26 mars 2015, 14:34

BUKOWSKI : "On The Rocks"

Album : On The Rocks

Cela fait maintenant six ans et quatre albums que l'on suit très attentivement la carrière de BUKOWSKI : depuis le prometteur "Amazing Grace" en 2009, le groupe n'a cessé de gravir les échelons de la notoriété avec professionnalisme, détermination et ténacité... Mais sans pour autant en récolter les fruits à une échelle méritée. Les Franciliens sont certes reconnus par l'ensemble des médias spécialisés et par un public d'initié définitivement acquis, mais on rêvait à chaque nouvelle sortie d'album qu'ils embrayent la vitesse supérieure, à la hauteur de leur talent et de leurs prétentions. 
Les frères Dottel sont des mecs sympas, passionnés et acharnés, mais aussi plutôt discrets. En s'associant dès le précédent "Hazardous Creatures" avec Fred Duquesne, un tournant a clairement été franchi. Exit le power-trio des frères de minuit : désormais quatuor, BUKOWSKI a considérablement étoffé son univers. Non seulement gagnent-ils un guitariste supplémentaire, renommé et charismatique (ex-WATCHA et EMPYR), mais ils bénéficient en sus de la vision et de l'expertise affinée d'un producteur chevronné qui est venu redynamiser leur son et leurs compositions, non pas en vampirisant avec opportunisme leur identité, mais bien pour servir leurs propos, en veillant à la fois à ne surtout pas dénaturer la formule choc personnalisée par le tandem des frères Dottel, et en sachant leur apporter tout le dynamisme, les astuces, le son et les arrangements qui viendront propulser leur musique et leur singularité vers des sphères vraiment impressionnantes.
Sphères qui viennent carrément titiller les plates bandes des Américains. Du gros power-rock, heavy et aux entournures vaguement stoner des débuts, BUKOWSKI a bien sûr gardé ses références de base, conservé son ossature, sa robustesse et son appétence à lier dans ce bloc de  puissance des lignes mélodiques accrocheuses.
Puissance et mélodie, ou l'alpha et l'omega absolus de ce quatrième album, portés à un très haut niveau d'exigence, nourris par une composition pointilleuse et propulsés par cette production absolument titanesque qui vient donc directement s'aligner sur les standards américains, tout comme les recherches de textures de guitares et de petites idées géniales qui parsèment la stéréo de part en part.

En effet, on pense assez immédiatement à des groupes comme STONE SOUR, premier exemple assez évident et explicite qui réunit lui aussi toutes les mêmes qualités et facultés ici évoquées. Outre le groupe de Corey Taylor, on pense aussi à HELLYEAH pour certains de ses riffs, PAPA ROACH période virile (assez prononcé sur "Hearing Voices", quoique l'on peut aussi fortement imaginer une influence ATREYU ou EVERY TIME I DIE de temps à autres... ), ou encore aux DEFTONES pour l'originalité de certains tissus et autres colorations, ainsi que ce lien indéfectible qui les unit aux années 90, terreau matriciel du son BUKOWSKI. D'ailleurs, comment ne pas sourire à la référence limpide distillée ici sur "White Line" : le solo est quasiment repompé note pour note sur celui de Tom Morello dans "Killing In The Name", single révolutionnaire et générationnel du premier album de RAGE AGAINST THE MACHINE en 1992. De ces années phare ayant conditionné tout leur univers et bercé leur jeunesse, on peut retenir aussi l'influence assez palpable des FOO FIGHTERS ("Vampire", entre autres) dans cette propension assez naturelle à marier gros refrains sauce big rock US avec cette force tellurique qui les caractérise tant, tout comme ces choeurs omniprésents qui viennent soutenir des chorus ultra-mélodiques et accrocheurs, et que l'on devine forcément emprunts au hardcore. 
L'on caresse quelques doux moments de tendresse avec "Birth", power-ballad émotionnelle qui viendra attendrir tous les heureux papas rockers ; tandis qu'à l'autre bout du spectre on ne peut être que terrassé par le mur de guitares qui vient démultiplier le riff monumental du break de "Condor" - encore une ambiance très DEFTONES... Mais la vache, ce RIFF !!!!!! De quoi remplir les poches de tous les chiropracteurs aux lendemains de concerts.
Malgré sa nouvelle inspiration clairement hardcore emo noisy, "Scarecrow" est à juste titre illustré de touches d'orgue d'épouvante qui rapprochera un temps les BUKO' de... GHOST, notamment avec ce clin d'oeil évident au niveau des vocaux en latin. Les BUKOWSKI ont ainsi mêlé avec humour et habileté le rétro-hard-rock des Suédois avec du AVENGED SEVENFOLD !!!
On est par contre carrément moins fan de la dernière chanson de l'album : "The Beginning Of The End" se veut un espèce d'hymne fédérateur, fraternel et enjoué, capable d'unifier tout un public pour stadium-rock un peu grossier, façon U2. Grrrrr... Dommage en effet que ce splendide disque vienne se clore sur cette note un peu candide, facile et à grosses ficelles.
Mais bon, que cela ne vous empêche nullement de le zapper et de rappuyer sur play immédiatement pour regoûter à la mandale "The Smocky Room" qui introduit par contre l'album en fanfare avec cette boucle de basse distordue associée à ce riff stoner forcément fuzzé : percutant, le pré-refrain scandé devrait faire un malheur en live, contrastant avec l'atmosphère noire, opaque, nébuleuse, heavy et menaçante des couplets, exactement à la façon de MARILYN MANSON sur "The Love Song" à l'époque de "Holy Wood"... Une nouvelle référence qui ne nuit pour autant nullement à l'efficacité du titre, qui s'inscrit tout naturellement dans l'évolution des Franciliens tout au long de leurs quatre albums.

Vous l'aurez compris, à un bémol près, c'est un album kick ass que nous ont pondu les BUKO, qui viennent de parachever un album déterminant et qui devrait dès aujourd'hui leur ouvrir définitivement les portes d'une large reconnaissance méritée. On le répète, on croit en eux depuis "Amazing Grace" qui nous avait séduit dès 2009 grâce à une personnalité véritablement singulière.
Désormais en 2015, on est encore plus capable de miser gros : eux viennent de nous le prouver en accouchant d'un monstre du heavy-rock français. Après GOJIRA qui vient donner des leçons de metal à l'étranger, BUKOWSKI est bien pressenti pour jouer nos plus doués VRP hors de nos frontières - si les Français eux-mêmes se donnent les moyens de les plébisciter comme ils le méritent. En ce qui me concerne, un seul mot à l'égard du groupe : "bravo !". Et pour les autres, une seule phrase : "mais qu'est-ce que vous attendez, bordel ?".

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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