13 mars 2019, 12:15

PERIPHERY

• Interview Spencer Sotelo

Le temps et la liberté engendrent l’inventivité. Sans compromis, le quintet nominé au Grammy Awards PERIPHERY, formé de Misha Mansoor (guitare, basse, programmation), Jake Bowen (guitare, programmation), Matt Halpern (batterie), Spencer Sotelo (chant) et Mark Holcomb (guitare), élargit, anime et développe le metal progressif et alternatif du groupe avec son 6e album « Periphery IV: Hail Stan » qui sera édité dans le monde entier le 5 avril 2019. Pour la première fois en 13 ans de carrière, le groupe a consacré une année entière à la création des neuf chansons qui composent ce nouvel album. Par conséquent, il les voit non seulement parcourir un nouveau territoire, mais le conquérir. Entretien avec le chanteur Spencer Sotelo.


« Periphery IV: Hail Stan », pourquoi ce titre ?
Je peux t’assurer qui si tu poses cette question à chacun des membres du groupe tu auras une réponse différente à chaque fois car il n’a pas vraiment de sens. Pour moi, si je devais donner une explication ce serait qu’on vient de passer toute une année à bosser comme des dingues et qu’on s’est totalement investi dans ce projet, on y a passé beaucoup de temps et on est tellement content du résultat final après tout ce travail, pour nous cet album était très important, mais à la fin de la journée il faut aussi savoir prendre du recul sur les choses et ne pas tout prendre au sérieux tout le temps. Tu peux réaliser la plus belle œuvre de toute ton existence, le point culminant de tout ce que tu as pu créer jusqu’à ce jour et juste le nommer de la façon la plus stupide rien que pour te rappeler de ne pas trop te prendre au sérieux.

Donc le Stan en question n’a aucune signification ?
Non ! Je ne sais même pas qui peut-être ce Stan en réalité, j’adorerais le saluer (traduction de "Hail") mais je n’ai aucune idée de qui il s’agit. (rires)

Neuf chansons, la première fois que vous sortez un album avec moins de dix chansons. Le but n'était pas d'en avoir trop mais d’aller à l'essentiel ?
Oui, l’album est composé de tout ce qu’on souhaitait et chaque chanson contient beaucoup de choses et en plus des trucs très variés. Elles sont vraiment différentes les unes des autres, et il y a aussi des titres qui sont assez longs. L’album dure finalement aussi longtemps que l’un de nos précédents disques, mais cette fois-ci on voulait s’amuser un peu plus, être plus progressif en ce qui concerne les structures et c’est pour ça qu’on s’est retrouvé avec neuf chansons. On a essayé d’écrire un album qui n’aurait fait que quarante ou quarante-cinq minutes, on voulait vraiment faire un album court au départ mais il a fallu se rendre à l’évidence qu’on en était incapable, tu vois, même là avec neuf chansons on n’a pas réussi à faire un album de moins d’une heure, c’est vraiment un défi difficile pour nous de passer sous cette barre.

Le titre d'ouverture "Reptile" est un résumé de tous les styles et couleurs proposés par l'album. Parles-nous de ce titre qui dure pas moins de 16 minutes...
En fait cette chanson a été construite de manière assez inhabituelle. Pour commencer, c’est la toute première chanson qui a été composée pour cet album, alors même qu’il n’était pas décidé qu’elle en soit le titre d’ouverture. C’était le tout premier titre sur lequel Misha, Jake et Mark ont travaillé et ça leur a pris seulement deux jours pour composer cette chanson ce qui est très rapide, écrire toutes les parties, les riffs, les différentes sections et la structure complète. Elle n’était pas encore totalement terminée mais tous les éléments essentiels et que l’on souhaitait voir apparaître y étaient en seulement deux jours, donc c’était assez dingue.

Comment as-tu travaillé sur ce titre, des idées te sont venues soudainement ?
Pour être franc avec toi la toute première fois que j’ai écouté ce qu’ils venaient de composer et qu’il fallait que je commence à écrire les paroles, je pensais que j’allais avoir une crise cardiaque car la seule pensé qui me venait en tête c’était « mais comment est-ce que je vais réussir à écrire des paroles pour cette chanson ? ». Il y a tellement de moments supers cools mais il a fallu que je me focalise dessus pendant des mois pour l’assimiler, connaître chaque partie, chaque détails et subtilités et trouver le moyen de la structurer, quelles seraient les parties qui nécessitaient d’être rallongées et celles qui devaient être raccourcies pour avoir un résultat cohérent et ensuite, seulement écrire les paroles, je peux te dire que ça a pris des mois pour terminer cette chanson même si ce n’était pas difficile de trouver des paroles une fois que j’avais bien intégré sa structure finale mais c’est juste que ça fait beaucoup de parties différentes pour lesquelles il m’a fallu écrire et en fonction de ce que j’avais comme idées il y a eu quelques sections où nous avons dû réduire de moitié et d’autres qu’on a rallongé de manière bizarre parfois, tu vois ? Pas juste doubler la durée du couplet ou des trucs comme ça mais plutôt en ajoutant des mélodies ou en modifiant certains passages avec des nuances afin de les faire durer plus longtemps.

Le bassiste Adam "Nolly" Getgood a quitté le groupe en 2017 et il n’a pas été remplacé depuis, comment arrivez-vous à pallier son départ ?
Alors en fait Nolly joue sur cet album cependant c’est Misha qui a composé toutes les lignes de basse et nous nous sommes vu avec Misha et Nolly pendant le mixage et il enregistré toutes les parties de basse donc c’est lui que tu entends jouer sur l’album même si techniquement il ne fait plus partie du groupe aujourd’hui mais il joue bien dessus et il est bien crédité sur le disque. Il a aussi mixé l’album.

Exercice qu’il a déjà réalisé entre autre en 2016  avec l’album « Transcendence » de Devin Townsend...
Oui, il fait du très bon travail.

Il souhaitait passer plus du côté de la production ?
Il n’avait plus vraiment le temps pour s’occuper de tous les à-côtés qu’il y a dans la vie d’un groupe et par lesquels on doit forcément passer, comme les conférences téléphoniques, gérer les mails, les interviews, les promotions, il est trop occupé avec son travail de production. En même temps il n’a jamais vraiment pris plaisir à partir en tournée non plus, être sur la route pendant de longues périodes et il en est arrivé à cette conclusion « pourquoi devrais-je rester dans le groupe si je n’aime pas tous les autres aspects que ça comporte en dehors de simplement faire de la musique ?». Ce qui finalement n’est qu’une toute petite partie de ce que ça implique d’être dans un groupe.

Vous referez donc sans doute appel à ses services pour vos prochains albums ?
Oui très certainement, on va continuer à travailler avec lui dans les années à venir, c’est juste que désormais il ne fait plus officiellement partie du groupe mais on reste très proches.
 

"Une grande partie de l’album est sombre et heavy il y a aussi d’autres ambiances, un peu comme lorsque tu regardes un paysages..."



Presque 10 ans d’activité avec PERIPHERY, quelles sont les choses que tu n’imaginais pas et qui se réalisent aujourd’hui ?
La première chose à laquelle je pense c’est qu’on ait réussi à rester un groupe qui continue à jouer ce style de musique, c’est assez spécial finalement et d’une certaine manière on fait ça un peu égoïstement si tu vois ce que je veux dire ? On écrit pour nous sans se demander ce que les autres en penseront, on ne fait pas de concessions, ce qu’on compose c’est exactement ce qu’on aime, C’est dingue d’avoir pu se faire connaître et d’exister depuis si longtemps mais en plus d’en arriver là où nous en sommes. Aucun d’entre-nous n’avait imaginé qu’on puisse devenir un jour ne serait-ce que la moitié du groupe qu’on est aujourd’hui en terme de notoriété même si évidement on n’est pas le plus grand groupe du monde ou le plus célèbre mais on a surpassé de loin ce qu’on espérait.

Et quelle serait la prochaine étape pour vous ?
Une plus grosse production et avec une plus grosse tournée. Je pense qu’on arrive à un moment où on va passer un cap et je pense qu’avec cet album ça va être le cas. Je crois qu’en toute sincérité cette année sera une étape très importante dans l’évolution du groupe.

Tu fais preuve d’une excellente technique vocale, as-tu des exercices pour te maintenir à ce niveau, essaies-tu toujours de repousser tes limites ? Je pense en particulier à la chanson "Satellites" où tu montes très haut dans la seconde moitié de la chanson.
Pour cet album je n’ai pas voulu me dire que ce que j’allais écrire et chanter devait être absolument reproduit en concert, je me suis dit que j’allais m’occuper de ça plus tard, et ne pas me soucier de si j’allais pouvoir reproduire tous ces passages différents et techniques en live. J’ai juste eu envie de mettre dans l’album les trucs les plus dingues que j’ai jamais fait et donner à la chanson ce dont elle avait besoin, l’émotion, la puissance et pour le reste on verra plus tard. (rires)

Donc pour le moment tu n’as testé aucune de ces chansons en configuration live ?
Non pas encore, ce sera la surprise et en même temps je pense que ce sera marrant. J’aime avoir se sentiment de rester sur le qui-vive et ne pas me laisser aller dans une routine, de sans cesse reproduire exactement les même parties vocales durant les concerts et de devoir rester absolument fidèle au disque. J’aime trouver de nouvelles façon de faire les choses, avoir une approche différente en fonction de mon humeur et c’est aussi un moyen de me pousser dans mes retranchements.

As-tu des exercices pour travailler ta voix pour être au mieux de tes capacités vocales ?
Je fais juste quelques échauffements avant de monter sur scène durant quinze ou vingt minutes. Je prends un peu plus de temps quand la tournée commence tout juste et que je dois dépoussiérer un peu mes cordes vocales mais au bout d’une semaine ou deux de concerts ça me prends beaucoup moins de temps pour être prêt avant de monter sur scène. 

L'album montre des facettes plus accessibles avec des titres comme "It's Only Smiles" qui laissent place à des mélodies aériennes, des structures et rythmes simples, ou à l'image de "Crush" et son ambiance très années 80. Vous souhaitiez un peu plus de légèreté pour ce nouvel album ?
Oui, on y a mis plus de groove, de moments calmes comme avec la chanson "Satellites". Une grande partie de l’album est sombre et heavy il y a aussi d’autres ambiances, un peu comme lorsque tu regardes un paysages et qu’à l’horizon tu vois des plaines, des vallées des montagnes avec des pics et c’est ce qu’on a voulu faire pour "Satellites" qui est sûrement le titre le plus ambiant et calme qu’on ait jamais fait, du moins la première partie.

Ce titre est très contrasté en effet avec une première moitié calme et la deuxième très puissante, terminer l’album avec ce titre était une bonne idée...
Oui je trouve aussi, commencer et terminer l’album avec les titres les plus longs. Je n’avais pas vraiment pensé à cette configuration au début mais on s’est tous dit que c’était la meilleure façon de faire, un peu comme pour un concert, on n'a pas envie de mettre les titres longs en plein milieu, il faut que l’énergie progresse au départ, la maintenir durant le concert et terminer sur une belle longueur. Si on voit ça d’un point de vue progressif dans la musique et d’une certaine manière on a structuré l’album inconsciemment comme ça.

Où trouves-tu ton inspiration ? As-tu eu un événement particulier qui a marqué l'écriture d'une des chansons ?
La plus part du temps nous puisons notre inspiration dans notre vie quotidienne et des expériences qu’on vit au moment même où on compose et souvent ça n’a rien à voir avec la musique, comme l’orsqu’on passe du temps ensemble à jouer à des jeux-vidéo entre deux sessions d’écriture, on peut aussi s’inspirer des moments où on se marre ensemble ou bien quand on se prend la tête, tout ça nous inspire pour composer ou écrire des chansons. Pour ma part, je n’ai pas écouté de musique durant toute l’année dernière car je voulais garder la tête focalisée sur notre travail et pouvoir être inspiré uniquement par mes expériences personnelles et ma vie au jour le jour, avec les autres membres du groupe.

Vous avez pris votre temps pour composer cet album ; vous aviez besoin de laisser les choses venir, d'entrer dans un processus naturel et non forcé par un calendrier ? Comment s'est passé l'enregistrement ?
A ce jour c’est la meilleure expérience de composition, d’écriture et d’enregistrement qu’on ait eu. Je ne peux pas parler au nom de tout le monde mais je suis certain qu’ils pensent la même chose car on a pu prendre notre temps pour chaque titre, car habituellement quand on compose un titre et une fois qu’il est enregistré on se dit « voilà pour celui-là, on passe à un autre », mais une fois que le disque sort il peut arriver qu’on ait… pas de regrets mais plutôt « oh ! On aurait pu ajouter ça ! » ou « si j’avais su j’aurais fait ça différemment car maintenant je le chante autrement en concert », mais pour ce disque là c’est différent car on a eu la possibilité de terminer un titre et de pouvoir l’écouter durant un mois et de revenir dessus si on en ressentait le besoin, du genre « Oh, ce titre-là est bien, il l’est toujours mais on pourrait juste modifier cette partie pour qu’il sonne encore mieux ». Donc une ambiance de travail bien plus confortable.

Le disque sortira sur 3 DOT Recordings, (distribué par Century Media), parles-nous de votre nouveau label !
Oui et « Periphery IV: Hail Stan » sera la première grosse sortie pour 3 DOT Recordings. On a sorti deux projets parallèles, Jake et Misha avec « Four Seconds Ago » et Mark et Misha on fait « Haunted Shores » sur ce même label et avec notre album ce sera la première véritable sortie officielle si je puis dire. On va aussi chercher à signer d’autres artistes, des groupes qui n’ont rien à voir avec PERIPHERY. On a vraiment hâte de se mettre dans cette dynamique.

Vous ressentiez le besoin de créer votre propre label pour être libre de faire comme vous le souhaitiez ?
On s’est toujours senti libre dans notre processus créatif mais comme tu l’as dit on voulait le faire à notre rythme, ne plus avoir à faire en fonction des délais imposés par la production. Et puis s’affranchir des gens nous suggérant de faire comme si ou comme ça, avoir notre label nous permet de ne plus avoir d’influences extérieures ou de pression et c’est très agréable de ne plus gérer ces trucs-là. 

Était-ce difficile de quitter le Maryland et de déménager au Texas ?
En fait seul Misha a déménagé au Texas, tout comme Mark. Moi j’ai déménagé à Las Vegas. Jake vit à New-York et Matt est resté dans le Maryland. Pour moi vivre dans le Nevada est tout nouveau, ça fait seulement trois mois que j’y suis et j’adore cet endroit, j’adore vivre au milieu du désert. (rires)

Parles-nous du "Periphery Summer Jam" !
Ca va faire la troisième année en 2019. La première fois c’était en 2016 et la deuxième l’année dernière en 2018. On a eu envie de faire cet événement pour rencontrer nos fans et proposer pleins d’atelier différents autour de la musique et des différents aspects que comporte la composition de chansons. Rencontrer les gens sur plusieurs jours et pas seulement pour cinq minutes quand on sort de scène et qu’on est crevé et qu’on a qu’une seule envie c’est de se coucher car dans ces moments-là c’est dur, voire impossible, de réellement être en connexion avec les gens. Là on peut se rencontrer en prenant le temps et en plus en étant loin de la ville et de la technologie environnante, et le fait de passer du temps ensemble permet de faire tomber le mur entre les gens en quelque sorte, ce qui vaut autant pour nous que pour les fans. Avoir de simples relations et interactions entre êtres humains et non pas parce que tu es venu voir mon concert ou moi qui suis l’artiste qui joue pour toi tu vois ? Laisser tomber le masque. C’est vraiment sympa car il y a des moments où on parle aussi de choses qui n’ont rien à voir avec la musique. Le soir on passe simplement du temps tous ensemble et il y a différentes activités pour s’amuser. L’une des soirées que je préfère c’est lorsqu’on on fait la soirée billard, c’est cool, on boit des bières, on discute, on joue en équipe ou en solo et c’est marrant, tu vois, le truc tout simple. Comme les soirées jeux-vidéo avec le petit championnat Mario Kart, que j’ai gagné d’ailleurs la dernière fois. (rires)

Quand serez-vous de retour en France pour jouer en live ?
Normalement plus tard dans l’année, je ne suis pas sûr de la date ni où ce sera exactement mais attendez-vous à ce qu’on soit là pour la fin d’année.


Blogger : Benjamin Delacoux
Au sujet de l'auteur
Benjamin Delacoux
Guitariste/chanteur depuis 1991, passionné de musique, entré dans les médias à partir de 2013, grand amateur de metal en tous genres, Benjamin Delacoux a rejoint l'équipe de HARD FORCE après avoir été l'invité du programme "meet & greet" avec UGLY KID JOE dans MetalXS. Depuis, il est sur tous les fronts, dans les pits photo avec ses boîtiers, en face à face en interview avec les musiciens, et à l'antenne de Heavy1, dont l'émission MYBAND consacrée aux groupes indépendants et autoproduits.
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