4 mars 2014, 13:24

BIGELF : "Into The Maelstrom"

Album : Into The Maelstrom

Septembre 2010, révélation relativement tardive de BIGELF, avec la triple découverte de ces rééditions chez Powerage -les deux premiers albums (“Money Machine” et “Hex”), ainsi qu’un vieil EP agrémenté de bonus (“Closer To Doom”, 1996 !) : le label anglais, annexe active du magazine Classic Rock, réputé pour son bon goût, ressort alors ces trois opus du placard après le succès critique de leur troisième officiel “Cheat The Gallows”, paru en 2008 mais réédité un an plus tard chez eux pour une meilleure distribution, tout du moins en Angleterre. BIGELF s’est formé au début des années 90 en Californie, mais n’est cantonné qu’à une reconnaissance locale en Scandinavie, leurs albums et EPs ne paraissant qu’en Suède et ne suscitant que l’intérêt, certes croissant, des fans d’OPETH, PORCUPINE TREE, voire de Stoner Rock très ouvert sur les sonorités prog, et jouissant par conséquent d’un début de culte assez fervent chez les heureux initiés. Autant le groupe est jusqu’alors franchement inconnu en-dehors de ce cercle d’adorateurs, autant les portes commencent à s’ouvrir pour eux lors d’une tournée en première partie de DREAM THEATER en 2009, notamment chez les britanniques, d’où nos confrères de Classic Rock qui craquent littéralement sur ces américains suédois d’adoption, favorisant considérablement leur promotion dans les pages du mensuel, leur offrant donc un partenariat de distribution plus qu’opportun. Jusqu’à ce que des dissensions internes et certaines prétentions artistiques de leur gourou-frontman Damon Fox forcent le groupe à rentrer dans un hiatus indéterminé.

Chez les nouveaux fans conquis depuis 2010 donc, on a fébrilement attendu leur retour, enfin annoncé avec la sortie de ce nouvel album tout fraîchement paru chez Inside Out, avec l’omniprésent Damon Fox dans le rôle du dictateur fou, le fidèle bassiste finlandais Duffy Snowhill, le nouveau Luis Maldonaldo à la guitare, ainsi qu’un certain Mike Portnoy en tant que batteur de session pour l’enregistrement ! Après DREAM THEATER qui avait donc soutenu le groupe, puis AVENGED SEVENFOLD, l’homme a trouvé le temps de se faire plaisir et de donner un sacré coup de mimine à ses potes entre ses projets ADRENALINE MOB, THE WINERY DOGS, FLYNG COLORS ou encore TRANSATLANTIC.

Bon, autant avais-je été complètement séduit par BIGELF jusqu’à présent, autant, après mille écoutes méticuleuses de “Into The Maelstrom”, une sensation de petit malaise se ressent, désagréable comme un mauvais arrière-goût au fond du palais : malgré l’ivresse et une bonne dose de plaisir éprouvée, l’écoeurement succède à la nausée. Cet album est Too Much. Peut-être trop prog par moments (le final instrumentalement théâtral “ITM” -ainsi que “Theater Of Dreams” en dit-il long sur ses prétentions ?), trop intense, trop cauchemardesque, trop incohérent, trop hétérogène, “Into The Maelstrom” manque de cohésion, part dans tous les sens, fournit beaucoup trop de matière orchestrale au détriment de vraies belles chansons que l’on retiendra autant que celles des premiers albums, alors tous aussi fous, vintage et inclassables -car c’est aussi le point chez ce groupe : l’ovni musical total cerné entre 1967 et 1973- mais plus classiques et accessibles.
​Voilà, hormis une poignée de titres plutôt efficaces (“Alien Frequency”), ce quatrième opus voit la folie et la démesure de Damon Fox prendre le dessus : trop ambitieux, l’égo comme une baudruche zeppelinienne, le dandy romantique nous en met plein la vue, plein les oreilles, plein la gueule. Etouffant (“High”), long, bavard, ce quatrième album en forme d’opéra-circus dickensien est de plus desservi par une production affreusement ramassée, compressée, où la batterie de Mike Portnoy -qui s’amuse néanmoins comme un petit fou ici- est assourdissante : sourde et percutante, écrasant toutes les nuances de ces pourtant riches arrangements foisonnant de tous les canaux, hélas annihilés par ce son monumental, trop lourd en infrabasses, si peu subtil et trop peu organique. Comment ces tourbillons psychédéliques et ces belles lignes de Mellotron peuvent-ils survivre dans un tel magma bourdonnant ?

Bien sûr, les références restent néanmoins bien perceptibles : dans BIGELF, c’est aussi quasiment un sincère hommage aux BEATLES de “Revolver” ou “Sergent Pepper’s”, au BLACK SABBATH circa “Sabbath Bloody Sabbath”, à T-Rex, PINK FLOYD, KING CRIMSON, URIAH HEEP, etc -Damon Fox conserve ce timbre de voix oscillant selon les atmosphères entre John Lennon, Marc Bolan ou encore Ozzy Osbourne. Souvent émaillé de splendides moments, que l’on rêverait voir s’allonger quelques mesures, “Into The Maelstrom” est une réelle tempête sonique, où le moindre repère attaché aux sonorités vintages tout juste évoquées est vite balayé par un brutal changement de tempo, une nouvelle idée cannibale, une schizophrénie musicale complètement imprévisible. On attendait bien entendu de BIGELF qu’il comble nos attentes avec une grande fresque prog-stoner épique, ambitieuse et bien au-delà du raisonnable, mais malgré toute l’admiration et d’autant plus l’attention portée sur la découverte de ce nouvel opus, on a bien du mal à rentrer dedans et à s’avouer satisfait de cette débauche musicale aussi déstabilisante qu’indigeste.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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