Tuomas Holopainen fait partie de cette catégorie de musiciens qui ne se suffisent qu'à eux-même quant il s'agit de créer leur art. En effet que ce soit dans NIGHTWISH, groupe dans lequel il est le principal compositeur et la tête pensante, ou dans cette première épopée solo, Holopainen se fait avant tout plaisir en étant pratiquement le seul maître à bord, et assouvit un grand fantasme en cette année 2014 avec un album au thème pour le moins surprenant puisqu'il s'agit d'une "bande originale", comme il le dira lui-même, à la série de comic books "La Jeunesse de Picsou" de Don Rosa. Dans cet univers sans guitares, ni batterie, Holopainen nous fait voyager dans des tableaux qui se veuillent lointains des paysages metal auxquels le Finlandais nous avait habitués. On décortique tout ça dans un entretien réalisé en ce début d'année dans un grand hôtel parisien...
Premièrement, peux tu nous en dire un peu plus sur la manière dont l'idée de cet album t'est venue ?
Je l'avais déjà en tête en 1999, il y a presque 15 ans, quand j'ai lu le livre pour la première fois. C'est devenu instantanément mon roman graphique préféré, même ma fiction préférée, encore plus que « Le Seigneur des Anneaux ». Au fur et à mesure que je lisais le livre, la musique me venait naturellement en tête. J'entendais les histoires en même temps que je les lisais, c'était donc une idée assez sympa de faire une bande originale, non pas pour un film, mais pour un livre.
Tu as dit que pendant cette lecture, de nouvelles notes te venaient en tête, cela t'arrive-t-il souvent avec d'autres livres ?
Oui, avec chaque livre s'il est bon. Les histoires de "La Jeunesse de Picsou" sont tellement étranges et tordues que les mettre en musique me paraissait être la bonne chose à faire.
Le processus d'écriture de cet album t'a-t-il vraiment pris 14 ans ?
Non, mais cette idée était dans un coin de ma tête depuis 14 ans. J'ai eu plusieurs obligations avant de me lancer dans ce projet. Et puis, il y a deux ans, j'ai réalisé que j'avais assez d'économies et de temps pour le démarrer. Comme NIGHTWISH était très occupé, je ne pouvais pas m'y consacrer pleinement, mais l'année dernière, quand j'ai pu bénéficier de ce temps, j'ai finalement réalisé ce projet.
En tant que compositeur principal de NIGHTWISH, en quoi l'écriture de cet album était-elle différente d'un opus de metal ?
C'est assez similaire, pour être honnête. Avec NIGHTWISH il y a d'abord l'histoire, ensuite vient la musique qui la fera vivre. Ici c'est la même chose, à la différence près que c'est un projet solo, et que je n'ai pas de groupe derrière moi. De cette façon c'est plus facile et plus difficile à la fois, vu qu'aucune opinion autre que la mienne ne rentre en compte.
As-tu utilisé des idées prévues à la base pour NIGHTWISH mais que vous n'aviez pas gardé pour une raison ou une autre ?
Non, tous les morceaux ont tous été exclusivement composés pour Picsou, il n' y a aucun « reste » de NIGHTWISH, tout comme il n'y en aura aucun de cet opus dans un futur album du groupe. C'était vraiment un projet unique.
Il y a beaucoup d'humour dans "La Jeunesse de Picsou", était-ce ardu de le retranscrire musicalement ?
C'était de loin la chose la plus difficile dans cet album, d'une parce que composer pour une comédie c'est très délicat, de deux, parce que je n'ai jamais donné dans la musique comique. Mais je me devais d'inclure cet humour, que l'on retrouve tout au long du livre. Dans « Duels and Cloudscape », j'ai ajouté ce que l'on pourrait appeler des procédés humoristiques pour apporter de la légèreté dans le ton de l'album. Le titre numéro 7, « Goodbye Papa », était sensé être comique lui aussi, mais j'ai tendance à assombrir les choses, à les rendre plus mélancoliques. Donc oui c'était un sacré challenge pour moi, mais les touches d'humour se sont avérées être adéquates.
"Je voulais être entouré de mes meilleurs amis et musiciens pour réaliser cet album." - Tuomas Holopainen
Si on se fie à la composition usuelle des titres de rock/metal on trouve un couplet, un refrain, un pont... Cet album, bien qu'il soit en grande partie instrumental, colle assez bien à cette composition, n'est ce pas ?
Oui, c'est comme cela que la plupart des titres sont écrits, en suivant une ligne directrice. Il y a quelques morceaux, trois il me semble, qui ont un refrain, car c'était la meilleure chose à faire pour suivre l'histoire.
Tu as fait appel à plusieurs invités sur cet album, dont quatre chanteurs : Alan Reid, Johanna Kurkela, Johanna Livanainen et Tony Kakko. Connaissais-tu déjà ces personnes ou bien te les a-t-on recommandé ?
Eh bien, les musiciens et chanteurs de cet album sont tous des amis à moi. Je voulais être entouré de mes meilleurs amis et musiciens pour réaliser cet album. Pour la voix de Picsou, il me fallait un accent Écossais très appuyé, j'ai donc fait appel à Alan Reid, mais à part lui tous les autres sont des amis.
Avais-tu une idée claire du résultat final de cette coopération ?
Oui en quelques sorte, même s'il s'est avéré y avoir bien plus de chant au final que ce que j'avais escompté. Originellement je pensais faire un album instrumental, mais quand j'ai eu ces paroles en tête, c'était manifestement plus intéressant de rajouter des voix. A la base, seulement deux titres sur dix devaient comporter du chant, au final il y en a 7, et trois seulement sont instrumentaux.
Le fait que l'auteur du livre Don Rosa dessine la jaquette de l'album, c'était un peu la récompense ultime pour toi, n'est ce pas ?
C'était évidement le cas. Je ne savais pas du tout ce qu'il penserait de ce projet. Quand je lui ai soumis l'idée il m'a répondu : « Tu sais, je ne dessine plus aussi bien qu'avant, tu devrais peut-être demander à un autre artiste ». Ce à quoi j'ai répondu : « Tout ce que vous ferez me conviendra, dans tous les cas, je trouverai ça beau ». Il m'a donc envoyé le dessin pour la jaquette, et j'ai été épaté. Il m'a proposé de venir en Finlande pour faire un clip vidéo avec moi, et quand il est venu on a commencé à réaliser « A Lifetime of Adventure ».
Don Rosa a-t-il écouté l'album ?
Il n'a entendu que la version pré-mixée de l'album, c'était un moment très touchant, il était assis là, les yeux fermés, souriant tout du long...
As-tu des projets pour adapter cet album en concert ? Avec l'aide d'un orchestre peut-être ?
Non pas du tout, du moins c'est ce que je pensais il y a encore quelques semaines. Depuis j'ai fais beaucoup d'interviews et tout le monde me pose la même question, mais cela ne m'a jamais traversé l'esprit avant. Quand j'y repense maintenant, pourquoi pas, mais pas avant une paire d'années.
