Chaque concert apporte son petit lot de surprise ! Ce dimanche soir, aucun des deux groupes ne mettra le moindre ampli en évidence sur scène. Pas l’habituel mur de Marshall à l’horizon… Etrange ! Fort d’un dernier album conceptuel, MOONSPELL démarre la soirée de la plus belle des manières avec le chanteur Fernando Ribeiro se baladant seul en pardessus et chapeau noirs, une lanterne orange à la main, histoire de plonger le public dans le Portugal de 1755. Une année sombre où la ville de Lisbonne, victime d’un tremblement de terre de grande amplitude le jour de la Toussaint, finira totalement ravagée par un énorme tsunami qui s’abattra sur la cité peu de temps après la secousse meurtrière (il y aura entre 50 et 70 000 morts). Sur scène, le jeu de lumière, majoritairement rouge et vert, est parfaitement choisi pour mettre en valeur le répertoire. Avec les samples comblant les pauses entre les morceaux, l’ensemble confère une formidable impression d’unité et de continuité à la représentation des Portugais.
Ribeiro, crucifix à la main balançant des rais de laser dans le public du plus bel effet, survole de la tête et des épaules les débats, discutant dans un français pas toujours juste qui finit de s’attirer définitivement les sympathies des spectateurs. A ses côtés, Ricardo Amorim, cheveux gominés et grande barbe moderne style rock stoner (jouant sur sa splendide guitare Amfisound Custom blanche avec le symbole de MOONSPELL à la 12e frette et un petit serpent sur la tête qui s’illumine en rouge) assure sans faillir toutes les parties guitare et les backing vocals. Malgré une position assez statique des musiciens (seul Aires Pereira et sa Fender Jazz Bass noire 5 cordes alternant le jeu aux doigts et au médiator, se déplacera par deux fois), cela n’a pas gêné MOONSPELL qui a mine de rien carrément volé ce soir la vedette à CRADLE OF FILTH.
Des Anglais qui ne comprennent toujours pas que leur passé est bien plus riche que leur actualité et que par conséquent, il est plus dommageable pour eux de tenter de défendre sur scène l’intégralité d’un dernier album loin de leur superbe d’antan (quelques titres auraient suffi comme les excellents "Heartbreak And Seance" ou "The Night At Catafalque Manor", voire la reprise d’ANNIHILATOR qui ne sera hélas pas jouée ce soir) que de proposer un savoureux best-of au public. Un choix peu judicieux donc, à l’image de leur mise en scène simpliste qui se résume à tourner le dos à la foule systématiquement à la fin de chaque morceau ou à annoncer les titres en hurlant à chaque fois le dernier mot (tout cela tranche avec la variété proposée par MOONSPELL quelques minutes auparavant), sans parler de la gestion des éclairages qui ne sera transcendante qu’à de rares exceptions… Bah ! Ne boudons pas notre plaisir : CRADLE OF FILTH reste un sacré (oh pardon!) groupe de black metal !
Derrière les fûts, Martin Skaroupka tape tellement comme un forcené qu’il a été placé derrière des cloisons vitrées comme un lion en cage, casque avec le métronome vissé sur les oreilles. Armé de sa PRS grise (sensiblement la même que la guitare signature violette de Paul Allender), Richard Shaw se frise littéralement sur scène, jouant de son index comme d’un archet, multipliant les pauses de marionnette cassée, prenant des shoots de fumée ou jouant avec le public tout en assurant des parties de guitares démentielles sans même jeter un œil sur son manche. Plus impérial, tu meurs ! Quant à Dani Filth qui a une fâcheuse tendance à se boulifier avec les années, il semblait en petite forme ce soir, changeant ses propres lignes de chant, notamment sur son célèbre duo avec Liv Kristine ("Nimphetamine Fix" chanté par Lindsay Schoolcraft ce soir) pendant un rappel qui permet à CRADLE de déployer (mais un peu tard) les grands moyens avec les très attendus "Her Ghost In The Fog" et "From The Cradle To Enslave".
Score ce soir au stade municipal John Lennon de Limoges : Portugal : 3 – Angleterre : 1.
Photos © Didier Rivet
