Il y a des groupes que l’on attend toute sa vie avant de les voir enfin. Il y a un groupe que je n’ai pas espéré voir du tout, car il avait disparu avant que je ne le découvre. J’ai vénéré à titre posthume JOY DIVISION et son rock unique, tout en suivant la carrière des trois membres survivants, après que Ian Curtis l’emblématique frontman ait cassé sa pipe. Ils évoluèrent dans leur groupe suivant : NEW ORDER. Quatre décennies plus tard j’apprends que Peter Hook a monté un groupe avec son fils et réalise des tournées hommages où il joue les titres de JOY DIVISION. Alors je vais jeter un œil curieux au concert de Peter Hook & THE LIGHT.
Première surprise, la Laiterie est bondée. Je ne suis pas le seul nostalgique. Après les notes du Robin Hood de Michael Curtiz, Peter Hook s’installe est entame "Elegia" de NEW ORDER. Sobriété de la basse électrique et intense émotion. Les autres musiciens rejoignent "Hooky". Six titres des premiers albums du groupe de new wave de Salford seront joués en guise de première partie de la soirée. L’audience est très réceptive, et avec "Regret" et "Crystal" nous voilà téléportés à la mythique Hacienda, boîte de nuit de référence des années 80 à Manchester. L’ambiance est installée, certains dansent en faisant la queue au bar, c’est l’heure de la pause. Je crois avoir croisé Bowie près des toilettes...
Les premières notes de "Disorder" résonnent. Je retourne dans la salle car on dirait réellement entendre JOY DIVISION. Peter est sur scène, sa voix remplace parfaitement celle du défunt Ian Curtis. La batterie résonne comme à l’époque, quand enregistrée sous un dôme de plâtre elle préfigurait les balbutiements du doom metal. La guitare minimaliste et obsédante est également de la partie. Pas de doute, j’ai voyagé dans le temps, JOY DIVISION est réellement sur scène. On enchaîne avec "Day Of The Lords" et "Candidate", enivrants. On sent l’influence que le titre a pu avoir sur PARADISE LOST et autres CANDLEMASS.
Le moment de bravoure est évidemment l’enchaînement de "New Dawn Fades", "She Lost Control" et "Shadowplay". Tout le monde reprend les paroles, connues par cœur. Les poils de nos avant-bras caressés par les médiators sont électrisés et résonnent de l’émotion qui nous traverse. Moments uniques, moments magiques. "Wilderness" constitue un instant fort de retour du post-punk sur les planches. Guitare et rythmique frénétiques, "Hooky" a réussi son pari de redonner vie à toute une époque.
Nouvel entracte, puis voici que résonne "Atrocity Exhibition", avec son gros roulement de batterie et son refrain épileptique. Tous reprennent le mythique couplet « This is the way, step inside », dans une atmosphère gothique. C’est parti pour le set de l’album « Closer ». Autant dire que le spectacle, mené par un Peter Hook en pleine forme, va être à la hauteur de nos attentes, et bien plus encore. L’obsédant "Colony", le frénétique "24 Hours", les titres s’enchaînent. Nous sommes en transe. Nous assistons à une "Ceremony" religieuse dans une cathédrale de musique gothique. Le point d’orgue est atteint avec en final "Decades" qui résume en une phrase l’état émotionnel de la génération JOY DIVISION, d’hier et d’aujourd’hui.
« Here are the young men, a weight on their shoulders »
C’est le rappel. Peter Hook et ses musiciens reviennent exécuter quatre titres mythiques. Le post-punk "No Love Lost" vient retourner une foule qui savoure toujours chaque note et chaque mot. "Warsaw", 1er titre et 1er nom du groupe JOY DIVISION, déverse un chaos sans pareil qui traverse les corps. "Ceremony" de NEW ORDER déboule, titre de circonstance vu la communion établie entre musiciens et spectateurs. J’ai fermé les yeux à plusieurs reprises ce soir, mon âme et mon cœur, comme sur le morceau "Heart And Soul"... mon âme et mon cœur je disais, ont aperçu réunis Stephan, Bernard et Ian au côté de Peter. J’étais en 1980, quand JOY DIVISION changeait le monde de la musique à jamais.
Evidemment "Love Will Tear Us Apart" est un final énorme. Le refrain est repris jusqu’à la dernière note. Peter Hook & THE LIGHT saluent et sont applaudis avec l’immense respect qu’ils méritent.
C’est donc ça un concert de JOY DIVISION... 2h30 dans une "Atmosphère" unique, une plongée dans la "sombritude" d’une époque finalement toujours omniprésente. Le tout mis en musique dans une ambiance rituelle à la sonorité exemplaire, et conduit par les lignes d’une basse profonde et claire à la fois qui est devenue une référence pour le metal indus ou encore black.
Un couple m’interpelle à la sortie :
- « Dire qu’on a attendu toute une vie pour voir ça, enfin. Ca valait vraiment le coup. »
- « Dire que moi je n’espérais même pas que ce soit possible. »
C’était Peter Hook, l’un des derniers bass-guitar-hero. Respect. Et merci !