22 février 2021, 16:00

EVERGREY

"Escape Of The Phoenix"

Album : Escape Of The Phoenix

Depuis plus de vingt cinq ans, EVERGREY distille son metal progressif ultra énergique et mélodique avec une belle constance. « Escape Of The Phoenix » est ainsi son douzième album, et il arrive après la sublime trilogie composée de « Hymns For The Broken » (2014), « The Storm Within » (2016) et « The Atlantic » (2019), qui a marqué une sorte de renaissance pour les Suédois. En effet, depuis ces trois derniers albums, le quintet a développé les aspects les plus progressifs, classieux et mélancoliques de sa musique, laissant un peu de côté le power metal plus rêche des débuts. Cela s’avère être la meilleure voie qu’il ait pu choisir, tant le groupe s’améliore, d’album en album et tant ses créations y gagnent en puissance, en mélodie et en crédibilité, enrichies par la voix chaude et onctueuse comme une caresse de velours de Tom S. Englund, le charismatique chanteur et guitariste.

Impossible lorsqu’on parle de la musique d’EVERGREY de ne pas évoquer également les paroles d’une belle profondeur, écrites par Englund, qui évoque, à travers quelques métaphores bien choisies et très intuitives, les tourments et les difficultés rencontrés tout au long d’une vie. Les thèmes abordés sur les trois derniers albums du groupe reflétaient les angoisses et les ombres du vocaliste, alors en pleine séparation. Lorsque l’on se rend à l’évidence que les chemins se séparent, qu’il n’y plus de mots ni de geste pour pouvoir sauver les restes d’une relation arrivée à son terme. Lorsqu’il faut faire le choix, ô combien difficile, de suivre son propre chemin pour pouvoir survivre, pour revivre enfin, pour soi, et non plus se noyer dans l’autre, au risque de s’y perdre. Lorsque la décision est prise, qu’il ne reste que le vide derrière et l’inconnu devant soi, on fait le premier pas vers un ailleurs qui fait peur. Tom S. Englund n’a pas son pareil pour transmettre à travers ses textes et sa voix toutes les émotions et les questionnements, qu’ils soient positifs ou négatifs, qui guident nos pas dans un quotidien souvent difficile.

Après avoir traversé le feu, la tempête et l’océan de larmes, voici donc le phénix, mais, contrairement à sa légende, cette fois, il n’a pas envie de renaître de ses cendres. Il est fatigué de devoir constamment se battre et se montrer fort, dans ce « Escape Of The Phoenix », superbement mis en son par le batteur, Jonas Ekdahl et Tom S. Englund, qui ont tous deux composé les musiques. Le Englund explore donc un peu plus profondément les failles qui nous habitent, comme le montrent fort bien les deux premiers titres qui démarrent très fort, "Forever Outsider" (« What it all comes down to Was that I never felt like one of you », « Still knowing that I’d always be Forever outsider ») et "Where August Mourn" :

« If I'm just aching this can't go on
I came from chasing dreams to feel alone
There must be changes, miss to feel strong
I really need life to touch me
There must be reasons I'm on my own
I really need life to find me
There must be changes, miss to feel strong
I really need life to touch me »

EVERGREY offre ici des chansons plus directes, fortement teintées metal ("Forever Outsider", "A Dandelion Cipher", "Eternal Nocturnal", "Escape Of The Phoenix", "Leaden Saints") tout en conservant un aspect mélodique immédiatement mémorisable, avec des refrains accrocheurs et puissants ("Eternal Nocturnal", "Where August Mourn", "The Beholder"). Les guitares d’Henrik Danhage et Tom S. Englund se font tour à tour agressives, tranchantes ou ciselées comme une dentelle de Calais (le magnifique solo de "You From You", entre autres). La section rythmique de Johan Niemann (basse) et Jonas Ekdahl est parfaitement assise, précise et bien speed, à grand renfort de double pédale, qui donne cette impression de course effrénée.  Quant aux claviers de Rikard Zander, ils sont magnifiés sur chacun des morceaux, naviguant entre une douceur soyeuse comme un rayon de miel ("In Absence Of Sun", "You From You") et des nappes aériennes et épiques ("Stories", "Eternal Nocturnal", "The Beholder").

A noter également, la présence non négligeable de James LaBrie de DREAM THEATER sur "The Beholder", dont la voix se marie à merveille avec celle de Tom. "Stories" rappelle, par sa douceur et ses notes de piano, le travail récent que Tom S. Englund a effectué avec Vikram Shankar, sur l’excellent album « Satellites » de SILENT SKIES, dont vous pouvez retrouver la chronique ici. L’un des moments fort de ce disque est, sans l’ombre d’un doute, la superbe "In Absence Of Sun", qui commence avec quelques notes de piano pour ensuite atteindre un point d’orgue majestueux et poignant sur le refrain, dans une belle montée progressive. Une chanson qui prend aux tripes, avec son texte fort  (« And if you never walked among shadows or never were held in the arms of solitude, Then you never felt how cold it is In the absence of sun »), pouvant se rapporter aussi bien à la véritable absence de soleil, lorsque les journées sont envahies par le gris et la morosité ambiante, que l’absence de cette indispensable lumière d’espoir. Ce trou noir que l’on doit traverser quand les vagues de tristesse, d’abattement et d’amertume nous submergent, noyant  toute velléité de repeindre la vie en couleurs.

Après les deux morceaux hyper énergiques et menés à cent à l’heure que sont "Eternal Nocturnal" et "Escape Of The Phoenix",  la très belle ballade, "You From You", permet de se délecter de la voix extraordinairement puissante et caressante, vecteur d’émotions aux mille nuances, de Tom S. Englund, qui prouve une nouvelle fois qu’il est à l’aise aussi bien sur des titres plus agressifs que sur des chansons plus calmes. L’album se referme sur "Leaden Saints", l’un des morceaux les plus offensifs du disque, et la très mélodique "Run", qui n’est cependant pas exempte de cette mélancolie douce-amère, qui baigne toute l’œuvre d’EVERGREY (« I wish someone had told me There is no way to outrun the pain »). Le très bel artwork de l’album a été créé par Giannis Nakos et représente superbement les doutes et les tourments qui nous assaillent, les chaînes qui nous emprisonnent et les flammes qui nous consument, pour tenter d’atteindre un horizon plus serein. Enregistré par Jonas Ekdahl et Tom S. Englund, et produit par Jacob Hansen « Escape Of The Phoenix » a aussi bénéficié de la pause forcée due au confinement au printemps dernier, laissant tout loisir au groupe de peaufiner chaque détail comme il le souhaitait.

En résulte un album à la production massive et surpuissante, où chaque instrument est présent, sans étouffer les autres, avec des compositions immédiatement assimilables, dotées de refrains imparables et addictifs, mais cependant tout en nuances et subtilités, qui se révèlent un peu plus profondément à chaque écoute. La voix de Tom S. Englund porte le tout avec délicatesse et sensibilité, nous prend par la main, pour nous montrer le chemin, là-bas, au loin. Celui qui mène vers la liberté d’être soi, avec ses ombres, ses fantômes et ses rêves. Fermez les yeux. Vous le visualiserez mieux.

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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