RAGE AGAINST THE MACHINE étant en catatonie profonde, CYPRESS HILL n’ayant plus sorti d’albums depuis 2010 – sur lequel figurait en bonne place Tom Morello – et PUBLIC ENEMY n'étant plus que l’ombre de ce qu’il a été dans les années 90 (en dépit d’albums de bonne facture), l’association de ces trois formations tombe sous le sens, on pourrait même dire qu’elle était inéluctable du point de vue culturel, politique et sociétal. Le monde s’en est ému, offusqué ou amusé et les deux premiers extraits de cet album n’ont pas remué la sphère metal comme un RATM avait pu carrément la dynamiter en 1992. Un EP en demi-teinte paru l’an dernier, qui ne confirmait ni n’infirmait l’énorme potentiel que les six membres réunis avaient sous la pédale, tel est le bilan à ce jour. Et voilà aujourd’hui le premier album éponyme de ces prophètes de la rage. Alors, sont-ils (toujours) enragés ou non ?
Premier bon point : ne pas avoir repris les titres originaux disponibles sur l’EP. Nombre de formations ne s’encombrent pas de ces considérations, c’est donc à saluer. PROPHETS OF RAGE déclenche les hostilités par "Radical Eyes" aux réminiscences d’un "By The Time I Get To Arizona" de PUBLIC ENEMY, tant dans la musique que le flow et dont le lead est assuré par Chuck D. Ce qui saute aux oreilles de suite, c’est le gros, très gros son de basse de Tim Commerford. Il en sera ainsi sur tous les titres et on ne s’en plaindra pas. Validé en live, "Unfuck The World" perd un peu de sa superbe sur disque et la musique rappelle ici ce qu’a proposé (en mieux) RATM en son temps. Un début limite country pour partir sur un rock très mainstream, voix passée au vocoder font de "Legalize Me" un titre bof, très bof même. On remonte vite la pente avec "Living On The 110", une tuerie sur scène c’est sûr (s’ils la jouent un jour) et un refrain terrible ! Quelques claviers (samples ?) discrets se font entendre et ne nuisent pas du tout à l’ensemble, au contraire. "Counter Offensive" est un interlude qui ne sert… A RIEN ! Pourquoi l’avoir mis alors ? Principe familier aux albums de hip-hop peut-être mais ici, c’est superflu et inutile.
C’est "Hail To The Chief" qui suit et merci à Chuck D. pour ce gros refrain (le gars a le timbre qui convient pour ce genre de morceau). La rythmique très lourde et un solo "so RATM", bien que peu inspiré, renforcent le potentiel de cette chanson très réussie. Mais d’où sortent ce riff en son clair et cette grosse basse funky à mooooort ?! De "Take Me Higher" et même le refrain passé au vocoder (à nouveau) ne fait pas retomber le soufflé. Avec une montée sur le refrain à la "Killing In The Name", le morceau "Strength In Numbers" ne réinvente pas la poudre mais la fait parler suffisamment pour qu’elle prenne feu. "Fired a Shot" nous montre un Morello peu inspiré recyclant des plans et effets déjà trop entendus avec RATM, même si l’association B-Real et Chuck D. fait des merveilles depuis le début et que le bassiste Tim Commerford est le patron de cet album, appuyé par la frappe de Brad Wilk. Différent dans son approche et le son, "Who Wons Who" n’est pas le meilleur morceau de ce disque mais est suffisamment original et mérite donc sa place. Refrain "pop" avec les mains en l’air, genre on a écrit cette chanson pour que « ça l’fasse en live » et on aboutit à un titre pas original pour un sou et une vraie déception. "Hands Up" ? Thumbs down (pouce vers le bas) plutôt. L’album se termine avec "Smash Up", un titre groovy mais passe-partout et qu’on entend à peine lorsqu’on l’écoute et qui reprend (encore) des plans à RATM.
Bilan des courses : décevant. En avons-nous trop attendu ? Peut-être. Devions-nous en espérer plus ? C’est certain. Il est dit en maths que le tout est supérieur à la somme de ses parties. Pas ici malheureusement. Si quelques fulgurances se font entendre par moment, l’explosion attendue n’a pas lieu. De "Bombtrack", il n’est nulle question mais l’ensemble obtient tout de même plus que la moyenne si noté sur 20. Dans une optique live, la quasi-totalité de l’album passera le test haut la main (« Hands Up! ») si PROPHETS OF RAGE veut bien toutefois abandonner quelques-uns des nombreux titres de chacune des formations d’appartenance de ses membres, aussi bon ces titres soient-ils, afin que le groupe asseoit durablement sa crédibilité en tant que nouvelle entité et qu’il puisse « make speakers rage again ».