Facebook et que tu décides de ne plus l'être avec eux, alors c'est la pire chose au monde. Tu es « amis » avec eux sur Facebook, et ils croient que vous êtes les meilleurs amis du monde, alors que tu ne les as jamais rencontrés. Donc on en arrive à un point où ça devient dangereux, voire nuisible.

Quels sont tes espoirs pour l'avenir de LACUNA COIL ?
Ce que j'espère pour LACUNA COIL, c'est que nous continuions avec la même motivation et la même passion que nous avons pour la musique et dans la vie. C'est ce que je peux espérer, au moins pour le groupe, de continuer sur cette voie, de toujours avoir du respect et de la crédibilité. Après pour ce qui est de moi personellement, j'espère juste pouvoir être sereine et heureuse, et que mes proches aillent bien – je parle de la santé. Et c'est tout. J'aime ce que je fais, et je n'en attends pas plus, j'espère juste pouvoir être encore capable de vivre avec ma musique, pour toujours.

Après chaque album, vous voyagez à travers le monde. Y'a-t-il des endroits où vous n'avez jamais été et où tu aimerais jouer ?
J'adorerais aller dans plein d'endroits en Asie que nous n'avons a jamais visités, comme la Thaïlande par exemple. L'Afrique du Sud aussi, la Nouvelle-Zélande... J'aimerais bien retourner au Japon parce que nous n'y avons joué qu'une seule fois. L'an dernier nous avons joué au Vietnam, et ça a été une expérience fantastique que je suis impatiente de reproduire dans d'autres endroits du monde où je n'ai jamais mis les pieds.

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