26 mars 2021, 10:00

SMITH/KOTZEN

"Adrian Smith / Richie Kotzen"

Album : Adrian Smith / Richie Kotzen

A force de voir sur les réseaux sociaux en 2019 qu’Adrian Smith et Richie Kotzen passaient du temps ensemble à Los Angeles, que le guitariste d’IRON MAIDEN invitait de temps en temps quelques amis chez lui afin de jammer (Richie bien sûr, mais aussi Robert Trujillo, bassiste de METALLICA, entre autres pointures) et que les deux hommes s’estimaient mutuellement et s’appréciaient en premier lieu, il n’aura été alors guère étonnant d’apprendre que la paire annonçait en fin d’année dernière un album commun, entièrement constitué de titres inédits. L’éponyme « Smith/Kotzen » est donc le fruit, non pas d’un labeur, mais d’une amitié et d’influences réciproques qui se traduisent par neuf titres sur lesquels les musiciens se partagent tous les instruments, ayant fait appel pour quelques morceaux seulement à de proches connaissances, en l’occurrence la section rythmique de Richie lorsqu’il joue en solo et le batteur d’IRON MAIDEN, Nicko McBrain, en tant qu’invité très spécial sur un titre.

Si l’on connaît la carrière d’Adrian Smith, on sait qu’il a de tous temps privilégié une approche mélodique de son travail, que ce soit à ses débuts dans URCHIN, puis chez IRON MAIDEN ou encore avec A.S.A.P. (Adrian Smith And Project, groupe hard FM ayant sorti un unique album en 1989) et sur les deux disques de PSYCHO MOTEL. Seul le "torturé" et unique album du projet PRIMAL ROCK REBELLION, paru en 2012, en compagnie du chanteur de SikTh, Mikee Goodman, l’a vu sortir des sentiers battus, et c'est sans aucun doute le plus sombre et le plus dur qu’Adrian ait réalisé de toute sa carrière solo. Ici, Richie et "H" (surnom d’Adrian) témoignent de leur amour du blues, du rock dans ce qu’il a de plus Classique avec un grand C, ainsi que de la musique des 70s. Avec parfois des rappels plus que flagrants vers ce qu’a pu commettre de mieux le bassiste et chanteur Glenn Hughes, et vous non plus ne pourrez nier à l’écoute de certains passages l’influence que celui-ci a eu sur eux, particulièrement en ce qui concerne certaines intonations lors des parties de chant de Kotzen.

Bien que commençant de manière "évidente" avec une composition immédiate et annonciatrice d’un niveau élevé, ''Taking My Chances'', on peut considérer ce single comme l’arbre qui cache la forêt. Une forêt dense qui offre à l’auditeur une multitude d’essences au gré de la balade. Le blues de ''Scars'', dont on perçoit tout l’esprit soul, se veut l’une des meilleures chansons de cet album (« Sometimes I feel like an helpless child, alone in the night / Sometimes I feel so far from the light / I’m alone on an endless road looking for a sign / The crossroad stretches out ahead but I don’t know which way is mine… ») et fait écho au message de solitude et de perdition qu’évoquait Adrian en 1986 dans ''Wasted Years'', un morceau de son "autre groupe". On peut également inclure dans le même registre la chanson "Glory Road", bien que chaque titre ait une âme propre et se distingue des autres. Les fans d’IRON MAIDEN ne s’y tromperont pas et les descentes de toms si caractéristiques de Nicko sont immédiatement reconnaissables lorsque débute ''Solar Fire'' dont le feeling 70s est prégnant. Le batteur de la Vierge de Fer a commencé sa carrière au début des années 70 et a encore de très bons réflexes de jeu dans ces gammes, ce qui en fait un batteur bien plus polyvalent que ce que l’on connaît de lui, principalement dans le registre heavy metal évidemment. Impossible non plus de ne pas citer ''You Don’t Know Me'' parmi les pépites que recèle le disque, 7 minutes de blues rock poignant (« You don’t know me, there’s a man behind the mask ») et mettant en exergue la facette sensible de Smith et Kotzen.

Il faut par ailleurs bien préciser que nous n’avons droit ici à aucun titre de remplissage et que la qualité est atteinte dès la première seconde et maintenue jusqu’à la dernière. Je n’ai pas parlé non plus jusque-là de l’interaction des instrumentistes Smith/Kotzen et il faut bien souligner la facilité des échanges que l’on observe au gré des compositions, au niveau de leur voix tout d’abord, se complétant à merveille, chacun ayant produit de remarquables performances (Adrian a-t-il jamais aussi bien chanté ?), tout se déroulant de manière naturelle et évidente. A aucun moment l’un des deux ne tire la couverture à lui mais, au contraire, ils se renvoient la balle, hissant l’autre afin que chacun tende à révéler en lui ce qu’il a de meilleur pour le bien des compositions.
En cela, c’est une des choses les plus appréciables lorsque deux musiciens de leur niveau s’acoquinent ensemble. Bien entendu, les joutes guitaristiques font montre d’une grande flamboyance et prennent leur pleine dimension, car exécutées avec intelligence. Les soli, eux, sont d’une finesse confinant au cisèlement de joailliers, mais ne sont jamais exposés de manière clinquante. Et ça, cela s’appelle la classe.

A l’heure où j’écris la conclusion de cette chronique et après de très nombreuses écoutes du disque, je cherche encore ce que l’on pourrait bien dire afin de nuancer un tel concert de louanges, mais honnêtement, je ne vois pas. Sa trop courte durée ? Oui, c’est bien le seul défaut qu’on peut reprocher au disque de ces deux compadres car on aurait aimé en avoir plus lorsque se termine un ''’Til Tomorrow" empli de panache, dernière saillie d’Adrian Smith et Richie Kotzen venant de nous procurer près d’une heure de magie, n’ayons pas peur des mots. Le binôme a déclaré dans la presse que leur association n’était pas qu’un one-shot et que l’envie de réitérer la chose était pour eux une évidence. Grand bien leur fasse car cela nous en fait aussi. « Smith/Kotzen » nous donne rendez-vous sur la Place des Grands Hommes et je peux vous assurer – rassurer – que l’on n’y croise pas une seule fois Patrick Bruel.

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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2 commentaires

User
Christophe HUARD
le 16 avr. 2021 à 11:42
Très belle critique, entièrement d'accord sur cet album qui est une belle surprise
User
Joel Collet
le 15 mai 2021 à 19:27
Quelle merveilleuse découverte grâce à cet article parfaitement intègre et tellement vrai.
Bonjour de U-Men Touch
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