16 novembre 2019, 23:53

Anneke van Giersbergen

@ Eindhoven (De Effenaar)

« Aujourd'hui, cela fait exactement 25 ans que je donnais mon tout premier concert avec THE GATHERING. C'était plusieurs mois avant que nous commencions à enregistrer « Mandylion ». A cette époque, je vivais encore chez mes parents et j'écrivais toujours mes chansons assise sur mon lit. Je ne me souviens pas beaucoup de cette soirée, mais je me souviens que le public était masculin à 99% et se demandait pourquoi une petite nana dans un pull trop large leur faisait face à la tête de leur groupe de doom préféré. Bientôt, tout cela allait faire sens. »
C'est par ce communiqué qu'Anneke van Giersbergen annonçait le 19 novembre dernier le 25ème anniversaire de sa carrière.

Ce premier concert de 1995 est en effet bien plus que le premier concert d'une jeune femme avec un groupe de doom néerlandais. Si quelques mois plus tôt Kari Ruelslåten posait sans le savoir les bases de ce qui allait donner naissance à la féminisation d'un genre musical largement masculin, Anneke van Giersbergen débutait sans le savoir une carrière dont le succès de l'album à venir, « Mandylion », allait largement contribuer à ouvrir une brèche dans laquelle de nombreuses filles, et leurs groupes, allaient s’engouffrer avec plus ou moins de succès et de talent.
Ce qu'Anneke a certainement apporté est bien plus qu'une voix et la joie d'une jeune fille heureuse de faire ce qu'elle adore par dessus tout : chanter. Cette nouvelle génération de jeunes femmes qui débarquent dans un univers dominé par une jeunesse masculine anticonformiste est surtout celle d'un genre qui assume sa féminité et qui ne cherche pas à singer le genre dominant. Une forme pacifique et somme toute bien naturelle d'affirmer sa différence, sa liberté d'expression et d’existence pour le meilleur d'un style musical qui derrière le terme générique de metal a toujours refusé de se laisser enfermer dans les codes que la société, la religion ou que la politique souhaiterait parfois lui imposer.

Deux jours avant ce communiqué, Anneke donnait deux concerts exceptionnels à guichet fermé dans la salle de l'Effenaar à Eindhoven. C'est à celui du samedi que l'équipe HARD FORCE s'est rendue dans la ville batave, pour vous faire partager cet événement.


C'est un public mixte et aux couleurs internationales qui commence à se réunir aux abords de la salle en cette fin d'après-midi. C'est pour certains l'occasion de se retrouver dans la vraie vie et de faire connaissance ou prendre des nouvelles depuis le dernier concert qu'ils ont partagé. Le temps d'aller se restaurer avant l'ouverture des portes, la ville est noire de monde alors qu'elle s'illumine peu à peu des mille feux de la fête des lumières qui s'y déroule. A notre retour, une longue file d'attente s'est formée pendant que quelques fans discutent à l'écart avec Daniel Cavanagh, guitariste du groupe ANATHEMA. Une fois dans la salle, nous découvrons un décor de scène où trône de nombreux pupitres dans un décor sobre et éclairé dans des tons roses et violets. Le temps que la salle se remplisse, les inconditionnels et fans du premier cercle ont déjà pris d'assaut le devant de la scène afin d'être au plus proche de leur idole pendant que d'autres profitent des trois bars et du stand de merchandising en attendant que la salle ne soit plongée dans le noir.



C'est seule qu'Anneke entre en scène pour introduire ce premier concert en interprétant une version acoustique de "Saturnine". Libéré de l'attente, le public s'installe autour de la star de la soirée pour ne faire plus qu'un avec son étoile et revisiter ensemble 25 ans de carrière allant de THE GATHERING, en passant par AGUA DE ANNIQUE et une multitude de projets auxquels elle a participé, pour atterrir enfin dans l'enfer de VUUR.

Le premier plateau voit l'entrée en scène de l'orchestre KAMERATA ZUID. Dirigé par le chef Frank Adams, l'orchestre de chambre s’apprête à débuter une tournée de quelques dates aux Pays-Bas en compagnie d'Anneke. C'est donc dans le futur proche de son passé que notre hôtesse de cérémonie décide de débuter le récit de sa soirée d'anniversaire. Chose peu commune dans les orchestres, les musiciens sont debout à l'exception des violoncellistes, ce qui donne une dynamique intéressante à l'ensemble. Cette première partie débute avec le titre "She" joué tout en retenue. Sur cette chanson extraite du dernier album solo d'Anneke, « Drive » (2013), l'orchestre semble vouloir se faire le plus discret possible afin de laisser tout l'espace aux lignes vocales de la chanteuse. En reine de soirée, Anneke en profite pour emmener son audience dans les plaines paradisiaques d'AYREON et chanter le superbe et incontournable "Valley Of The Queens". Sous le charme, les sujets de sa majesté décident de bivouaquer dans cette vallée enchantée pour écouter le sifflement du vent qui introduit "Stay". Comme envoûté, le public plane en orbite autour de son idole qui interprète "Circles". Toute notion d'espace et de temps disparaît, mais qu'importe où nous sommes, cette vallée est un peu comme le paradis et c'est pour interpréter en duo "Somewhere" que Sharon Del Aden de WITHIN TEMPTATION fait une entrée remarquée sur scène. Un peu prise de court avec ses diables d’oreillettes qu'elle n'arrive pas à correctement attacher, elle loupe quelque peu son introduction, mais qu'importe, le charme du direct ne semble pas gêner l'audience. Ce premier tableau introduit de fort belle manière cette soirée et donne envie de retrouver Anneke et l'orchestre au cours des quelques concerts à venir.



Alors que les musiciens quittent la scène, Anneke accueille Björn van der Doelen speaker de la soirée qui est en charge d'animer les changements de plateau. Si Björn semble être l'inconnu de la soirée, les amateurs de football se souviennent peut-être de son passage au PSV Eindhoven et au Standard de Liège. Aujourd'hui, il est connu aux Pays-Bas comme chanteur-compositeur et semble être une figure locale incontournable. C'est en néerlandais qu'il retrace la carrière d'Anneke.

C'est au tour du line-up qui accompagne habituellement la chanteuse en solo d'occuper la scène dont l'éclairage troque les tons rose et violet pour une dominante bleu. Si on retrouve sur le devant Gijs Coolen, Ferry Duijsens aux guitares et Joost van Haren à la basse (dernier bassiste d'AGUA DE ANNIQUE), Rob Snijders dorénavant manager, est bien trop occupé pour s'installer derrière les fûts. C'est ainsi que le batteur Jimmy van den Nieuwenhuizen complète la formation. A noter l'absence de Joris Dirks, guitariste de la formation originelle d'AGUA DE ANNIQUE. Quant à Jacques De Haard (premier bassiste AGUA DE ANNIQUE), présent sur le côté de la scène, il est en charge du son. C'est sur le très pop et classique "Feel Alive" qu'Anneke fait son retour après avoir pris le temps de se changer pour une tenue plus adéquate afin de se produire avec un groupe de rock. Comme à son habitude, ce titre quelque peu mid-tempo dans sa version studio se révèle efficace en live.
Une autre absence remarquée est bien sûr celle du groupe qui lui a permis de prendre son envol et qui de son côté fête ses 30 années d’existence à Paris sur la scène du Petit Bain. Il s'agît bien sûr de THE GATHERING et c'est une superbe reprise de "Even The Spirits Are Afraid" qu'interprètent les cinq musiciens. Il est aussi très agréable de réentendre de vieux titres tels que le mélancolique "Sunken Soldiers Ball" et le joyeux "Hey Okay!". Avec "To Catch The Thief", Anneke rend hommage à celui dont elle aurait certainement souhaité la présence, le regretté John Wetton, bassiste iconique de la scène rock progressif des années 70 dans KING CRIMSON et ASIA, dont elle était proche. En interprétant "Mental Jungle", autre titre qui n'a pas été joué depuis longtemps, elle fait un clin-d’œil à un autre ami qui n'a pu faire le déplacement depuis Istanbul, Hayko Cepkin.



Avant de s'éclipser pour un dernier changement de plateau, Anneke invite Daniel Cavanagh à la rejoindre pour une séquence toute en émotion. Le duo que nous n'avons pas eu la chance de voir sur scène depuis longtemps commence en douceur avec "The Blower's Daughter" de Damien Rice. S'en suit deux reprises d'ANATHEMA, dont Daniel est le guitariste. Si l'interprétation n'est pas sans imperfection, elle se révèle émotionnellement exceptionnelle. Le public ne s'y trompe pas et "Natural Disaster", tout comme "Untouchable, Part 2" font partie des must de cette soirée d'anniversaire. Sous l'ovation du public, le duo quitte la scène pour laisser place aux roadies en charge de mettre en place le matériel de VUUR, et à Björn van der Doelen de poursuivre son exposé en néerlandais.

Lorsque les anges de l'enfer Ed Warby, Jord Otto, Ferry Duijsens et Johan van Stratum font leur entrée sur scène, le tonnerre gronde et c'est sur "The Storm" bien plus heavy que gentle que la sirène fait son retour pour emmener son public vers un crépuscule flamboyant. La reine du rock s'est mue en metalleuse. Sous ses multiples facettes le charme continue d'opérer et c'est dans un superbe final enflammé que la belle souffle ses 25 bougies. Ce qui impressionne c'est la clarté du son qui frôle l'excellence. Ce line-up est une vrai tuerie sur scène et plus que jamais il est irrésistible. Sur la reprise de THE GATHERING "On Most Surfaces", Jord Otto cisaille littéralement l'audience avec ses parties de soli exécutées à la perfection. Si une seule chanson de VUUR devait être jouée ce soir et en particulier à ce moment des festivités, "Your Glorious Light Will Shine - Helsinki" ne pouvait être que celle-là car les lumières de la gloire brillent pour Anneke à n'en pas douter. Si l'absence de Devin Townsend pour "Hyperdrive", magistralement exécuté, ne peut qu'être remarquée, nous savons qu'il aurait apprécié être présent tout comme Anneke n'aurait pas manqué de le rejoindre à Anvers et à Tilbourg si elle n'avait pas fêté son quart de siècle ce week-end là. Pour "Amonst Stars", qu'elle a interprété avec AMORPHIS tous les soirs au cours de la tournée nord-américaine, c'est la chanteuse Alma Alizadeh de FOR I AM KING qui fait son apparition pour assurer les parties de chant growlé. Enfin, c'est un magistral "Strange Machines" qui met un terme à cette célébration tout comme il introduisit 25 ans plus tôt « Mandylion » premier album de la sirène avec THE GATHERING.



Environ deux heures et demie de spectacle pour résumer un quart de siècle de carrière. Malgré les quelques absents retenus par d'autres obligations, les musiciens, le staff technique et le public ont contribué collectivement à faire de cette soirée une inoubliable réussite qui restera marquée dans les esprits des personnes présentes. En premier lieu celui d'Anneke, mais aussi celles et ceux qui ont commencé l'aventure avec « Mandylion » et n'ont eu de cesse tout au long de ces années de la suivre et l'encourager à poursuivre sa route quoi qu'il advienne. Avec ce week-end une page se tourne vers un nouvel avenir dont l'année 2020 se révélera certainement cruciale.


Photos © Axelle Quétier - Portfolio 1 / Portfolio 2



Blogger : Bruno Cuvelier
Au sujet de l'auteur
Bruno Cuvelier
Son intérêt pour le hard rock est né en 1980 avec "Back In Black". Rapidement, il explore le heavy metal et ses ramifications qui l’amèneront à devenir fan de METALLICA jusqu'au "Black Album". Anti-conformiste et novateur, le groupe représente à ses yeux une excellente synthèse de tous les styles de metal qui foisonnent à cette époque. En parallèle, c'est aussi la découverte des salles de concert et des festivals qui le passionnent. L'arrivée d'Anneke van Giersbergen au sein de THE GATHERING en 1995 marquera une étape importante dans son parcours, puisqu'il suit leurs carrières respectives depuis lors. En 2014, il crée une communauté internationale de fans avant que leur retour sur scène en juin 2018 ne l'amène à rejoindre HARD FORCE. Occasionnellement animateur radio, il aime voyager et faire partager sa passion pour la musique.
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