3 mai 2021, 18:24

Marty Friedman

Tokyo Jukebox Interview

Marty Friedman, un guitariste que l’on ne présente plus, est de retour avec l’album « Tokyo Jukebox 3 », sorti le 16 avril chez The Players Club. Cet album est le troisième d’une série qui a débuté avec « Tokyo Jukebox » (2009) et « Tokyo Jukebox 2 » (2011). L'ex-soliste de MEGADETH rend hommage, avec son empreinte artistique, au répertoire musical japonais et au pays qui l’a accueilli voilà plus de 15 ans. Un très bon moment d’échanges avec ce samouraï de la 6-cordes autour du nouveau disque.
 

Comment résumerais-tu ton nouvel album simplement, en 5 mots de ton choix ?
Cinq mots ? OK, je dirais nouveau, frais, excitant, innovant et sauvage.

Pourquoi as-tu attendu 10 ans pour sortir cette troisième partie de la série «Tokyo Jukebox » ?
La raison est simple, je jouais tous les ans pour des cérémonies officielles d’ouverture du marathon de Tokyo et cela depuis 4 ans. J’interprétais des chansons japonaises très connues issues de mon premier album, « JukeBox ». En 2020, quand j’ai été confirmé à nouveau, mon label m’a proposé de faire un nouvel album de la série « Jukebox ». Ils ont ajouté que si nous avions de la chance, nous serions choisis pour les Jeux Olympiques de Tokyo. Nous avons donc sélectionné des chansons adaptées au sport, à la motivation, aller plus haut, se sentir bien. Des choses qui te font travailler dur, courir plus vite. Tout ce concept fait que nous sortons cet album maintenant.

Comment s’est opéré ton choix des différentes reprises sur l’album ?
La première chose était que je devais aimer les chansons et être personnellement connecté à elles. La seconde, que je devais pouvoir proposer ma version des chansons, pas simplement une copie. Ce que j’aime faire, c’est prendre une chanson, la décortiquer, la disséquer, la détruire et la reconstruire. Je garde son essence-même, ou une partie, et l’amène à un autre niveau d’expression. Pour certains titres, cela fonctionne très bien et pour d’autres, non ! Je m’aide de mes démos pour voir ce qu’il y a de plus intéressant à faire.

Et dans quelles conditions as-tu pu l'enregistrer ?
Je n’ai pas de home-studio. Chez moi, je fais des démos et du montage. Je vais toujours à Tokyo, dans un fabuleux studio, pour enregistrer mes album et ce, depuis plus de 15 ans. C’est une seconde maison pour moi en quelque sorte. J’y dors parfois ! (rires)

Qu’as-tu fait pendant la pandémie, depuis mars 2020 ?
Ce nouvel album. Il devait sortir en mai l’année dernière, mais l’épidémie a tout modifié. J’en ai profité pour tout faire : enregistrer, monter, modifier, corriger, tout nettoyer... J’ai enregistré deux vidéos, dont "Makenaide". Tout a été consacré à cet album, en définitive.

Comment est d’ailleurs la situation sanitaire au Japon ?
L’épidémie est présente. Nous sommes dans une situation un peu meilleure que dans d’autres endroits du monde. Nous avons de la chance de pouvoir faire des concerts et j'ai tourné au Japon durant le mois d’avril. Nous avons travaillé durement, car il y a beaucoup de restrictions. Les gens les respectent, donc ils ont droit aux concerts. Le temps est long quand même...

Pourquoi as-tu choisi d’enregistrer une seule chanson avec du chant, "The Perfect World" ?
C’est une reprise d’une de mes chansons. Le label l’avait suggéré et je l‘avais déjà faite en version instrumentale. Je voulais essayer une chanteuse au lieu d’un chanteur pour une approche différente de la chanson, une ambiance et une texture différentes. J’adore la version originale, je ne voulais pas la détruire. Un fois que je m’y suis penché, cette nouvelle version s'est révélée fantastique, la vidéo qui a suivi aussi. J’étais vraiment satisfait du travail accompli.


Pour le public français, qui est Alfakyun, cette chanteuse qui apparaît sur l’album ?
C’est une jeune chanteuse très populaire au Japon. Si tu tapes son nom sur Internet, tu verras tout ce qu’elle fait et la superbe musique qu’elle écrit.

Tu as également inclus "Japan Heritage Theme Song", une de tes propres compositions sur laquelle tu as travaillé avec l'Orchestre Philharmonique de Tokyo...
J’ai eu de la chance d’être choisi par le gouvernement japonais qui m’a demandé d’écrire une pièce musicale qui pourrait être jouée lors d’événements officiels. C’est un choix politique. J’ai donc eu l’immense honneur de composer pour l’Orchestre Philarmonique de Tokyo, et j’ai assuré les guitares. Ce n’était pas évident d’écrire quelque chose sur des images du Japon, mais j’ai utilisé mon expérience de résident ici depuis 15-16 ans. La texture musicale japonaise propre au quotidien, tu ne la ressens que si tu vis ici. C’est difficile lorsque tu vis en dehors de ce pays d’avoir les images exactes du Japon. J’ai essayé de retranscrire cela avec cette pièce musicale, de façon moderne. J'en suis vraiment fier.

Et la pochette de l’album ?  Elle est étonnante...
Merci ! Cela me rappelle des images des années 70. C’est comme ce que l’on pouvait voir sur les pochettes des vinyles de cette époque. Sur les deux premiers « Jukebox », c’est juste mon visage avec du maquillage kabuki. Ce n'était pas mon idée de départ, mais ça fonctionnait parfaitement avec la musique. Pour ce nouvel album, je me suis demandé comment améliorer le concept, faire quelque chose de plus intéressant sans me copier. La même équipe a travaillé et réfléchi avec moi sur des idées. Ils sont venus avec un kimono, différents maquillages, différentes coupes de cheveux comme propositions et un styliste japonais très connu s’est occupé de moi. Ce qu’il faut noter sur la pochette, c’est qu’il n’y a aucune retouche dessus. Je crois que c’est pour ça que j’ai cette impression de pochette des années 70. Ça sonne vrai, tout est réel artistiquement ! Je ne te cache pas que je suis un peu embarrassé d’avoir mon portrait en aussi énorme sur la pochette, mais ça fonctionne artistiquement, je pense !

Comment s’est déroulé le concert en livestream en janvier dernier ?
C'était un moment formidable. Nous utiliserons certaines chansons pour des vidéos dans un avenir proche. C’était tellement agréable de jouer en live, même s'il n’y avait aucun public présent, uniquement l’équipe technique de production. Le challenge était de jouer comme s’il y avait des spectateurs sur place. Il y en avait, mais dans le monde entier, derrière leurs écrans. Ne voyant personne, c’était assez perturbant mentalement, il fallait s’adapter psychiquement. Surtout, je n’avais pas joué live depuis février 2020. C'était inhabituel, mais intéressant. J’étais enthousiaste pendant la performance et mon groupe aussi. J’espère que les spectateurs ont pris le même plaisir. C’était une super expérience.

Quelle est ton actualité à présent ?
De la promo pour l’album et j’ai tourné deux vidéos. Je me suis préparé à partir en tournée au Japon qui s'est s’achevée avec un concert accompagné d'un orchestre symphonique. Je n’y crois toujours pas. J'ai joué le "Japan Heritage Theme Song", des morceaux de musique classique, ce qui est inhabituel pour moi. Au mois de mai, je ne sais pas encore ce que je ferai. J’espère jouer dans d’autres pays.

Peux-tu nous rappeler à quand remonte ton histoire d’amour si particulière avec le Japon ?
J’ai fait connaissance avec le Japon durant les tournées. A force de venir ici, j’ai découvert les artistes, la musique, la culture. A un moment, je me suis dit que je ressentais plus de choses avec la musique japonaise qu'avec l’américaine. Alors, j’ai voulu faire partie de la scène musicale japonaise. Il fallait que je vive sur place pour y parvenir. Tu ne peux pas faire autrement, honnêtement. Voilà comment tout simplement cette histoire a commencé.

Qu’apprécies-tu dans la culture japonaise ?
Plein de choses. J’aime la manière et la façon de vivre des Japonais. J’apprécie le côté sécurisé du pays, son architecture, certains endroits aussi. Il y a plein de choses simples et d'autres complexes au Japon. Il y a des choses classiques et d'autres plus modernes et futuristes. On ne s’ennuie jamais ici.

Aimerais-tu être un personnage de dessin animé japonais ?
J’adorerais, mais je ne sais pas qui. J’ai déjà été un personnage de bandes dessinées, de mangas japonais et des trucs comme ça. C’est un honneur pour moi, tu sais. Ça me fait marrer aussi ! Il y a un fameux artiste qui avait écrit un manga érotique et il m’avait inclus un moment dans l’histoire. C’était énorme.

As-tu une idole ?
Oui, Elvis Presley, définitivement.


Comment perçois-tu la scène metal au Japon actuellement ?
Je ne connais pas bien la scène heavy metal japonaise. Ce que je peux te dire, c’est que tu retrouves du heavy metal dans différents genres de musique. Par exemple, dans des trucs de pop dans les charts, tu as des guitares heavy et d’autres éléments musicaux du genre. Mais le noyau du titre reste pop. Tu peux retrouver ce même exemple dans le RnB, la musique électronique.

Si tu devais effacer des instants de ta carrière professionnelle, quels seraient-ils ?
Rien. J’ai fait des erreurs, mais elles m’ont permis de progresser. Je n’ai aucun regret majeur, sincèrement.

Pour finir, j’aime bien poser cette question aux artistes avec qui je discute : c’est quoi ton addiction positive ?
La musique. Peu importe mon état : si je suis fatigué, malade, si j’ai la grippe, je fais de la musique. Je donne toute mon énergie pour elle. Je la fais passer avant moi. C’est ma priorité et toutes mes décisions vont en ce sens. Je veux être sûr que la musique que je compose est en adéquation avec ce que je ressens et va aller dans le sens des personnes qui vont me voir et l’écouter.
 

Blogger : Laurent Karila
Au sujet de l'auteur
Laurent Karila
Psychiatre spécialisé dans les addictions, Laurent Karila a collaboré à Hard Force de 2014 à 2023.
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