12 août 2019, 19:38

CROWN THE EMPIRE

• "Sudden Sky"

Album : Sudden Sky

« Dring, dring »… Mince... c’est le chef qui revient à la charge pour la chronique du dernier album de CROWN THE EMPIRE, « Sudden Sky ». Ca fait quelques semaines que je sèche sur cette production des jeunes texans. Ca ressemble tellement à un metal boy-band, je vais encore être catalogué spécialiste des groupes pour minettes. Et si… le chef avait raison, et que derrière ce groupe post-metalcore se trouvait une dimension qui m’avait échappé ?

10 000 écoutes plus tard. Mon cerveau s’éveille enfin. Après une intro courte, l’electro "[X]" qui annonce l’empreinte synthétique qui parera chaque titre, je découvre un album rempli d’une rage contenue derrières des visages de marbres. Un calme de façade. "20/20", percussions sèches et riff minimaliste qui surfe sur des vagues artificielles. Une image d’humains aux vies suspendues aux cables tentaculaires des réseaux sociaux. Humain 2.0, exsangue et addict à des technologies qui régissent et façonnent sa vie. Quelle puissance peut atteindre sa révolte semi-éveillée perdue aux tréfonds des pixels ? Notre humain 2.0 n’arrive qu’à pousser que quelques cris au milieu de son chant clair. "What I Am ?". Les cris de douleur d’un nouveau-né s’arrachant à sa torpeur amniotique.

Cette addiction est merveilleusement représentée par la structure electro-indus des titres, ainsi que par les riffs souvent diffus et aérés. Zut, c’est Doc Karila qui aurait dû se pencher sur le cas CROWN THE EMPIRE !

"Red Pills". Un morceau énergique aux breaks portés par des voix nues, résonnant telles des échos perdus dans de grandes métropoles désertées. Je repense aux derniers albums de BRING ME THE HORIZON, UNDEROATH, WHILE SHE SLEEPS, peut-être même  BULLET FOR MY VALENTINE (là je vais me faire des ennemis)… on y retrouve la même structure de neo-rock dépouillé. Tous ces groupes nous transportent dans un âge artificiel, une projection de notre monde à travers une matrice (neo et matrice, vous suivez ?) qui recrache nos vies dans de singuliers paradis artificiels. Nous sommes livrés à la "MZRY" :

« All along I was scared to breathe
So afraid that the world was gonna leave me behind
In the dark I refused to see
That I was barely alive
I didn't wanna wake up and miss the misery ».

Donc, derrière ce qui à la première écoute fait penser à de la simple pop énervée, on trouve un album concept, une musique concept. Peu de décibels ne riment pas forcément avec simplicité. "Blurry (out of place)" déroute avec son intro electro-percussions, CROWN THE EMPIRE a mué, perdu des membres au sens propre comme au figuré, et c’est avec une rage contenue dans un habillage minimaliste, mais au combien somptueusement mixé, que le groupe s’exprime pour et avec nous. Car leurs interrogations sont également les nôtres. Qui sommes-nous ? Suspendus tels les membres du groupe sur la pochette à des cordons ombilicaux qui nous abreuvent de messages subliminaux (punaise, nous sommes vraiment dans Matrix ?), nous sommes paradoxalement déconnectés de la réalité. Nous sommes la "March Of The Ignorant". Je vous renvoie à l’interview d’Aude Paquot qui explicite cette analyse.

Un album tout en contradiction. On évoque l’artificiel avec une musique profonde et travaillée. Des sons artificiels cristallins qui sont mariés à des instruments bien vivants, il en ressort une puissance émotionnelle palpable dans "Under The Skin". C’est en tout cas d’une grande beauté. Et soulignons tout de même la présence de titres bien furieux : "Red Pills", "MZRY" ou "SEQU3NCE", pour ne citer qu’eux, nous changent du côté introspectif contenu dans des morceaux tels que "March Of The Ignorant". Ca riffe presque autant que CROSSFAITH. « Sudden Sky » est un mix de toutes ces orientations.

Bon, le chef m’a (encore) fait découvrir un excellent groupe, et m’a un peu plus éloigné des groupes cuirs et clous de mon enfance. Au prochain épisode me verrez-vous (enfin) chroniquer un groupe aux slips en peaux de lapin, ou poursuivre plus avant l’exploration de la richesse musicale des metal boy-bands torturés ? Wait and see. En attendant je file derrière le lapin blanc… L'Empire Crown attaque !

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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