8 novembre 2014, 11:32

PINK FLOYD : "The Endless River"

Album : The Endless River

C’est en juillet dernier, à la surprise et l’incrédulité générales, que les deux survivants de PINK FLOYD, Nick Mason et David Gilmour, annonçaient la sortie d’un nouvel album. Après s’être assuré que ce n’était pas un hoax, il fallut se rendre à l’évidence : ils avaient bel et bien décidé de revisiter les bandes non retenues de "The Division Bell" (un album tout juste passable, sorti il y a 20 ans) pour en extraire la substantifique moelle et offrir à ses (encore nombreux) fans, de nouvelles compositions. Les différents teasers savamment dévoilés sur la toile révélèrent en effet des réarrangements de chutes (« Anisina » et « Allons-y », pour n’en citer que deux) que le fan aguerri avait naturellement pris soin de se procurer entre temps.

Avant de parler de cette rivière sans fin, il convient de remettre les pendules à l’heure une bonne fois pour toutes : PINK FLOYD est mort après le départ de Roger Waters. Point barre. Pink Floyd sans lui, c’est comme Astérix sans Goscinny. La démarche est d’autant plus hasardeuse qu’il s’agit ici de rendre intéressants les restes d’un album qui ne fera jamais date dans leur discographie. Qu’en attendre alors ? Et bien justement : mieux vaut ne pas en attendre grand chose et le plaisir sera au rendez-vous !

En effet, dès les premières mesures de « Things Left Unsaid », on est en terrain plus que connu puisque c’est à "Wish You Were Here", album fondateur sorti en 1975, que le désormais duo fait ici un hommage appuyé. Et pourquoi pas, après tout ? Si ce disque était dédié au fondateur Syd Barrett, "The Endless River" en est l’écho pour un autre disparu : le pianiste Rick Wright, disparu en 2008. Et il faut se rendre à l’évidence, cela fonctionne plutôt bien : on retrouve ainsi les nappes de clavier emblématiques et parcourues de la Stratocaster sibylline de Gilmour. L’album est partagé en 4 faces, la deuxième laissant la part belle aux enregistrements de Wright il y a une vingtaine d’année, ici accompagnés d’une rythmique pulsatoire (« Sums »), évoquant « Yet Another Movie » sur "A Momentary Lapse Of Reason", inquiétante, presque agressive (« Skins »), renvoyant directement aux passages les plus tendus de "The Wall" (« Unsung »)Du coup, l’enchaînement sur « Anisina », instrumental convenu mais agréable et apaisant, devient presque une délivrance.

Les chutes d’il y a 20 ans sont réinterprétées et réarrangées avec classe. Elles s’inscrivent parfaitement dans l’atmosphère de l’album. Alors bien-sûr, il y a quelques maladresses : « Talkin’ Hawkin’ » est empesé, à grand renforts de chœurs outranciers, et « On Noodle Street » ou « Calling » évoquent du Vangelis dernière période, sans la grâce ni le génie mélodique. Quant à la pauvre litanie jouée à l’orgue d’église de « Autumn ‘68 », elle fait vraiment pâle figure et ne décolle jamais, malgré l’énorme cavalerie instrumentale mise en place en arrière plan. Alors oui, « Allons-y » n’est qu’une pâle copie de « Run Like Hell » sur "The Wall", et « Eyes To Pearls » de « Welcome to the Machine » sur "Wish You Were Here" mais là encore, si ce disque est un hommage assumé à une carrière exceptionnelle, alors mission accomplie. Enfin, « Louder Than Words », seule chanson de l’album n’a pas la classe, et c’est bien dommage, d’un « High Hopes », qui concluait leur carrière il y a 20 ans (du moins, c’est ce que l’on croyait en 1994 !) avec autrement plus d’élégance et sauvait presque "The Division Bell" de l’abîme. D’autant que pour les paroles, on a connu Polly Samson plus inspirée.

On l’a compris, "The Endless River" est une espèce de rétrospective pas toujours adroite mais sincère au PINK FLOYD d’il y a 40 ans. Les clins-d’œil aux origines sont à aller chercher du côté des inédits. Ainsi, « TBS9 », avec sa basse lancinante évoque « Careful With That Axe Eugene », « TBS14 » les jams maladroits des tout débuts et « Nervana », le nirvanesque « The Nile Song » sur "More" qui, à l’époque, avait effectivement 20 ans d’avance sur son temps…

Bref, les râleurs auront toutes les raisons de trouver ce disque rétrograde, opportuniste, sans beaucoup d’imagination ni d’inspiration. Les autres prendront un plaisir un peu coupable mais authentique à l’écoute de ces sonorités délicieusement familières et surannées. Non, décidément, "The Endless River" ne fera pas tache dans la discographie de PINK FLOYD : il lui offre même une conclusion joliment nostalgique et bien plus cohérente, en tout cas, que "The Division Bell".

Blogger : Pierre Graffin
Au sujet de l'auteur
Pierre Graffin
Un samedi de 1983, un concert diffusé aux "Enfants du Rock", sur Antenne 2 (cela ne nous rajeunit pas !) : une tournée de GENESIS, celle de l'album où figure "Mama", titre qui fut élu, en son temps, le plus "heavy" de l'année par la presse "hard rock" (le terme "metal" n'était pas encore tellement de mise !) unanime. J'ai su, ce soir-là, ce que j'avais toujours voulu entendre sans jamais pouvoir le définir. A suivi une longue quête, éternellement inachevée, du "Saint Graal" musical. HARD FORCE, avec BEST puis, plus tard, ROCKSTYLE, furent autant de bibles pour moi dans cette soif de connaissance. C'est grâce à eux, notamment, que mes goûts, d'abord très "prog'" s'élargirent à d'autres horizons, du hard mélodique à des répertoires plus "heavy". Ce sont eux, aussi, qui m'ont inculqué l'envie d'écrire pour la musique (ROCKSTYLE, PROGRESSIA...).
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