20 juin 2017, 23:46

KING'S X

@ Vauréal (Le Forum)

S’aventurer au Forum lorsque les températures sont caniculaires, comme en ce mardi 20 juin, c’est prouver son courage. Ou son inconscience. En effet, cette salle est réputée pour être un enfer sur Terre lorsque pleine et ce, hiver comme été : la faute à une climatisation aux abonnés absents. Cette date qui accueillait hier soir les Texans KING’S X n’a pas failli et une chaleur suffocante et plus moite qu’une mousson en Asie fut notre supplice à nous, pauvre public. Mais qu’importe finalement, car les occasions de voir dUg Pinnick, Ty Tabor et Jerry Gaskill en France sont rares et précieuses. La dernière remontant à 2011 et la précédente encore à 2008. Avant cela, le groupe n’avait effectué qu’une seule et unique date en France lors de la première partie d’AC/DC à Bercy en… 1991. Ce n’est donc que la quatrième fois en plus de trente ans de carrière que le trio est venu distiller son rock atypique dont lui seul a la recette, secrète qui plus est.

La première partie est assurée par un groupe originaire d’Hawaii, KINGS OF SPADE, emmené par une jeune femme à la crête rose répondant au nom de Kasi Nunes. Si le look est punk, la voix elle, est un mix entre Janis Joplin et Aretha Franklin selon la bio et c’est très juste. Que ce soit sur un rock bluesy ou plus psychédélique, elle module, susurre, s’emporte, vibre, sent et ressent la musique. J’évoquerais même une Sinead O’Connor par moments, des références pour le moins flatteuses et totalement méritées. Quelle voix ! Ses compagnons de jeu ne sont pas en reste, avec une mention au guitariste Jesse Savio qui tisse avec maestria une toile dans laquelle les spectateurs se retrouvent happés pour ne plus être lâchés. C’est hypnotique, parfaitement interprété et les compositions sont suffisamment originales et différentes pour capter l’attention de l’auditoire présent. Et il est somme toute nombreux pour une première partie. Ces Hawaiiens sont loin d’être des novices, eux qui ont ouvert pour les DEFTONES ou BON JOVI (excusez du peu).
Le groupe se prêtera ensuite bien volontiers à une session de dédicaces et photos à la fin de son set renforçant encore un peu plus son capital sympathie.


De par sa rareté et le côté confidentiel de sa carrière, voir monter sur scène le grand bassiste/chanteur qu’est dUg Pinnick, le guitariste Ty Tabor et le batteur Jerry Gaskill formant le trio KING’S X ,est un moment privilégié. Mais c’est - malheureusement - un concert en demi-teinte qui va nous être délivré. La sempiternelle, bien qu’agréable, ouverture sur "Groove Machine" ne déroge pas à la règle. Mais dès le premier refrain, dUg laisse le public chanter à sa place. N’est-ce pas un peu tôt pour déléguer entièrement son rôle au public ? Cette remarque faite, on poursuit avec "The World Around Me", un gros succès du groupe. Mais à nouveau, quelque chose cloche. Où sont les chœurs de Ty et Jerry qui donnent cette couleur si particulière à leur musique ? Ah si, ils sont là. Lointains, à peine perceptibles et surtout peu assurés, avec une voix hésitante. Le tempo est un peu ralenti aussi pour rajouter à cette déconvenue. Est-ce pour annoncer "Pillow" (avec le refrain assuré à nouveau uniquement par le public) et "Flies And Blue Skies" ? Peut-être. Ou pas. Mais à cet instant, on ne peut que constater que dUg est fatigué - j’allais dire usé - et c’est probablement cela, lui qui affiche plus de 67 printemps au compteur (tout en paraissant vingt de moins par contre). La voix se traîne, peine à monter dans les tours et il adapte les mélodies à ces paramètres.
"Vegetable" jouée en extended version avec un long solo remonte un peu le score, mais on n’y est pas totalement car ce n’est pas un titre emblématique non plus. "Cigarettes" est le premier de ce concert qui le fait vraiment. Lui aussi est rallongé et on ne s’en plaint pas cette fois. "Pray", un titre du dernier album en date, « XV », permet encore une fois au public de se faire entendre ainsi que sur un "Black Flag" qui redonne un peu de peps sur scène et dans la salle. Pour beaucoup, du moins pour moi, "Lost In Germany" est un des meilleurs titres de KING’S X et le côté autobiographique de ses paroles renforce son impact. Mais survient alors presque l’impensable. Le groupe entame la chanson avant que dUg ne l’arrête net pour tancer Ty sur une erreur au niveau des chœurs et des paroles. Ambiance… froide malgré le thermostat de la salle sur 250°. La magie disparait alors pour de bon bien que le groupe ne la relance, cette fois jusqu’au bout.
Les plus récentes "A Box" et "Looking For Love" résonnent ensuite avant que ne soit lâchée "Summerland" et "Over My Head". A ce stade, le public sait qu’il reste encore peu de titres dans la besace et lance ses dernières forces dans la bataille. "Go Tell Somebody" et un formidable (comme d’hab’ !) "We Were Born To Be Loved" clôturent ce set avant le rappel. Très vite, le trio revient et tire à bout portant sur le public qui tient désormais à peine debout avec la cartouche doum-doum qu’est "Dogman" et… quitte définitivement la scène. Pas de "Goldilox" qui est LE titre incontournable à chaque concert, obligatoirement chanté en intégralité par le public ?! Eh bien non, nous n’y aurons pas droit. La chaleur étouffante a-t-elle eu raison des forces du groupe ? C’est bien possible et nous ne les blâmerons pas en ce cas.


Impossible en conclusion cependant de ne pas tirer notre chapeau au batteur Jerry Gaskill, héros de ce concert, époustouflant d’un bout à l’autre de ce set. Lui qui à l’aube de ses 60 ans, après avoir essuyé un grave accident cardiaque il y a quelques années et également tout perdu lors du passage de l’ouragan Katrina sur sa maison, ne montre aucune faiblesse et a un jeu aussi habité aujourd’hui qu’à ses débuts. Quant à Ty Tabor, il a eu de brèves fulgurances lors d’improvisations - alors que ce n’est pas vraiment ce que l’on aurait aimé avoir - mais qui s’est planté en beauté, enchaînant des "pains" et des fausses notes indignes de son jeu, mais que l’on excusera du fait d’une blessure au bras droit (il arrivera à la séance de dédicaces le bras en écharpe). dUg, bien que doté d’un son de basse plus lourd que le metal fait SABBATH, était effacé, loin, las et surtout presque sans voix alors qu’il possédait un organe unique, identifiable entre mille, dont les montées gospel faisaient tressaillir les poils sur les bras. Je dis bien « possédait » car il semble que cette voix commence à faire des siennes, et pas dans le bon sens du terme. Et puis, pas un seul titre chanté en lead par Ty et Jerry alors que cela fait partie du charme de KING’S X, ça ne se pardonne pas, là. De même, la set-list a plutôt tourné autour de « Dogman » et l’éponyme « King’s X » évitant à peine « Faith Hope Love » (un seul titre) et ignorant totalement « Out Of The Silent Planet ». Alors que les dispensables extraits de « Manic Moonlight », « Ear Candy » ou « Tape Head » étaient bien présents eux.

Alors, au final, déception totale ou relative ? Relative bien sûr pour tous les côtés positifs évoqués, mais un sentiment de gâchis, de sous-exploitation de ses ressources et de son catalogue, mais surtout le constat que le temps rattrape nos héros, abîme nos souvenirs et que la réalité distordue de nos fantasmes s’est vue ramenée brusquement hier soir à une réalité en demi-teinte dans cet enfer sur Terre… Le Roi est mort ? Peut-être. Mais dans ce cas, VIVE LE ROI !

Set-list

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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